ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE
1 Octobre 2015
Une abondance si peu heureuse...
Depuis l’avènement à la fin du dix-huitième siècle de l’ère industrielle, l’abondance est devenue progressivement une constante « non négociable » des sociétés « modernes » selon les critères du siècle dernier. On ne mesure pas la valeur d’une nation à son taux de bien-être par habitant, mais bien par celui du produit brut. Il se doit d’être sans cesse croissant. On parle souvent de « confort moderne » pour qualifier la contribution de l’industrie dans nos quotidiens. Pourtant les pays qui ont les plus forts taux de croissance ne sont pas toujours ceux qui se soucient le plus de la qualité sanitaire et écologique de leur environnement. Or, n’est-ce pas cela le vrai confort pour un être humain ? Un cadre de vie sain et épanouissant...
Une déclaration « historique » d’un président américain sera le manifeste qui consacrera cette norme d’abondance qui semble à présent impossible de soustraire de l’économie mondiale. Un système qui a fait de la prospérité un gaspillage outrancier ; parfois même le moyen indirect le plus sûr de semer la misère et les inégalités environnementales aux quatre vents du globe terrestre. Les statistiques viennent régulièrement confirmer cette emprise du chiffre sur le nombre parmi l’espèce humaine contemporaine. Tout un fonctionnement, un environnement mondial, donc, a été fondé sur cette « utopie » : que l’on pourra indéfiniment puiser dans les ressources de « nos » sols et de « nos » sous-sols sans encourir de cuisants périls écologiques. Ce fameux « confort moderne « , si cher à notre quotidien de consommateurs de masse, est-il vraiment un environnement totalement sain et durable?
La croissance continue, qui est le crédo fondateur de tout un écosystème planétaire humain, peut-elle vraiment perdurer sans risquer un jour de le faire imploser ? Une espèce devenue seulement nuisible pour la nature terrestre pourrait-elle survivre aux lois implacables de l’évolution ? Précisons que le Darwinisme social, centré sur la compétition, ainsi la domination des plus riches sur les moins fortunés, n’est qu’une perversion de la théorie authentique de l’évolution. Il a soustrait à ce postulat toute sa dimension qui place les espèces les plus sociales et solidaires au sommet de l’évolution. Darwin, lui-même se désolidarisera en vain de cette mauvaise interprétation de la sélection naturelle, dès qu’ il comprit quelles idéologies ont détournés ses travaux pour en faire presque une évidence contradictoire.
Il semblerait plutôt que , selon sa théorie, le sort le plus irrémédiablement réservé aux communautés vivantes égoïstes et parasitaires est immanquablement un effondrement. Jamais ce mot, d’ailleurs, n’a été autant évoqué par les grands penseurs de notre époque. L’iconoclaste chercheur américain, Jared Diamond, fera même largement école parmi nombre d’entre eux, en publiant notamment un essai intitulé « Effondrement » qui tente d’expliquer le déclin de nos civilisations industrielle.
Mais, n’allez surtout pas vous précipiter de penser que tout cela n’est que vues de l’esprit, lubies d’intellectuels. En ce début de millénaire, les mauvais impacts de ce système sont d’ores et déjà bien tangibles dans nos quotidiens. Il n’est pas utile, je pense, de nous rappeler aux mauvais souvenirs des cancers qui prolifèrent dans les corps et les sols de biens des pays où l’agriculture est toujours, somme toute, restée une activité plus « industrialisante » que nourricière. Il nous aura suffi seulement de les évoquer pour égratigner sérieusement la vitrine fantasmagorique d’un monde où seule l’industrialisation de nos activités humaines peut-être une source de bien-être collectif. On pourrait même penser que les préceptes contemporains de l’agriculture conventionnelle nous invitent à considérer le poison comme un remède à une maladie qu’il entretient pourtant de manière fort insidieuse. Pour exemple, en Algérie, les pesticides, des armes chimique avérées dévastatrices pour la faune, la flore ainsi que la santé humaine, sont appelés par nos fellahs algériens « doua » ; des médicaments !
Pour les pragmatiques, qui pourraient accuser ces propos de simple littérature alarmiste, je les invite, par exemple, à consulter ou bien à visionner l’étude contemporaine et très fouillée de la grande reporter française Marie Monique Robin, intitulée sans la moindre équivoque : « Notre poison quotidien ». Un véritable pavé dans la mare des bonnes consciences de l’industrie agronomique. Qui ne fait pourtant que rappeler avec encore plus de preuves et de recul ce que dénonçait déjà en 1962 la biologiste américaine Rachel Carlson dans son best-seller « Les Printemps Silencieux ». Un titre évoquant lui aussi sans langue de bois la destruction de la faune et de la flore environnant nos champs gorgés de substances toxiques...
Imaginez que dans le lapse de temps qui séparera ces deux publications, « l’homme moderne », comme ils disent, aura introduit dans son environnement pas moins d’une centaine de milliers de molécules chimiques « contre nature ». La santé publique est en danger, et encore plus la fertilité des sols qui ont été pris en otage par une agriculture productiviste si peu regardante des impacts écologiques de son développement. Elle ne sait que croître ; en semant la mort dans ses sillons de métal acérés qui éventrent la terre comme on pratiquait jadis naïvement la saignée pour revitaliser un malade ou bien le soigner.
Changer d’état d’esprit
Il aura fallu des siècles d’études du corps humain pour rendre une telle pratique « barbare » et inadéquate. Nous sommes arrivés à une époque où, justement, les sciences qui étudient les sols ont pu disposer de nombreuses innovations technologiques. Cela a permis de mieux comprendre toute la complexité de leur écologie. A présent, on sait que la couche superficielle que les tracteurs labourent , retourne vers le fond et puis compactent à chacun de leur passage, est justement la plus fertile. Celle qui a besoin de respirer et de toute notre attention.
De même, l’écologie a largement progressée et, à présent, on redécouvre également à quel point un écosystème sans variations ne peut se défendre par lui-même contre son environnement. La principale cause des proliférations de nombreuses espèces et maladies qui ravagent nos champs doit être essentiellement associée à un déséquilibre écologique au sein de l’environnement des cultures ou plantations humaines. L’agriculture, la vraie, ne peut-être que circulaire ; c’est-à-dire s’inscrire dans un cycle très complexe. Et non le perturber en le simplifiant. Voilà, une fois de plus l’utopie mise en exergue : celle qui veut redessiner avec des crayons pour enfants, un tableau de maître...
L’agriculture moderne est donc celle qui s’inspire de l’innovation. Pour faire perdurer une nature ancestrale dont la matrice est une réponse locale à des besoins locaux. Non plus celle qui est la principale source de pollutions et de gaspillage hydrique. Nous sommes en train d’assister à une révolution ; la même qui séparera un jour l’amputeur du chirurgien, l’apprenti sorcier du vrai alchimiste...
Est-il donc si utopique d’aspirer à penser demain avec pour simple ambition de vivre sereinement au présent? Comme de vivre le présent de manière à penser l’avenir avec autant de sérénité ? Il suffit pour cela, il me semble, d’avoir un vrai projet de vie. Seul un enfant gâté, ou maltraité, n’envisage la vie que selon une durée qui ne dépassera que très rarement l’instant de ses pulsions reptiliennes. L’adulte, lui , est un enfant devenu grand, apprend la conscience des conséquences futures de ses actes présents et passés. Il accepte de se corriger lui-même pour durer et non seulement persister là où il réside. Le poisson rouge, au contraire, prisonnier d’un bocal étriqué , gavé sans trop d’effort à un simulacre de sa nourriture naturelle, accepte sa condition carcérale sans trop broncher ; parce que sa courte mémoire ne lui permet pas d’envisager de tels concepts temporels. Sûrement que, pour lui, sortir de son bocal ne peut-être qu’une utopie...
Mais un être humain...N’est-ce pas une force de la nature dotée d’une formidable puissance de mémoire et de synthèse ? Un être qui pense pour être et se projette sans cesse dans le futur ? Voilà , peut-être, pourquoi un être humain ne saurait croupir indéfiniment dans un aquarium, même le mieux décoré, sans chercher un jour à s’en évader. De même qu’il n’aurait pas idée de garder un poisson rouge dans une telle condition carcérale !Sinon, c’est que quelque chose d’essentiel à sa nature s’est échappé de son corps. Il est devenu un être domestique.
Le défi est donc identifié . Et il ne s’agit pas forcement de changer totalement de paradigme collectif, d’actions d’éclats, de prosélytisme parfois à la limite de la propagande sectaire. Comme le font malheureusement certains fanatiques de l’écologisme ou de telle ou telle lubie mystico- New-Age à la mode . Il me semble également essentiel de ne jamais trop chercher à être absolus dans nos positionnements. Pour rester dans le champ lexical de la médecine moderne , on pourrait citer la fameuse devise de Paracelse, un de ses pères fondateurs : « Tout est remède, tout est poison. C’est la dose qui fait le poison. » Il s’agirait donc, surtout, il me semble, à l’échelle de nos habitudes quotidiennes, de tout simplement retrouver un état d’esprit qui a pourtant fait ses preuves depuis des millénaires. Dans notre pays, par exemple, et dans bien d’autres territoires , quand ils étaient encore vierges de tout nitrate d’esprit industriel. Une fois réconciliés avec cette nature humaine, peut-être que nos régimes alimentaires ne favoriseront plus l’existence d’une agriculture qui ne fait que coller à l’air pestilentiel du temps de notre époque. Le tout pétrole, le tout acier, le tout électrique, le tout équipé, le tout jetable...beaucoup de tout, pour pas grand-chose, souvent...et pour si peu de temps !
Révolutionner l’agriculture algérienne en retrouvant les bases d’un régime alimentaire algérien ; c’est-à-dire en phase avec les climats, la géographie ainsi que la biodiversité de l’Algérie. Est-ce vraiment un rêve impossible ? Quand on sait que la longévité légendaire des Crétois aussi que celle des Japonais réside essentiellement dans une alimentation locale et traditionnelle, conservée et revisitée au gré des époques.