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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Dar, Douar, Dénia...Ou les potentiels fondamentaux d'une maana écologique algérienne moderne

Un peu has been nos nass bekri? En tout cas, peu d'entre nous sauraient avoir autant de classe naturelle, fagotés dans une telle dégaine...Imaginez si on leur avait donné les moyens que nous gâchons!(Photo:Tedjani Karim)

Un peu has been nos nass bekri? En tout cas, peu d'entre nous sauraient avoir autant de classe naturelle, fagotés dans une telle dégaine...Imaginez si on leur avait donné les moyens que nous gâchons!(Photo:Tedjani Karim)

 

Chapitre 13

Le vrai confort moderne

Chaïb el Hadi Latrèche est né au début du siècle dernier,  dans un  des nombreux douars de la tribu des Ouled Rahmoun...

De ce que les fils  Latrèche m’ont raconté  bien plus tard  à propos de leur ancêtre père fondateur de cette tribu,  ce dernier fut très tôt obligé de s’exiler de sa région natale,  aux environs de Batna, tellement sa jeune renommée y  faisait  sans cesse de l’ombre à la gloire de son propre père. Rahmoun était pourtant, disait-on, un savant  religieux très humble, d’un tempérament fort  doux et modeste. Il fut  donc très vite adopté par une autre tribu, avec qui il passa alliance et fit du ventre de leurs femmes le terreau où il sema ses graines d’espoir en l’avenir. Plus tard, ses descendants qui s’étaient alors  installés dans la région de Biskra, durent malheureusement  fuir leur territoire dans la plus grande des précipitations ainsi qu’un cuisant dénuement.  Tout cela à  cause d’une  terrible défaite,  face à un clan adverse qui les chassa de chez eux en leur prenant terre ainsi que  bétail, et les poussèrent à reprendre  l’exil.

Ainsi, quand il naquit, la famille de mon héros de l’écologie algérienne, après de nombreuses errances,  était une branche de cette tribu qui avait choisi de s’installer dans le nord-est de l’Algérie. Plus particulièrement  dans les campagnes d’Oued Zenati, une petite ville de la wilaya de Guelma, dont le passé ainsi que la réputation agricole sont aussi illustres que cette agglomération peut nous paraitre aujourd’hui  des plus modestes ;  mais seulement  au premier abord. Il s’y cultive encore un esprit, ainsi qu’un art de vivre qui rend cette région et ses habitants si chers à mon cœur. Quant à ses paysages, le printemps  qui bourgeonne  dans ce petit pays  d’Algérie est pour moi une des plus belles explosions de beauté algérienne à l’état pur et naturel.

Ici, à nouveau,   les Latrèche prospèrent, ainsi que d’autres  douars affiliés à leur  clan ancestral ;  tant ils avaient  développé  une économie de la survie qui les rendait apparemment aussi  durs à cuir que  n’importe quelle autre espèce de Phénix. D’ailleurs, de nos jours, la tribu des Ouled Rahmoun est redevenue très puissante et influente. Notamment dans la ville de Sidi Okba, à Biskra, où mon grand-oncle avait encore beaucoup de famille. Connaissant El Hadi, je me dis qu’ils doivent sûrement cette pérennité à  leur nature  familiale ; des coutumes, des savoir-faire ancestraux, mais aussi un langage très poétique  gorgé de sagesse ancienne comme un bon raisin, de sucs à la fois délicieux et amères.

C’était aussi, comme beaucoup d’autres douars algériens, un clan où la force, ainsi que  les rapports de force étaient aussi prégnants en eux  que nos coutumes  religieuses, mais aussi profanes, sont riches en politesses et égards  pour son prochain. Cette  ambivalence qui nous fait osciller entre le meilleur de l’être humain et l’accoutumance à  ses pires déraisons, je pense qu’elle ne m’a jamais été aussi bien illustrée que dans la nature des Algériens ; telle du moins que je la reconnais en nous tous et toutes, où que nous vivions cette manière d’être ethnique, plus que géographique. L’Algérie n’est pas un pays avant d’être un Peuple ; bien au contraire. Car les frontières d’une nation les plus inviolables et souveraines, sont celles, immatérielles,  qu’il  s’invente lui-même ;  dans le cœur et l’esprit commun par lequel il fait corps...

El Hadi Latrèche, Rabi yarhmou, vécu l’enfance aventureuse  d’un berger transhumant, navigant à pied  sur les terres du nord est, au gré des saisons du bétail et des travaux agricoles. Je ne sais pour quelle raison, mais il se retrouva assez jeune orphelin, et fut recueilli par un  de ses oncles, puis, de famille en famille. Tel destin, à l’époque, n’était d’ailleurs pas du tout insolite pour un enfant algérien.  L’abandon et l’adoption, le mariage et le divorce,  faisaient partie intégrante des mœurs  locaux  de l’époque. En tout cas,  tous les personnages qui  auront rayonné sur mon enfance algérienne  ont été orphelins ou enfants de  couples divorcés. A bien des égards, et nous le verrons plus tard, cette carence affective, ce manque d’un père ou d’une mère, parfois des deux, aura beaucoup d’influence néfaste sur leur propre conduite familiale et donc le destin de leur progéniture.

Tout grand héros qui se respecte dit avoir son talon d’Achille. Sinon, parfaitement invincible, car sans le moindre point faible, où irait-il puiser son courage surhumain ? Quel mérite héroïque  y-a-t-il à se propulser dans la mêlée quand on a rien à perdre, alors qu’on ne peut  qu’absolument gagner qu’à coup sûr ? Dans un tel combat, à vrai dire, ce sera plutôt le camp adversaire qui doit être considéré comme le plus courageux des deux. Dans celui qui opposa la génération de mon grand oncle, face  à son plus tenace oppresseur, la cupidité des peuples puissants, il est évident qu’ils durent subir le modernisme européen avec de sérieux handicaps pour lui résister vraiment durablement. Mais cette faiblesse apparente fut également  la nourriture qui entretenait alors certaine  une manière d’exister ;  où la fraternité, la solidarité ainsi que le respect de la parole donnée  faisait de l’Algérien, même le plus en cage, un « homme libre » par nature.

 Si l’indépendance de notre pays semble une défaite pour son ancien colonisateur, pour le libéralisme industriel, il fut cependant  le premier pas d’une victoire, totale et future dont nous sommes actuellement en train de finaliser par nombre de nos comportements....

Nos ancêtres, eux,  pratiquaient sans le savoir la modernité du siècle qui allait leur succéder, une sobriété conviviale, certes le plus souvent imposée, mais vécue également comme un défi de bonheur dans la simplicité et le respect  de chaque ressource offerte par la nature. Chaïb El Haidi, qui était relativement fortuné, n’a jamais d’ailleurs compris les aspirations consuméristes de ses enfants. Pour lui, il suffisait de s’auto suffire pour être libre, et donc indépendant. Il ne connaissait pas d’autre meilleure félicité que de posséder les moyens de cette autonomie. C’est pour cela, d’ailleurs qu’il me disait souvent  qu’il ne vivrait jamais sous la coupe d’un « petit médiocre en cravate » qui régissaient selon lui les gens des villes et villages agricoles qu’ils fuyait comme on se presse de franchir l’enceinte d’un cimetière. Pour lui, les citadins de son époque avaient été rendus incapables de se nourrir par eux même, et de ce fait étaient  à la merci de tels « vauriens sans parole ».

Aussi,  il recyclait tout ce qu’il pouvait, faisait appel  d’abord aux dons et bienfaits de la nature avant de jeter dans les bras de la médecine chimique. Il apportait un soin tout particulier à  respecter la propreté ainsi que l’équilibre naturel des terres où il pâturait, ou bien qu’il cultivait. Il ne pratiquait jamais une seule activité économique, et  ne se laissait jamais devenir dépendant à aucun commerce. Il investissait régulièrement ou soutenait par un prêt sans intérêts, les activités de ses voisins et parents. Il mangeait  surtout pour vivre et se soigner, , mais comme il connaissait la saveur naturelle de toute chose, il se nourrissait autant de force et de plaisirs quand il prenait  chacun de ses repas.

Tout ce qu’il consommait d’un côté, devait être réutilisable pour une autre activité. Tout ce qui produisait des déchets non recyclables était banni de son environnement. Quand il voulait entendre de la musique, il en jouait ; quand il voulait offrir un jouet à un de ses enfants, ou s’il  avait  besoin d’un outil au quotidien, il lui suffisait le plus souvent de laisser parler la lame de son canif  sur l’écorce d’un bout de bois. A vrai dire, il n’avait besoin au quotidien  que d’une canne, d’un cran d’arrêt, d’un chech, d’une gourde et d’une loupe pour affronter tous les dangers et relever toutes les difficultés quotidiennes qui pouvaient se présenter à lui.

Au maximum, il tâchait de résoudre des  problèmes logistiques ou sanitaires en usant de ses propres moyens, ainsi que des éléments de son environnement le plus intime. Il tenait cette  grande qualité de vie,  d’un sens de l’observation qu’il avait développé à force de survivre aux  humeurs de la nature ; selon qu’elle lui soit hostile ou bien, au contraire, bienveillante. Le plus souvent, cela dépendait de ses propres comportements à son égard, comme envers le Ciel. Sans jamais avoir fait la prière, il disait que sa façon à lui d’honorer le Créateur était de veiller au bien-être de sa création ; de même, sa plus sûre garantie d’être dans le juste, était de ne pas agir contre, mais avec la nature dont il avait reçu la responsabilité, avant même l’usufruit. Tout ce qui pouvait nuire ou perturber trop sensiblement cet équilibre changeant mais stable dans ses variations, d’une biodiversité en perpétuelle évolution.

 

Voici donc un des premiers fondamentaux de sa  Maâna écologique, dont nous devrions nous inspirer : la souveraineté s’acquière d’abord par l’autonomie, puis la coopération, sachant que l’inverse est rarement  valable. Car rare sont les partenaires fournisseurs qui auront intérêt à ce leur clients d’hier ne deviennent un jour  les producteurs de leurs propres besoins. La vraie coopération entre deux sociétés se fait toujours d’égal à égal, et non de  seul producteur à  seul consommateur.

Une économie circulaire, à la fois sobre, conviviale, mais également localement durable, voilà la modernité avortée dans le ventre de cette génération,  par le modernisme  des siècles qui se sont déroulés à travers le monde industrialisé à l’outrance et non la modernité éternelle des peuples qui sauront toujours filtrer du passé les plus sûr principes pour en faire les concepts les plus novateurs de leur époque. Si en Europe, par exemple, des archéologues s’appliquent à reconstituer leur habitat ancestraux de la manière la plus fidèle possible, chez, ont transformé bien des ruines en gravats pour l’autoroute...

Le confort moderne ? Pour moi c’est de savoir d’où l’on vient pour comprendre où l’on va à présent...

 

 

 

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