27 Août 2016
Introduction
"Une justice verticale? "
La notion de « Justice climatique » est, il me semble, un concept qui n’a de cesse de mobiliser un nombre grandissant de militants écologistes; et ce dans le monde entier. Mais ce n’est bien entendu pas le cas dans cette seule sphère militante. On doit le souligner d’emblée Afin d’éviter notamment de réduire la dimension d’un tel débat, au sein de la société internationale, au seul champ de l'écologisme. Car, il m’a tout l’air de couver en lui bien des fondements d’une transition de nos sociétés vers un nouveau paradigme de développement économique et donc social.
Sera-t-il, ce crédo, vraiment si juste à l’égard de l’ensemble de l’espèce humaine? Du moins autant que l'on voudrait officiellement nous le faire croire ?Là est une des plus importantes questions à se poser, il me semble, quand on se plonge dans la lecture de la littérature internationale qui légifère ou milite au nom de cette justice.
L’économie verte, en tous cas, ni même le dernier Accord de Paris, ne font pas seulement que des émules parmi celles et ceux qui aspirent à instaurer cette justice climatique entre tous les peuples de la Planète...
Fidèle à sa nature de pôle rassembleur de tous les « radicaux communs », l’écologie (au sens bien plus large que sa dimension scientifique) est, en effet, en passe de devenir un des plus puissants leviers de mobilisation sociale à travers le monde. Cette écologie, ainsi que les thèmes qui lui sont corollaires, ne peuvent donc continuer à être autant ignorés par aucun profil de l’intelligentsia politique internationale. Quelles que soient les convictions personnelles ou les postures politiques de chacun, l’idée de crise écologique aura été de plus reléguée au rang de péril global par la question climatique ; tant elle s’invite dans quasiment tous les grands débats contemporains, mais aussi dans nos quotidiens les plus intimes.
Mais, bien loin de faire consensus parmi les principaux courants d’influence de ce régime global, la « justice climatique » est un sujet beaucoup plus complexe qu’il n’y parait aux premiers abords. Il me semble que pour se faire un avis juste et impartial sur cette idée, ainsi que ses réalités, nous devons nous atteler tout d’abord à en étudier la ou les définitions possibles.
Qu’est-ce donc que la justice de manière générale ? Et comment l’aborder dans le contexte bien particulier et hermétique du régime climatique mondial. Comment pourrions-nous considérer une justice qui sera prisonnière d’une telle bulle ? Au contraire, en quoi pourrait-on élargir notre perspective de la justice en lui donnant cette dimension? Cette ouverture pourrait également reconnecter la communauté de ce régime diplomatique avec les réalités du terrain où s'opèrent ces changements d'une manière qui est déjà fort préocupante.
Puis, après cette première phase de cette réflexion, nous devrons observer le discours politique, mais aussi la dialectique médiatique de tous les principaux antagonistes de cette véritable bataille de principes ; où s’opposent des argumentations d’une rare diversité de natures. Ce qui me ferait presque dire, au passage, que, depuis les grands débats théologiques qui animèrent, par exemple, l’histoire des Conciles du Vatican de Rome, on n’aura peut-être jamais rassemblées autant d’énergies ainsi que de volontés différentes autour d'une même croyance. Celle de la responsabilité directe et indrecte de notre espèce sur les "déréglements" du climat mondial.
C’est un si vaste débat, tant dans le champ de l’idée à soumettre à une réflexion objective, qu'au regard du gigantisme de la chose à accomplir pour l’organiser. De plus, l'hégémonie de la science dans cette affaire est telle que seule une infime partie de la planète possède de véritables moyens d'averer et de mettre en place cette responsabilité anthropologique à la mesure d'une menace pour l'Humanité, d'ailleurs, plus que pour la planète. Il va de soi que nous tâcherons également d'appréhender ce questionnement de civilisation dans un champ de reflexion où l'Algérie ne sera pas du tout négligée....
Mais, tout d'abord, il serait bon de se demander qui est à l'orgine de ce débat? N’est-ce pas toujours celui qui impose sa méthode, ainsi que les critères fondateurs de la négociation, qui en tirera toujours les plus appréciables bénéfices ? Pouvons-nous vraiment nous baser uniquement sur le seul régime climatique officiel, éminemment organisé et orchestré par une certaine école diplomatique? Pour invoquer la justice à travers le Monde, est-ce la meilleure voie? Au fond, est-ce que le véritable théâtre de cette justice se déroule vraiment dans les officines de la diplomatie climatique ? N’est-il pas également question de notre responsabilité individuelle, mais aussi collective, à l’échelle locale tant que nationale ? Cette justice climatique est-elle d'ailleurs déjà appliquée au sein même de nos propres pays respectifs?
Enfin, pour finir, nous tâcherons de réfléchir à la question et notion de responsabilité. Car c’est un mot qui est au centre même de cette discussion entre pays dits du Nord et du Sud. Nous constaterons d’ailleurs, au passage, l’existence déjà d’un nouveau paradigme géopolitique pour ce début de siècle. En effet, depuis au moins les Antiquités de l’Humanité, l’antagonisme entre civilisations dominantes se faisait d’Est en Ouest, et toujours avec un relatif équilibre des forces. Ce retour archaïque à une vision verticale du Monde, ne serait-il pas l’indice d’un profond malaise international ? De la discorde qui risque de s’accentuer entre ces deux mondes ? La verticalité n'est-elle pas également la vision non du partage des responsabilité, mais de l'ancrage d'une certaine charité qui aspire insidueusement à se substituer à la résponsabilité des pays du Sud?
Quelle est la part de justice dans ce nouveau paysage qui se regarde apparemment de haut en bas ? À mesure que le climat mondial devient une préoccupation globale et que les écarts technologiques se creusent entre une certaine Humanité et le reste du Monde ? N’est-il pas à présent admis que le développement humain, et ce pour des raisons largement liées à des causes climatiques, se déroule toujours plus naturellement entre des régions situées sur la même latitude climatique? et donc évoluant dans paysages assez similaires. Tandis que le contraste est beaucoup plus intense, dans ce domaine, dès lors que l’on traite les échanges entre les régions Nord et Sud d’un pays.
Il suffira de prendre l’exemple de de langue française qui fut longtemps fragmentée en deux langues et cultures bien distinctes : la langue d’oïl pour le nord et celle d’oc pour le sud du même pays. Jared Damon, dans son très brillant essai sur les origines des inégalités parmi les sociétés, nous explique que seules de nouvelles technologies et systèmes de communication peuvent atténuer cette dichotomie entre Nord et Sud. Il nous cite notamment le cas des Indiens d'Amérique du Nord qui ne surent pallier à la nature verticale de leur vaste continent.
Il faudra "attendre" l'arrivée des Européens qui y introduirent progressivement, le cheval, à quatres pattes, puis à vapeur, à quatres roues moteurs et enfin à deux ailes à réaction. Selon cet auteur très souvent cité en matière d'histoire de l'environnement, ce sera entre autre cette maitrise qui permit à "l'homme blanc" d'accomplir cette tâche de colonisation, puis de repeuplement. Est-ce que cette réalité aura été une bonne chose pour l'Humanité? Difficile à répondre par un non absolu; mais les critiques ne sont pas aussi difficiles à nous venir à l'esprit pour déplorer les conditions écocidaires et génocidaires de la fondation de ce "Nouveau Monde" à présent hégémonique.
N’est-ce pas au fond ce que les plus mercantiles pasteurs de l’économie verte veulent provoquer ? Un monde qui ne devrait son équilibre qu’à un apport scientifique et infrastructurel? N'avons nous pas d'autres outils à notre disposition pour relever ce défi de justice planétaire, jusque dans les questions de climatologie?
Loin de pouvoir répondre d'emblée à ces questions, surtout à un tel stade de l’élaboration de ce dossier, je me suis donc contenté de vous exposer en substance le plan qui va animer cette série d’articles sur le thème de la « justice climatique ».
Cela me permettra ainsi de bien cadrer son déroulement, tout au long des pages qui vont suivre et qui, je l’espère, vous donneront l’envie d’aller, tout d’abord au bout de ce dossier, mais aussi et surtout, de pousser plus loin votre propre réflexion sur un sujet ô combien d’actualité.
De la même façon que, j’attends avec beaucoup de gratitude toutes les critiques et objections qui pourront nous mener ensemble vers la plus juste vision des choses. Entre gens de bonne volonté, si une personne a raison, alors c’est la victoire pour toute la communauté; dès lors que cette parole aura été admise, car démontrée, comme la plus juste et pertinente des réalités.
Je voudrais conclure en remerciant chaleureusement Asma Mechakra, docteur en biologie cellulaire et molécukaire, mais aussi une militante de la société civile algérienne très concernée par cette question. C'est, à vrai dire, après la lecture de quelques uns de ses articles publiés sur le net, mais aussi à la lumière de sa conversation toujours animée par la bonne volonté d'expliquer et non seulement de convaincre, que je me suis replongé dans un sujet que j'avais, ces derniers temps, un peu négligé de suivre tant que de traiter...
Texte et photo: Karim Tedjani
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