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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Quels pourraient être les enjeux ainsi que les réalités d'une Justice climatique mondiale?

"Nos jeux de grands menacent l'avenir de nos enfants" (Photo: Tedjani Karim)

"Nos jeux de grands menacent l'avenir de nos enfants" (Photo: Tedjani Karim)

Chapitre neuf

"Un climat de dénaturation humaine..."

 

Le thème de la Justice climatique soulève beaucoup de questions,   dont les réponses nécessitent le secours autant de la science physique que d’une étude large et approfondie des sociétés humaines. Si le sujet est de plus en plus vulgarisé par les médias du monde entier,  il n’en reste pas moins un des dossiers les plus complexes  de l’histoire de notre Siècle.  Je ne parle pas de l'unité temporelle qui a débutée  en l’an 2000 ; mais  plutôt du climat de sociétés global qui ne  s’achèvera seulement, nous dit-on,   que lorsque l’Humanité aura justement changé de paradigme de civilisation. Il n’est donc pas aisé pour moi d’aborder  la Justice climatique en toute sérénité intellectuelle, puisque je ne dispose pas de toutes les connaissances suffisantes pour la traiter avec l’assurance d’un expert  confirmé...

Bien que le mot ne fasse  pas forcément toujours  référence à  la possession d’un diplôme universitaire ou bien au statut résultant d'une longue carrière professionnelle dans un domaine bien précis de l'activité humaine. Être expert de quelque chose signifie avant tout d’en avoir éprouvée  l’expérience personnelle. A ce propos, on peut se rappeler qu’un des premiers slogans des écologistes européens  fut « nous sommes tous des experts « ;  remettant   ainsi l’expérience cognitive  locale au même rang que  l’expérience  de laboratoire. Pendant très longtemps, d’ailleurs, l’expertise officielle fut l’objet de tous les scepticismes écologistes. Il aura fallu justement attendre les derniers rapports du GIEC, concernant le Climat, pour assister à un certain consensus de principe entre le discours scientifique institutionnel et la logique de l’écologisme...  

Il est  vrai que, pour en revenir à la notion d’expert, si  vous avez vécu suffisamment longtemps  la réalité d’un sujet,  muni  de plus  d’un certain recul intellectuel et chronologique, alors on peut considérer   que votre expertise dans ce domaine sera  au moins valable à consulter. J’ai d’ailleurs souvent constaté tel débat  d’expertises s’engager  en Algérie entre les fellahs locaux et des agronomes nationaux ou même internationaux ;  dès lors qu’il s’agissait de politique agricole locale.

Souvent l’avis des paysans passait au tout second plan. De même qu’il faut se souvenir que Pierre Rabhi, lors de sa seule visite officielle en Algérie, aura été « boudé » par la communauté scientifique algérienne ;  sous prétexte qu’il n’avait aucun diplôme à leur présenter. L’homme fut pourtant plus tard nommé expert auprès de l’ONU en matière de sécurité alimentaire. Il ne s’agit pas ici de prendre la défense de cet écologiste qui se considère français d’origine saharienne, plus qu’Algérien. Mais de plaider pour  considérer l’expérience des actes   comme aussi importante que la connaissance théorique.

Pour ma part,  ma  première  expérience cognitive,  de  l’influence de  l’activité humaine  sur le climat d’une région, remonte  à ma plus tendre adolescence.  Quand je  réalisai,  à force d'y venir passer tous mes étés scolaires,  que les fellahs de mon douar de cœur allaient faire de leur « pays » de zones humides un véritable désert en bordure de mer. Comment une localité aussi riche en eau pouvait bien en arriver à se transformer paradoxalement en une région de plus en plus aride et dénudée de sa végétation ?

A chaque fois, pour éluder cette énigme,  j’ai  dû demasquer la main coupable d’hommes  et de femmes,  le plus souvent irresponsables ou indirectement responsables de cette réalité mortifère. Certains de par leurs actes professionnels, certes, parce que prisonniers d’un système bureaucratique qui  les oblige à fonctionner de la sorte. Mais aussi à l’échelle de leur propre vie quotidienne, pour celles et ceux qui vivent à Guerbes  et continuent à être les complices locaux d’un tel dévorement durable de leurs paysages. Les origines de ce qui me paraissait jusque-là un mystère de la Nature étaient donc aussi variées que complexes à déterminer.

Puis, en grandissant, et  à mesure que ce péril grandissait lui aussi autour de moi,  j’ai voulu comprendre  de manière plus radicale ce qui pouvait bien pousser tous ces ruraux à se suicider écologiquement ; sans s’en rendre compte ou bien par manque de responsabilité environnementale.  En pratiquant bien  des  activités aussi écocidaires que la culture de la pastèque ou bien l’extraction illégale du sable de leurs plages .Mais aussi, et c’est une réalité assez peu ancienne, en laissant à présent  un tourisme de masse des plus polluants s’installer sur leurs plages.  Tout cela avait un lien avec l’aridification progressive  d’un des  « hots spots «  de la biodiversité mondiale les plus précieux d’Afrique du Nord ;  supposé  donc encore suffisamment « équilibré  »  pour être considéré mondialement comme  un havre de paix naturel.Une gouvernance nationale, engagée par  la ratification  de conventions internationales à respecter l'intégrité naturelles des lieux...impuissante ou complice?

Très vite,  j’ai eu l’intuition qu’il fallait sortir de cette bulle de  mauvais comportements locaux  pour élargir mon champ de perception ;  et tenter  ainsi de participer, à mon humble échelle, à  la transformer  autant que possible, un jour, en un cercle environnemental  vertueux. Ce qui me différencie sûrement  de bien des locaux de Guerbes, c’est mon habitude pour la mobilité autant physique que d’esprit. Je  dois cela  à ma naissance parisienne autant  qu’à  mon profond ancrage dans la tradition algérienne moderne. Ambivalence qui m’a toujours invité  à observer les choses avec  l’œil de l’invité mais aussi l’esprit de l’hôte ; où que je puisse résider d’un côté ou l’autre de la rive méditerranéenne.

J’ai pu ainsi m’engager dans une entreprise que je concède comme  inconcevable pour bien des gens de mon Douar. Comme ils m’ont tant appris sur la vie et la nature, je me devais de leurs rendre la monnaie de cet héritage auquel ils m’ont initié avec beaucoup de bienveillance et de patience.  En me faisant donc le devoir de le défendre avec les moyens et capacités qui sont  propres  à mon identité personnelle. Certes, par certains endroits, elle est si différente de la leur;  mais elle demeure complémentaire. Car notre identité, c’est-à-dire nos points communs, sont  assez évidents pour que je ne m’attarde pas à les énoncer.

Rencontrer de nombreux acteurs de l’écologie en Algérie ; constater  de ce fait à quel point ce qui se passait dans ma commune  était malheureusement la norme nationale. Ce fut la première et longue étape de cette modeste quête. Huit années consécutives  de parcours bénévole ;  où j’aurais interrogé et partagé le quotidien de milliers d’Algériens, à travers plus d’une trentaine de wilayas. Certes, je n’ai  pas encore  vraiment franchis les portes du Sahara ; mais d’Est en Ouest, je les ai quasiment toutes visitées. Je peux dire que j’aurais déjà exploré ’ «l’Algérie des 80 pour cent » ;  qui ne la rende  certes et pas pour autant essentielle ; mais seulement majoritaire au sein du vaste  territoire algérien.

Partout où je suis allé, en Algérie,  j’ai vu le désert avancer,  les pluies se faire tantôt trop  rares  ou bien trop souvent malvenues en fonction des saisons normales.  Généralement,  à mesure qu’une certaine nature humaine semblait reculer dans l’âme  et conscience collective de mon pays ; pour céder le pas à une  forme d’immoralité légale  de nature souvent exogène ; comme une maladie exotique s’installe dans un corps indigène et fait seconde peau avec lui. Cette tendance me parait tout aussi négative que celle qui a fait de nos traditions un outil d’arriérisme, et non  plus un  agent potentiel d’une  modernité contemporaine digne de ce nom.

Mon  constat  autant local que national  est  donc sans appel. Pas grand monde dans notre pays  ne se soucie ou  ne se souvient  de ce que la réalité « écosystème » Algérie  peut  et doit signifier pour chaque Algérien. Un Habitat, à la fois objet matériel, tant qu’une manière morale d’habiter son pays. Une telle nature ne devrait pas non plus nous empêcher de  nous considérer  comme des habitants responsables  d’une planète commune à l’ensemble de notre espèce. Un  «  maison-système »   commun à toute l’Humanité,  depuis que l’idée de pays s’est imposée sur la « Terre mère »,   comme une norme pour nos sociétés ethniques et politiques.  Les raisons d’un  tel changement de climat spirituel, là aussi, ne pouvaient pas seulement venir que d’Algérie.

J’ai eu à ce titre  l’occasion de m’exprimer sur la question climatique  dans plusieurs évènements internationaux ; en tant qu’ « expert »  de la société civile algérienne. Et cela fut  bien entendu  concernant les questions  d’environnement et d’écologie dans mon pays.  De ce fait, j’ai pu confronter mon expérience nationale avec celle d’acteurs  locaux ou internationaux d’autres régions du Monde. Pour ce faire, il m’aura fallu également  me documenter assez longuement sur le régime climatique mondial. N’ayant pas encore participé de manière directe et officielle à une COP, mais plutôt gravitant  au sein de ses  périphéries. Ce  qui, je l’espère, me donne une vision suffisamment détachée, voire objective du discours politiquement correct qui  fait norme au sein de cette sphère politique très encadrée.

Là, aussi, il m’a paru évident qu’une grande partie du problème que j’avais initialement dénoncé à Guerbes dépendait de facteurs internationaux, pour ne pas dire globaux. Les changements climatiques ont bien commencé à peser sur nous, et certes, l’humanité moderniste industrielle n’a en rien arrangé ce fait. Pas seulement l’Industrie, mais à vrai dire surtout l’industrialisation de la pensée humaine ; dont l’ordinateur est la plus emblématique et influente réalisation.

Certaines  des  interrogations  concernant l’idée de Justice climatique dépassent donc  de loin le cadre  viscéralement politique du régime international dans lequel il s’articule.  Depuis fort longtemps déjà, l’ONU et ses corollaires plus ou moins intimes,  tentent d’imposer par la diplomatie l’idée d’une Justice mondiale nécessaire. Autant pour la Paix dans le Monde que pour favoriser la « stabilité » du Marché mondial.

La problématique climatique semble  jouer, à ce titre, le même rôle de radical commun global, qui aura permis un jour la rédaction  d’une Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ainsi que son adhésion plus ou moins sincère  par l’ensemble de la  communauté internationale. Un accord sur le climat universel  ne peut en effet que concerner l’ensemble de la population mondiale, et ce,  en faisant abstraction de toute particularité ethnique, donc morale et politique.

Le sujet impose naturellement l’idée d’une gouvernance mondiale « aveugle », puisque dans le champ lexical républicain,  l’idée de Justice ne peut devenir réalité que s’il existe un Etat et donc une Nation pour en garantir légitimité ainsi que l’indépendance. Seul un état démocratique, le plus souvent républicain, pourrait exercer  la Justice telle qu’elle a été normée par la tradition moderne.  Cela est valable dans quelque domaine que ce soit, fut-il associé au climat ; un sujet qui oscille  constamment aussi subtilement  que dangereusement entre des notions de  physique et  de métaphysique.

Cependant, toute Justice, nous l’avons évoqué précédemment, implique également l’idée d’une Morale commune. Pour qu’une loi soit totalement juste, il est clair qu’elle doit paraitre légitime à tous les sociétaires d’un contrat républicain. Or, il est toujours très périlleux de laisser la morale dans les seules  mains du politique ; encore plus quand cela serait aux mains  d’une Justice globale  qui serait potentiellement  au service d’une hégémonie nationale. Autant que la Justice doit être forcement indépendante de l’exécutif d’un état  fondé en République, celle qui aura trait au climat devra être une instance mondiale autonome de toute gouvernance mondialiste ; au risque de ne pas paraitre mondialement équitable.

On pourrait, au passage, s’interroger  si  l’ONU pourrait envisager l’élaboration de cette Justice comme un exercice politique visant à faire d’un Accord sur le Climat les bases d’un Contrat social mondial ultérieur. Car, il ne faudrait pas se leurrer sur le fait que  quand on parle de Justice, on évoque intrinsèquement  l’idée de gouvernance et donc de société fondée  par  une constitution ;  contrat à la fois moral et politique entre tous les sociétaires de cet accord.

C’est, à mon humble avis ce qui différencie une communauté  traditionnelle   d’une société moderne. La communauté, traditionnellement, a  pour contrat une justice morale, un code législatif qui puise ses jugements dans une sagesse traditionnelle ancestrale. Il est rare que ceux qui la subissent  ou l’acceptent puissent  en rédiger les statuts par une délibération collective. Car c’est le propre même de la tradition que de se considérer comme immuable, là où la société moderne aspire à faire évoluer ses lois en fonction des aspirations du plus grand nombre du moment. Ce qui n'empêchera pas  une tradition d'être  parfois plus démocratique qu'une république bananière. Qui des deux formes  de justice a le plus raison  d'être contemporaine? Ce n’est pas à moi de décider d’une telle question. Disons que j’aspire personnellement à une modernité traditionnelle  et non la  modernisation de notre tradition nationale; encore moi je ne voudrais vanter les mérites d'une société traditionaliste, où la morale prime le plus souvent sur la raison...

Qui ou quel système  doit donc établir naturellement cette morale climatique ?  Qui devra être universelle pour paraitre mondialement légitime ? Pour que la Justice climatique, en tant qu’objet de gouvernance internationale, nous semble juste et légale, où que nous résidions sur Terre,  et donc quel que soit la nature des impacts du réchauffement climatique qui nous affecte ou pourrait nous affecter localement.  Pour cela, on évoque souvent le concept de « voile d’ignorance » pour qualifier la nécessité pour cette justice globale  de faire alors abstraction de toutes les particularités nationales  et de n’en retenir que ce qui des principes  qui font  identité au sein de l’Humanité.

Certains, comme les Communautaristes, un courant politique très influents dans la pensée économique anglo-saxonne, considèrent à ce titre toute volonté de Justice mondiale contraire à a nature même de la  notion de société humaine internationale et non globalisée. C’est parce qu’il n’y a pas  de morale universelle possible. Selon eux, c’est une constante dans la nature humaine.  La Justice à travers le monde ne pourra être que commune à certains égards, mais différenciés au regard de nos particularités ethniques morales  respectives. 

Certes  il existe bien des identités entre toutes les ethnies concernant la notion de climat justicier, et, nous l’avons vu rapidement, le « mythe » ou la réalité du Déluge est un des plus évident indice et symbole de cette universalité. Mais il me semble  que ma prochaine question sera aussi pertinente à proposer qu’elle pourrait paraitre tout à fait triviale à bien d’entre nous.

Pourtant, je pense que se demander si les manifestations les plus hostiles du Climat à  l’égard de nos sociétés humaines peuvent être considérées comme « justes » n'est pas une futilité de l'esprit. Ou, si vous préférez, existe-il une justice climatique naturelle ? Les changements climatiques, sur Terre, s’opèrent-ils de manière équitable entre toutes les sociétés humaines ? Ou bien doit-on considérer d’emblée  cette notion  comme  le produit d’une  conception ainsi que d’une volonté purement humaniste ? 

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