31 Mai 2015
Me voici de retour dans mon Paris natal. Après ces quelques mois passés dans mon Algérie viscérale...
Il est temps pour moi de faire un premier bilan de cette dernière « expédition » d’une aventure intime et collective qui dure depuis six ans déjà. Une découverte de mon pays, étape par étape, rendue possible grâce à la solidarité de quelques hommes et femmes d’Algérie à qui je dois beaucoup.
J’ai vu tant de choses, rencontré tellement de gens, durant tous ces va-et-vient. Et pourtant je n’ai même pas parcouru le tiers de ce pays continent. Je ne connais que des bribes de son histoire, de ses cultures. Ce que je ressens depuis le début de cette expérience, c’est que tout ce que j’ai vécu ici relève d’une initiation. Sans autre fin possible, il me semble, que celle de ma propre existence sur Terre…
N’étant ni écologiste, ni d’ailleurs écologue, je ne saurais m’adresser à vous en tant qu’expert maîtrisant toutes les facettes d’aussi vastes sujets que l’écologie et l’environnement en Algérie. Je me suis juste dit que, peut-être, certaines et certains d’entre vous aimeraient cependant partager avec moi quelques-unes de mes impressions et réflexions; fruits de mes voyages dans ce pays. Ceux qui m’auront le plus marqués cette année...
J’aimerais surtout vous parler de nature algérienne, plus que d’écologie moderne. Une nature, au sens propre, mais aussi figuré. Une mosaïque d’identités ethniques et culturelles qui ont cependant certaines inclinaisons endémiques en commun; au point qu'il est toujours aisé de reconnaitre un Algérien, quelque soit le pays où il se trouve...
Dans la steppe d'Al Bayadh, par exemple, en terre Ouled Ziad, je me suis immergé au cœur d’une profondeur spirituelle qui me parait heureusement encore bien ancrée dans l’âme de nombreux Algériens. Surtout à mesure que l'on se rapproche du Sud. El Karam, ainsi qu’El Nia sont ici encore des maîtres mots.
Une population dont les traditions sont à l’image de cette vaste géographie qui se perd dans un horizon dont seule la distance peut atténuer la transparence. Au sein d’une telle monotonie apparente, le mensonge est inutile, la fuite forcement en avant. Les gens du Vide, les enfants des haut-plateaux, sont remplis d’une sincère générosité ; leur hospitalité est légendaire, autant que la saveur si particulière de la viande qu’ils produisent dans cette vaste étendue rocailleuse. Un climat si prompt à générer une couverture végétale dont la grande valeur et l’utilité économique ne se perçoit pas du premier coup d’œil. Une terre de céréales et de plantes médicinales.
Le courroux d’un Bayadhi est tout aussi impressionnant que sa véhémence de son accueil. Ce sont des gens qui n’aiment pas reculer, mais avancent lentement... Mais quand ils sont face au péril, ils chargent droit sur le danger sans éprouver la moindre peur ou hésitation.
Cependant un ennemi des plus tenaces pourrait peut-être bien un jour avoir raison de cette vaillance. La pollution ainsi que l’enclavement socio-économique sévissent dans la majeure partie des wilayas des Hauts Plateaux. Souvent, ces intrusions se font de la manière la plus insidieuse. Elles ont gagné malheureusement beaucoup de terrain sur l’environnement authentique et millénaire qu’est la Steppe algérienne.
Pour moi, cette région est autant une écologie bien particulière qu’un écosystème social à part entière. A l'image de cette immensité plane qui ne dévoile ses secrets qu’à ceux et celles pour qui il n’y a de plus beau et précieux jardin que celui planté au cœur d’une oasis. Émergé comme par un miracle d'Amour, des abîmes les plus sèches du désert.
J’ai eu la chance de visiter un de ces jardins. C'était une caverne perdue dans la steppe de Rogassa. Une ville que je n’oublierais jamais. Tant elle m’a fait toucher de l’âme toute la pureté d’un Islam d’Algérie, généreux, d’une lumineuse tolérance et bienveillance vis-à-vis d’autrui. Comme si j'étais remonté à la source de ce que l'on m'avait enseigné dans mon petit douar Skikdi. J’ai découvert,avec mon cousin El Hadj Tedjani, une mosquée que son ami Bakar tenait absolument à nous faire visiter. Elle a, parait-il, été creusée en 1930, de la seule main d’un Cheikh soufi parent du célèbre Bouâamama.
La sobriété d’un égo apprivoisé, qui s’est incrusté dans la nature d’un lieu au charme primitif. La fréquence pure enfin retrouvée d’une vibration. Car, le modeste décor de ce lieu de culte vibre d’une telle intensité ; habillé seulement de quelques vieux tapis et de toisons de moutons. Des planches coraniques en bois écrites à l’encre noire, sur la pointe d’une écorce de palmier taillée. Accoudées çà et là aux murs de pierre brute de cette minuscule mosquée, érigée six pieds sous terre pour nous rapprocher de la cime du Ciel. Des contours grossiers d'apparence, mais ils diffusent pourtant dans ces lieux une grande noblesse. De l’ombre, des lumières; le bruissement croustillant du sable qui s’infiltre dans la place, à bord d’un vent pénètrant tout ce qu’il touche…
Puis la rencontre avec l’actuel maître de cette Tarîqa, Cheikh el Hakoum. J’apprécie son aura bienveillante, ainsi que les vers prémonitoires de son ancêtre qu’il nous récita autour d’un bon thé. La tradition veut que l'on nous serve également une assiette de Roub de datte gorgé de beurre et de crème. Le tout assorti d’un pain délicatement fumé au feu de bois…
Un moment simple, de palabres, de politesses, mais d’une vertigineuse tendresse humaine. Son visage m’a souvent rappelé la sage malice du chat de l’ « Alice aux pays des Merveilles » de Walt Disney. Un personnage de contes en chair en os; il m’a fait tout de suite cet effet! Mais ici, dans ce spectacle, ni propagande déguisée en fiction à l’eau de roses, ni artifices somptueux. Juste un sourire sincère, affichant un intérêt profond pour les autres. Un accueil, mais aussi une sobriété de ton et d’esprit. Un tel contraste avec les Algériens que nous sommes devenus ou en train de devenir; à force d'oublier qui nous étions et sommes vraiment...
Alors, en quittant ces lieux ainsi que l’hospitalité chaleureuse de leur gardien, je me suis posé une question.
Et si, au fond, l’idée de barrage vert n’était pas si bien fondée ? Peut-être que l’on ne devrait pas autant s’acharner à penser qu’ il faut ériger un rempart contre nature de forêts monotones en bordure du Sahara. Pour « lutter contre l’avancée du désert ». De ce que j’ai pu en appréhender, l’écologie de cette steppe en fait à elle seule un tampon naturel capable de réunir nos terres côtières et le Sahara, dans le plus cordial et prospère des voisinages.
Il me parait évident qu’il suffirait tout simplement de lui laisser retrouver sa vraie nature culturelle et biologique, pour remplir à nouveau ses fonctions de zone naturelle de transition entre un milieu côtier très montagneux, d’une grande biodiversité, et le Désert, majestueux, aussi riche d’une toute autre façon d’aborder la vie.
C’est aussi une nature humaine que j’ai éprouvée. Une culture dont les vagues sont à l’image de vision infinie dans lequel il vous plonge, à chaque fois que l’on contemple cet « océan d'Alfa » orné de plateaux chauves. Une grandeur qui se prolonge comme une profondeur de champ sans fin. Suggère plus que ne montre à l’œil nu sa biodiversité. Si ingénieuse, il faut insister sur ce point, dans l’art de maîtriser les ardeurs écocidaires du Sahara à l’égard de la flamboyante Méditerranée.
La steppe, ou les steppes, c’est un mouvement statique qu’il me parait presque préilleux de figer. Une tradition jadis pastorale et surtout nomade, aussi. Dont le mouvement durable limitait le surpâturage, fertilisait nombre de terres à travers le pays. À chaque saison des passages de centaines de douars transhumants leurs bétails d’un bout à l’autre du pays. Au gré du calendrier de leurs pâtures ainsi que des travaux agricoles qui reliaient subtilement le Sud vers le Nord, d’Est en Ouest. Mais, cette activité, sans une gestion durable et intégrée, est aussi le principal danger qui menace l'écologie de la steppe qu'il faut protéger à tout prix.
Créer de nouvelles activités économiques dans la région. Remettre aussi l'agriculture vraiment à l'honneur. Mais aussi pourquoi pas dévelloper toute une industrie basée sur la culture des plantes aromatiques et médicinales., qui pariticipera à restaurer le couverture végétale locale et endémique. Et puis alors, planter des arbres...
Conserver la dynamique naturelle de ce milieu capable d’assurer à lui seul le rôle écologique de dizaines de barrages verts. Cela semble être une démarche encore plus pertinente que de vouloir le coloniser soudainement avec des millions d’arbres exotiques, qui plus est de la même espèce. L’Océan d’Alfa, et la nature ancestrale de ses habitants sont les meilleurs arguments pour convaincre le Sahara de ne pas s’étendre plus qu’il n’en faut et rompre ainsi l’équilibre de l’écosystème territorial Algérie.
L’esprit de la steppe, comme celui des peuples des portes du désert, est celui d’une évolution perpétuelle sur le même thème. Une adaptation à un environnement bien plus dynamique qu’il n’en a l’air en surface. Il ne peut être fixé dans l'epace ou figé dans le temps sans risquer de perdre l’essence même sa créativité.
La mosquée sous la steppe de Rogassa (El Bayadh)
Une autre fois, j’accompagnais Mehdi, un ami journaliste qui voulait consacrer un reportage à des éleveurs de Sloughi résidants à Laghouat. Nous firent tout d’abord en cours de route une halte spontanée vers Ghardaïa....
Une matinée, pour visiter seulement une infime parcelle de cette cité qui a aux moins deux dimensions, parallèles, de surcroit. Ce fut une visite guidée par un des acteurs de la société locale parmi les plus dynamiques et respectés de la région. Un inévitable et meilleur atout pour n’importe quel « étranger » désirant visiter la Ghardaïa Ibadite. Une écologie de la cité conservée presque telle qu'elle était jadis un cadre de vie dans toutes les Casbah et les Ksars où vivaient nos ancêtres ; avant que la colonisation ne vienne dénaturer leurs environnements ancestraux.
Une économie du respect et de la solidarité. Ce qui n’empêche pas de commercer avec un grand talent. Une manière ancestrale de vivre ensemble qui, si elle remonte à bien des siècles, ressemble encore beaucoup aux plus nobles atours du développement durable tel qu’il est actuellement prôné outre-méditerranée.
Tout d’abord, c’est une architecture parfaitement adaptée à l’écologie des lieux. Un urbanisme où l’espace publique est aussi un espace intime. Un milieu clos, certes, mais y circulent librement les vents les plus bénéfiques.Chaque habitant s'y sent chez lui, au délà du pas de sa porte. Le périmètre de son intimité est étendu à l'enceinte d'un quartier, d'une ville même.
On ne peut le pénétrer qu’à la seule condition d’en respecter à la lettre les lieux ainsi que les us et coutumes des locaux. Chaque quartier M’Zabi est administré par une association de citoyens. Les rues étroites ne permettent pas l’accès aux véhicules motorisés. La consommation du tabac.en plein air y est proscrite.On parle à voix mesurée, dans ces paisibles ruelles qui n'en sont pas moins de véritables ruches d'activités Un environnement de culture, d’artisanat, de respect d’autrui où l’air est moins pollué et sale qu’ailleurs. Beaucoup de matérieaux sont naturels et proviennent de la région.
C’est l’impression que m’aura laissé ces quelques heures passées à visiter un des Ksars de Ghardaïa; celle d'une cité en équilibre entre le présent et le passé.
Elle m'aura fait oublier les tensions ressenties lors de notre arrivée sur la place du marché central. La méfiance à notre égard. Parfois même le racisme, transpirant sans la moindre retenue du regard de certains. L'impressionnant encadrement policier, de cette ville coupée en deux autant par le passé que par une actualité des plus inquiétante pour l'avenir de notre pays...
A Laghouat, ce fut une fois de plus la rencontre avec le Cheval d’Algérie, ses passionnés, son univers quotidien. Un aspect fondamental de la nature algérienne. Car si l’Algérien sait être un redoutable navigateur, un valeureux montagnard, avant tout il est un maître cavalier. Arabe, barbe ou anglais, mélangé, le cheval algérien a son propre caractère, ses prédispositions endémiques. C’est ce que j’ai maintes fois ressenti et appris, au contact de tous ces cavaliers et éleveurs de chevaux que j’ai pu rencontrer en Algérie.
Vivre le Cheval, chez nous, j’ai l’impression que ce n’est pas vraiment une profession, mais plutôt un art de vivre, une fierté, un héritage maintenu tant bien que mal par des hommes et des femmes passionnés. Il y a justement, en Algérie, un petit quelque chose d’amateur et de pittoresque qui fait tout le panache authentique des chevaux d’Algérie ainsi que le charme de ceux qui les chevauchent.
Trois jours mémorables passés chez Jubar, un éléveur de chevaux qui nous introduira dans le petit microcosme des passionnés de Laghouat , qui est une ville d'excellence en matière d'élevage chevalin.
Ce voyage fut également l’occasion de vivre un petit moment de Sahara, juste en bordure d’une autoroute. Plongé dans le décor en chantier d’une échoppe totalement dédiée à la vente de produits chameliers. Tout est ici issu d’un élevage local. Bientôt, on pourra y séjourner dans son auberge en construction.
Nous voici donc avec mon ami, en compagnie d’une petite « tribu » de bédouins algériens, employés par un entrepreneur local très avisé qui a apparemment choisi d’investir sur la promotion de la tradition saharienne pour développer son affaire déjà bien florissante. Certes, par moment, ces Sahraouis de parade m’ont beaucoup fait penser à ces indiens que l’on exhibait lors des épopées populistes de Buffalo Bill. Véhiculant une image exagérée du Wild West. Tandis qu’il sera bientôt totalement absorbé par le monde de machines et de chevaux moteurs.
Mais ce sont avant tout des passionnés qui gagnent leur vie en conservant une tradition largement perdue dans la région. C’est comme cela que je les ai pris, surtout. Le dromadaire, la tente, le cheval, ainsi que les rapaces chasseurs sont bien entendus leur lot quotidien, l’environnement à la fois d’une mission de conservation autant que celui d’un gagne-pain. Leur plus grande fierté est sans aucun doute l’élevage du « Sultan des chiens », un lévrier d’origine arabe que l’on connait tous sous le nom de Sloughi.
Un avant-goût de désert, qui est loin, j’en suis cependant conscient, d’être sa réalité la plus profonde et authentique…. Mais il a une saveur qui n’est pas non plus désagréable… Celle de l’appel…
Sloughi, prince des canidés...
Bien plus tard, à Oum El Bouaghi, je fais un court passage par Ain Fakroun et Ain Beida. Je retrouve cette hospitalité teintée d’une extrême pudeur. Une attitude de préservation de la sphère intime si commune au gens des Haut Plateaux et de la Steppe saharienne. Les Chaouis sont de purs Amazigh, autant que les Kabyles et peut-être la majorité des Algériens. La visite d’un champ de dolmens mégalithiques dans la région d’Ifker me conforta aussi dans ma conviction que mon peuple est le fruit d’une histoire millénaire et que mon pays, aujourd’hui, n’est pas seulement l’invention territoriale des vainqueurs d’hier.
C’est aussi le triste constat de la destruction programmée d’un vaste site archéologique, par une prolifération de carrières de gravats. Un cas d’école, loin d’être rare là où de tels trésors historiques s’étalent sur le sol algérien. Comme si on voulait effacer les traces d’une civilisation ancestrale qui a été le ciment absorbant toutes les invasions dont El Djazaïr a été la victime, mais aussi toujours la bénéficiaire, en fin de compte, avec le temps...
Cette fois-ci, je n’ai pas voyagé avec la même fréquence que celle de mes précédentes visites en Terre mère. Déambulant au hasard d’heureuses rencontres à travers ce pays de mes origines, dont beaucoup de mes compatriotes m’ont ouvert les portes aussi chaleureusement que celles de leurs foyers. Pour m’informer, m’expliquer, m’apprendre mais aussi tout simplement afin de m’encourager à aller au bout de mon histoire algérienne.
Je me suis quelque peu sédentarisé dans la région de l’Algérois. Plus précisément à Boudouaou, wilaya de Boumerdes. Histoire de profiter de notre maison familiale et de me rapprocher d’Alger que je ne connais que trop peu. C’est pourtant de là que proviennent toutes les décisions nationales dont je constate les impacts sur les terrains « local », en matière de politique environnementale nationale.
Pour moi c’est une ville qui demeure encore, à bien des égards, une belle étrangère mystérieuse. Un écosystème urbain dans lequel, comme pour toutes les capitales, il faut être né ou introduit pour ne pas s’y perdre.
Alger est un décor toujours souriant à la mer ; de tous les rayonnements de son visage fardé d’un voile d’un blanc invisible. N’allez jamais vous méprendre sur la vraie nature de cette vieille reine blanche à la peau dorée par le soleil couchant. Sous ses faux airs de jeune fille dévergondée, son cœur est une véritable forteresse de pudeurs. Un labyrinthe de non-dits que seule la langue du vieux Chaâbi algérois évoque avec une verve incomparable. Alger est un festin de prince des faubourgs. Son menu est écrit dans sa pierre à l’encre sympathique ; aux détours de ses quartiers mythiques, dans la ganache éloquente de ses enfants. Voilà mon impression…
Je ne sais pas grand-chose d’Alger, pardonnez-moi d’en avoir peut-être un peu trop parlé. Cependant, je m’y suis fait de nombreux amis et amies, que , pour certains, je compte parmi mes plus proches en Algérie. Grâce à eux, je la découvre autrement qu’avec les yeux d’un Algérien de Paris. Qui a eu, pour ne rien arranger, une éducation algérienne purement rurale. Celle des douars du nord-est côtier de notre pays, non loin de sa frontière avec la Tunisie. Et j’en suis extrêmement fier, d’ailleurs.
Pour qui n’aura pas été initié à l’âme d’Alger par un vrai Algérois , cette ville pourra même paraitre des plus ennuyantes à visiter. Presque éternellement figée dans les années cinquante, du moins dans sa morphologie du premier abord. Pourtant, à mieux l’apprécier, en côtoyant ses « indigènes », on se rend compte à quel point Alger est en fait et surtout une véritable pépinière de talents ; certes si peu exploités intra-muros. Car, pour moi si Alger inspire à être libre, c’est aussi un microcosme dont la nature est à présent devenue des plus castratrices. Pour la jeunesse et les artistes, les intellectuels et les militants, notamment…
Grâce à mon amie architecte Jasmine, j'ai notament pu rencontrer et l'artisanat Algérien et ceux qui lui donnent ces plus belles lettres de noblesses à Alger. Ce qui m'a beaucoup fait plaisir, c'est de constater que notre artisanat, si l'a été négligé par une grande majorité de la société algérienne, continue d'évoluer et de s'enrichir grâce au travail de quelques passionnés dont le talent dépasse souvent les frontières de notre pays. Ils ont relevé le défi d'aller l'air du temps avec celui de notre passé; mais à chaque fois, avec une connaissance académique et un respect des canons qui sont les meilleurs garants de ce dépoussièrage. Le design et l'artisanat se mélangent, se mèlent et s'entre mèlent dans les créations de tous ces jeunes artistes. Une culture algérienne en mouvement, des traditions qui ne sont pas figées dans l'espace et le temps, que demander de plus à cette nouvelle génération d'artisans et de créateurs?
Quelques perles de l'arisanat à Alger
C’est aussi à Alger que je suis depuis plus d’une année, une bien heureuse initiative citoyenne. Elle émane du Collectif Torba, une association algéroise qui milite pour un retour à la terre comme un grand pas en avant pour la société algérienne. Agir au présent pour les prochaines générations algériennes. Deux fermes pédagogiques « bio » et une AMAP sont en chantier. Des effectifs ainsi que des moyens certes encore trop peu suffisants. Mais ce sont toutes et tous des gens volontaires et déterminés. Beaucoup de choses se rôdent pour Torba. À la vitesse d’une société civile évoluant dans l’état actuel de l’environnement Algérie. Un environnement au sens social, écologique, politique et économique du terme.
Une main sera tendue à Pierre Rabhi, sommité internationale d’origine algérienne en matière d’agro écologie. Mais ce dernier semble avoir poliment décliné cette invitation de la part de certains de ses plus fervents adeptes en Algérie; pourtant. Torba ne devra donc vraiment compter que sur ses propres expériences, ainsi que son réseau de bonnes volontés locales et internationales…
Une petite révolution est en cours. Sans autres bruits que le fremissement de l'herbe, la voix de la raison et les rires d'enfants gambadant en pleine nature...
Le slogan de Torba c'est "Cultivons la santé!"
Enfin, à Bouzegza, dans la daïra de Keddara, à quelques dizaines de kilomètres de ma maison, je suis aussi attristé d'être une fois de plus le témoin d'un massacre organisé. D'une biodiversité, de paysages, d’un riche passé historique, capables d’assurer une économie des plus florissante à toute une région. Là encore ce sont des carrières les coupables. Toujours le même scénario et heureusement toujours de vaillants citoyens comme Saïd Zeggar, à Bouzegza, pour s’opposer à un tel crime.
Trop de gâchis dans le monde des constructions autoroutières, de mal façons, pour prétendre encore que notre pays a besoin d’extraire à outrance cette ressource première pour son développement. Il a pour le salut de notre économie, autant besoin de produire un tourisme écologique ainsi que des projets en corrélation avec la mise en valeur de son écologie naturelle. De plus l’Histoire, la Culture, la Nature, pour toute nation digne de ce nom, c’est-à-dire gouvernée par un Etat patriote au service d’un peuple civique, devraient être considérés comme des ressources naturelles dont la valeur immatérielle est inestimable. On ne peut abattre une montagne, juste pour en soustraire quelques millions de dollars qui rempliront surtout des poches égoïstes. Comment peut-on penser le contraire sans accepter que l’on nuise à l’environnement de tout un pays à chaque fois que l’on bouleverse l’écologie d’une localité ?
Saïd me sensibilise sur les richesses que récèle sa région...
L’écologie, je le répète si souvent, c’est la science qui étudie ou désigne la nature des milieux ainsi que celle des espèces vivantes qui y vivent et y interagissent. Tandis qu’un environnement, lui, est un espace à la fois matériel et immatériel. Il sert aujourd’hui le plus souvent à définir le milieu d’une humanité contemporaine résolument devenue une espèce vivante industrielle. Un énorme appétit, des tonnes de ressources pour le satisfaire serti d’un aveuglement d’une opacité qui frise en Algérie la déraison raisonnée.
L’écologie s’étudie dans des universités, des laboratoires étatiques ou privés. Dans l’art de la guerre, on la pratique, sur le terrain ; afin de façonner le plus souvent un environnement sociétal qui sera d’abord le terrain de chasse optimum pour quelques « espèces » sociales ; malheureusement le plus souvent celles les plus prédatrices. Rares ont été les environnements protégés ou conservés par la gente politique qui furent vraiment prompts à éveiller les consciences des « petit peuples » sur leur condition de grande quantité économique au poids social presque anecdotique, exploités et traités comme une ressource tout à fait et facilement renouvelable.
Pourtant, la Science l’a prouvé. Chacun d’entre nous est un être unique en son genre …
J’ai fait bien d'autres déplacements, mais cet article est déjà assez long et j’aurais trop de choses encore à vous raconter. J’aimerais juste conclure par un proverbe universel en guise de résumé de ce que ce dernier voyage en Algérie m’a inspiré : « Celui qui ne sait pas d’où il vient ne saura jamais non plus vraiment où il va…
Quelle Algérie allons nous laisser à notre planète ainsi qu'aux génréations futures?
Texte et photos de Karim Tedjani.