23 Août 2016
Nouara Latrèche est aujourd'hui presque une femme d'un autre temps, en déclin dans nos coeurs..Plus jeune et vigoureuse elle vécu les derniers instants d'une vie qui n'a plus vraiment cours chez nous, ni ailleurs où fleurit du béton à la place d'arbres en fleurs. C'est elle et son mari qui m'auront initié à la maâna traditionnelle des gens du nord-est algérien. Elle m'appris notamment qu'il fallait mieux raconter une histoire à un Algérien pour lui faire comprendre une vérité...
Chapitre 5
"L'esprit du grand chien..."
Avant de continuer plus loin cette petite introduction à une possible maâna écologique algérienne moderne, j’aimerais prendre le temps de vous raconter une histoire qui s’est déroulée il y a fort longtemps en Amérique, quand les premiers Sioux découvrirent le cheval, importé par « l’homme blanc » débarqué chez eux en conquérant féroce. Pourquoi donc une telle digression dans le temps et la distance ?
Patience, ce n’est bien entendu qu’à des fins pédagogiques que je vais prendre le temps de vous relater cet épisode pittoresque de l'histoire du peuple des Indiens d'Amérique du Nord. Un peu comme ma grande tante Nouara, fière douaria du nord-est algérien, m’a appris qu’il est toujours bon d’illustrer par un conte ou une histoire ses dires, pour exprimer ses idées. C’est, en quelque sorte, l’esprit de la Maâna algérienne, une forme de sagesse et de palabres ancestrales qui ne doivent jamais disparaitre de notre nature d’être Algériens.
Je disais donc que ces fiers guerriers « peaux rouges », que tous les westerns nous montrent comme si le cheval était inscrit dans leurs gènes, quelques siècles avant l’avènement du cinéma hollywoodien, furent totalement décontenancés à la vue d’un tel animal qui leur était jusque-là totalement inconnu. Non qu’il n’avait jamais cavalé librement sur leur continent ; mais apparemment ses ancêtres furent exterminés ou leur espèce s’effondra en des temps très anciens. Ils en avaient de ce fait totalement oublié l’existence....
Ainsi, ils délibèrent longtemps pour donner un nom à cette étrange créature que chevauchaient d’encore plus mystérieux êtres ; dont la chair et l’acier semblaient se mêler d’un seul corps à chaque fois qu’ils agissaient. Ils cherchèrent donc à trouver dans leur environnement un autre animal qui pourrait leur faire penser à cet énigmatique et si exotique cheval.
Mais, sûrement parce qu’ils étaient encore « sauvages », c’est-à-dire encore connectés avec d’autres réalités que celle de la matière, ils décidèrent de ne pas se baser sur sa forme pour faire cette indentification. Mais, plutôt en fonction du principe fondamental qu’il semblait incarner quand il servait ses propriétaires humains. Sinon, ils l’auraient probablement appelé « élan sans corne » au lieu d’ « esprit chien », comme ce fut le cas. Pourtant ce cervidé à bien plus de points communs avec la race chevaline, ne serait-ce que par sa corpulence et son régime alimentaire, qu’avec la famille des canidés.
C’est que, puisqu’ils avaient remarqué que les « blancs » l’utilisaient pour tirer ou porter des lourdes charges, ils en déduirent que ces chevaux avaient tout l’air de grands chiens, au fond. Puisque cette fonction chevaline, chez eux, était accomplie à l’aide de chiens. Ils ont donc choisi d’expliquer quelque chose non par la nature de sa forme matérielle, mais par les fonctions qu’elle pouvait jouer dans la vie humaine.
Qui pourra de nos jours remettre en question le fait que les Indiens figurent parmi les plus grands et chevronnées cavaliers, mais aussi dresseurs de chevaux au Monde ? La race Mustang, descend des premiers chevaux espagnols qui furent introduits en Amérique du Nord dès le 16ème siècle. Elle est fort appréciée pour de nombreuses qualités que l’on reconnait d’ailleurs au cheval berbère, avec lequel il a forcément une filiation génétique ; ne serait-ce que par ses descendances arabo-andalouses.
Bien entendu, on pourrait tout à fait me rétorquer que ces mêmes Indiens se sont presque éteints et que cette « fameuse » sagesse ne les a pas protégés pour autant des voracités de la modernité industrielle. Il semblerait effectivement qu’elle les a presque totalement absorbés dans la société néo-libérale des Etats Unis.
A quoi bon, en plus, vous parler de cette histoire de chevaux et de Sioux qui n’a pas grand-chose à voir avec l’écologie Algérienne. Peut-être, pour ma défense, avez vous oublié de savoir lire entre les lignes; et de, comme tout bon « ness bekri » chercher à exprimer les principes les plus universels de chaque chose, au lieu d’en décrire tout simplement la forme ? C’est justement ce que j’ai voulu ainsi vous aider à évaluer dans votre propre façon d’être un Algérien « naturel » et non un Algérie « matériel ». Tout ce que j’ai suggéré dans cette histoire peut être appliqué à notre façon ou non d’appréhender l’écologie, comme toute chose que l’on importe chez nous; non plus par la force du canon de poudres, certes, mais celles des canons publicitaires d’un modernisme totalitaire.
Je conclurais, de plus, en précisant que l’effondrement d’une civilisation ou d’un peuple ne peut s’expliquer par un si court raccourci. Je pourrais répondre, au contraire que ce qui a retardé l’invasion des européens des terres Indiennes, tient en grande partie à cette maîtrise chevaline nouvellement acquise. N’oublions pas également que les traditions indiennes furent dès les premiers temps combattues et éradiqués par la colonisation américaine, et ce jusqu’au milieu du 20ème siècle.
N’est-ce pas la preuve à moitié admise que cette manière de penser et de vivre avait tout pour les déranger ? N’est-ce pas justement à partir du moment où les Indiens, au fil du temps, perdirent ces repères qu’ils finirent parqués dans des réserves qui furent longtemps comparables à des zoos à ciel ouvert, des laboratoires de domestication d’un peuple noble et fier...