14 Juin 2015
Parfois, prendre juste le temps d'écouter une histoire racontée par une hadja d'un douar algérien, c'est voyager dans les plus belles profondeures de la nature de ce pays...
Le concept d’écotourisme, en Algérie, est pour l’instant, il me semble, plus une expression à la mode dans les discours officiels, qu’un secteur d’activité en plein essor. Au mieux, beaucoup d’associations algériennes s’en réclament où aspirent à le pratiquer dans leur localité. Mais toute cette bonne volonté affichée de part et d’autre, du politique aux franges de la société civile les plus engagées, ne doit pas nous éloigner de la réalité : l’Algérie n’as pas encore assimilé ce que l’écotourisme pourrait vraiment lui apporter.
Tout d’abord, à l’instar de beaucoup d’expressions tout droit et fraichement venues d’outre-méditerranée, ce terme est devenu, chez nous, une espèce de « fourre-tout » lexical. Cette terminologie, ce label n’est pas toujours utilisé à bon escient, ni pour la nature, ni d’ailleurs en ce qui concerne les touristes en quête d’espaces naturels; pour leurs villégiatures ou leurs loisirs.
Car, il me semble, l’écotourisme n’est pas qu’un tourisme de nature. Il n’a pas seulement pour vocation de laisser des milliers de citadins envahir en masse des espaces classés parcs naturels. En y important le plus souvent leurs comportements urbains. Ils ne sont d’ailleurs, généralement, même pas respectueux de ce que devrait être une ville algérienne. Au point souvent que tous ces espaces naturels, censés être protégés par la loi , se dégradent à mesure que grandit le succès touristique de ces zones écologiques.
L’écotourisme ne doit pas non plus forcément rimer avec des infrastructures archaïques ou des services régulièrement de piètre qualité. L’écotourisme, ce n’est pas seulement un simple pique-nique en pleine nature ou du camping sauvage…
Au contraire, c’est un tourisme de qualité, non de quantité. Il vise l’excellence. Celle de procurer un maximum de plaisirs et de satisfactions aux touristes ; et ce pour une empreinte écologique la plus discrète possible au sein des milieux naturels où ils se sont invités. Ce genre de tourisme peut faire justement appel à des technologies de pointes dans des domaines tels que l’efficacité énergétique, celui des équipements de loisirs, de l’habitat, des énergies renouvelables, et de tant d’autres secteurs économiques. Ce n’est pas obligatoirement un tourisme de précarité où seulement un tourisme artisanal, au sens le plus d’Epinal du terme.
L’écotourisme place juste le luxe non plus comme une valeur seulement matérielle, mais dans la qualité de la relation développée entre un environnement humain et l’écologie d’un milieu naturel. Cela demande de la part de tous ses antagonistes, hôtes comme clients, un état d’esprit justement des plus modernes. Non celui du siècle dernier et de son lot de camps de décontractions ou d’hôtels aseptisés. Des vacances qui se consommaient de la même manière, n’importe où dans le monde. Le souci, alors était de satisfaire un confort de masse et non de créer les meilleures conditions d’une expérience intimiste avec la nature d’un lieu et forcement de ses habitants, humains ou non.
L’écotourisme, ou tourisme vert, est toujours une rencontre avec soi-même, les autres et un milieu naturel. Parfois, il s’agit même de réconciliation, comme ce devrait être le cas pour l’Algérie.
Dans notre pays, ce type de villégiature touristique rencontre à mon avis divers obstacles récurrents à court et moyen terme. Paradoxalement, je pense que s’engager dans l’écotourisme, malgré tout cela, serait le meilleur moyen de les atténuer durablement. On pourrait même favoriser l’émergence d’une nouvelle mentalité au sein de la société algérienne contemporaine. En ce sens, l’écotourisme algérien devrait faire surtout la part belle à la pédagogie ainsi que la sensibilisation et non aux rapports commerciaux.
Dans un premier temps, il parait évident que c’est l’aspect sécuritaire qui rend une telle activité envisageable dans une zone rurale. C’est bien entendu là que le bât blesse le plus naturellement en Algérie.C'est le frein le plus tenace pour la rendre vraiment attractive, autant pour les professionnels du tourisme que pour les consommateurs. Bien entendu,n tout cela au regard des menaces d’agressions terroristes qui y persistent, mais aussi à cause de l’accroissement du banditisme dans les zones rurales jadis si paisibles.
Tellement paisibles que ce qui est assimilé aujourd'hui à de l'écotourisme, se pratiquait hier le plus naturellement du monde. Algériens, étrangers, touts appréciaient l'Algérie comme un cadre idéal pour vivre la nature de la manière la plus simple et authentique qu'il soit . Comme il est loin ce temps que l'on doit retrouver!
La principale fonction d’un développement de l’écotourisme en Algérie doit être de se réapproprier des espaces qui ne sauraient avoir plus de sauvage qu’un aspect de nature non domestiquée. Leur défection est le meilleur facteur pour favoriser cette insécurité…
Puis, il est à déplorer que trop peu de citoyens algériens sont à présent éduqués à des comportements respectueux des sites auxquels on leur a seulement permis un accès plus facile et régulier. L’écotourisme, en Algérie, ne pourra fonctionner sans beaucoup d’encadrement de ce public si peu enclin à des comportements écologiquement responsables. Il faudrait pour cela bannir dans un premier temps toute expérience naturelle de masse et privilégier des parcs à dimension plus régionale, voire locale. Il s’agit d’éduquer la prochaine génération d’Algériens qui pourront de nouveau appréhender la nature comme une évasion, parce qu’ils ne seront plus prisonniers de réflexes totalement écocidaires.
Notre pays, s’il est à présent largement peuplé de geeks juvéniles assoiffés de nouvelles technologies importées, ne parait que très peu doué pour produire ses propres innovations. Or, il faudrait en faire preuve sans retenue pour relever le défi d’un tourisme à la fois confortable pour les touristes, rentable pour les professionnels et soutenable pour la nature algérienne. Bien entendu, il existe de nombreux procédés ancestraux capables de remédier à de telles lacunes. Mais il faudra autant d’esprit d’innovation pour les réhabiliter dans la psyché de toute une population qui aspire dans sa majorité à vivre selon les normes industrielles d’un « confort moderne » périmé. L’écotourisme algérien doit être porté par une littérature, une presse, des formations, bref une réflexion nationale. Ce ne saurait être un tourisme d’Epinal bon marché, mais un secteur social de pointe.
Il s’agit de plonger chaque Algérien, dans un environnement où les dérèglements collectifs qu’il a érigés en règles individualistes n’auraient plus cours au quotidien. Redécouvrir les gestes d’antan, mais apprendre aussi de nouveaux comportements plus universels. Réapprendre son histoire, sa nature. Non plus sous la lorgnette d’un petit écran, ou dans l’ambiance calfeutrée d’une bibliothèque universitaire, ni dans une classe primaire. Mais apprendre l’Algérie sur le terrain. Le local devient alors évasion d’une réalité globale.
Malheureusement il est évident que nos douars ont subis de profondes mutations ; autant écologiques que sociales. Beaucoup ont perdu de leur charme. Certains, parmi les plus pittoresques, ont été totalement désertés. Dans nombre de nos campagnes, les nouvelles générations ont développé une relation plus parasitaire que symbiotique avec leur milieu naturel. Beaucoup de produits et artisanats de nos terroirs algériens ont presque sombré dans l’oubli ou le pastiche. Notamment avec le cloisonnement de « la femme rurale algérienne », souvent otage de nouvelles coutumes « religieuses » qui n’avaient pourtant pas cours, jadis, dans les sociétés rurales algériennes.
Or, ce que l’écotourisme algérien devrait apporter à l’Algérie, c’est justement une formidable opportunité d’inscrire tout ce patrimoine à la fois dans son authenticité historique et ethnique que dans une modernité qui considère l’écologie comme une science sociale.
Le développement durable de nos campagnes est la clefs d’un pareil défi. La conservation d’une biodiversité, d’un climat et de toutes les cultures locales qui en découlent naturellement devrait d’ailleurs être la principale préoccupation de la politique environnementale algérienne. Car c’est seulement en conservant l’essentiel sans jamais s'interdire d'innover que nous pourrons garder nos campagnes et la nature qui les abrite authentiquement dynamiques.
Car authentique, ne veut pas dire figé. Aucun paysage algérien n’est vraiment sauvage ; la main de l’Homme y a été pesante depuis la nuit des temps. Ils sont la chronique de l’apogée et du déclin de bien des civilisations, toujours assimilées par un peuple millénaire sur cette terre. Pour qu’une culture demeure à travers les âges, il faut que ses coutumes et les paysages qui l’entourent évoluent en fonction d’un environnement séculier.
Il ne faudrait pas non plus se limiter à considérer que l’écotourisme, en Algérie, ne peut être vraiment développé que dans nos régions du Sud. Elles sont certes, parait-il, plus authentiques et sécurisées. Mais ne pourrait-on pas objecter que cela tend et tendra malheureusement, avec le temps, à être de moins en moins vrai. Autant d’un point de vue écologique que sécuritaire…
Chaque wilaya algérienne recèle d’immenses potentiels écotouristiques. Voyager à travers l’Algérie, c’est explorer un continent à cheval entre l’Afrique et la Méditerranée. Chaque région de notre pays pourra vous en apprendre un peu plus sur la nature humaine qui existe bien avant la fondation d’El Djazaïr. Pour peu que vous y soyez initiés dans un cadre naturel , par de vrais connaisseurs, alors, peut-être, vous comprendrez à quel point l’Algérie, en tant que terre et peuple est un message d’espoir qui ne doit pas s’éteindre dans la nuit de la mondialisation…
Pour ce genre de tourisme, on ne devrait pas seulement parler d’exploiter la ressource « Nature » comme un produit commercial à part entière. La vraie rentabilité de l’écotourisme algérien, sera de réconcilier une société avec sa nature, comme on relie un corps et son esprit par la respiration. Il s’agit d’apporter aux Algériens un souffle nouveau tout droit sorti des entrailles de nos origines profondes…