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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Dar, Douar, Dénia...Ou les potentiels fondamentaux d'une Maâna écologique algérienne moderne.

Faux vert  (Photo:Karim Tedjani)

Faux vert (Photo:Karim Tedjani)

Chapitre 14

Une sobriété  bien heureuse?

 

 

Comme je l’ai mentionné à maintes reprises dans ce dossier, Chaïb el Haidi Latrèche,  feu époux de Nouara, aura été un de mes tous premiers héros  algérien. Bien que de nombreux témoignages attestent de son héroïsme en temps de guerre d’indépendance, malgré toutes les fabuleuses aventures qu’il a dû éprouver  dans sa jeunesse de nomade transhumant, il n’est pas de ceux dont  les  démagogues en tout genre  sont si friands à rendre populaires. Histoire d’alimenter  la  mythologie nationale qui servira le mieux leurs propres intérêts privés.

Il ne s’est d’ailleurs jamais  vanté, ni d’avoir risqué sa vie pour obtenir sa liberté de père de famille,  ainsi que celle de fils de son peuple. De ce que j’en sais,  il considérait qu’il avait  ainsi rempli le même devoir qui le liait au Ciel autant qu’à sa plus proche  famille. Mais ce n’est pas vraiment son côté guerrier qui m’aura surtout fasciné, ni encore moins  sa façon si peu pertinente d’être père au 20ème siècle. Ce que je trouvais  plutôt d’héroïque chez lui, c’était sa manière de vivre encore  l’Algérie en 1984; année où je le rencontrai pour la première fois.

Tel héros donc, à mon sens et j’espère bien le vôtre,  aura toujours  cette supériorité indéniable sur la plupart de nos  autres idoles, qu’elles soient  algériennes ou non. Celle d’avoir été  bien réels  dans notre vie,   tout en chair et en os. Non qu’il soit unique en son genre ; son époque avait forgé des centaines de milliers d’hommes et de femmes de sa trempe. C’était,  certes, un Monsieur tout le monde.  Mais pas n’importe qui non plus, et pas seulement  pour moi. Je pense que nous portons tous  dans la mémoire de notre cœur un tel personnage extraordinaire. J’espère  sincèrement et de tout le mien que vous avez eu cette chance. Si ce n’est pas le cas, je vous conseille de faire en sorte que vos enfants partagent la compagnie de tels  vielles dames et vieillards de nos campagnes ; qui se font, certes, malheureusement de plus en plus rares à survivre ;  tant au temps qu’à la nature de plus en plus toxique de  notre environnement.

Qui sait, si ce n’est pas  cette identité entre nous qui aura poussé certaines et certains d’entre vous à suivre mes nombreuses publications dédiées à l’écologie en Algérie. La mémoire de ces arbres  dans nos vies.  Si, depuis  quelques articles déjà, je me suis permis de ramener ma réflexion à mon propre douar, ce n’est en aucun cas par nombrilisme ou bien régionalisme. J’aimerai vous rassurer à cet effet ;  cet exercice s’inscrit dans une logique qui considère que ce pays est notre maison commune. En quelque sorte, nous sommes tous parents  les uns des autres, non pas par forcement  le sang,  mais au regard de cette manière commune d’être humains.

Libre à chacun de croire qu’il est possible de s’affranchir de sa nature en s’inventant ou se reconnaissant d’autres identité qui paraissent mieux leur convenir. Si cela peut les rendre  plus heureux, et qu’ils n’ont pas la désobligeance de déranger les convictions d'autrui. Alors je serais également heureux de ne pas chercher à perturber leurs propres croyances. Je ne suis pas non plus un grand adepte de la tribalité et je suis persuadé  que l’on peut être sincèrement lié à quelqu’un qui n’est pas de votre sang ou de votre famille. Je sais également que le contraire n’est pas toujours évident, que comme on dit chez nous « là où il y a ton sang,  ll y a aussi  tes soucis ! ». Etre parents,  ici, c’est tout simplement, ainsi qu’à mon humble sens, être conscient que quelque chose  nous lient tous et toutes, que nous voulions ou pas. Que nos affinités soient en résonnance ou bien totalement antagonistes. Etre conscient de cela, pour ma part, ne m’interdis en rien de me considérer une autre forme de parenté avec tous les  humains sur Terre, et même  envers tous les  êtres vivants.  A la différence près que je ne mange pas d’êtres humains pour exister, me direz-vous?  Certes, mais combien de vies sont exploités, broyées, dévorées même,  exploitées à la chaine, dans les coulisses tiers mondialistes du Marché mondial ? Pour  que vous et moi ayons l’impression de ne jamais en avoir assez pour le moindre prix...

En ce qui me concerne je suis Algérien comme le cheval Barbe sera toujours  un cheval  Amazigh de nature, où qu’il soit élevé à travers le monde. C’est d’ailleurs tout ce qu’il tient de son environnement originel, de ses ancêtres,  qui faitt la particularité de sa valeur. Un cheval Barbe élevé en Angleterre, n’est pas plus Anglais qu’il est Barbe de la même manière que s’il avait  été éduqué en Arabie Saoudite.  Ils portent pourtant tous les deux en eux, un héritage commun, celui de nos ancêtres, qui ont accompagnés  l’évolution de leur espèce ; au grès des prérogatives, bien plus complexes,  de celle  de notre peuple.

Ce que nous aimons de la même manière  chez le pur-sang Arabe  n’appartient pas à l’Algérie. Nous ne faisons que cultiver  en eux la nature la plus fidèle d’un désert  qui ressemble au Sahara, mais n’en a pas connu le même développement ancestral. A leur tour, ces purs sang arabes d’Algérie auront leur manière bien particulière de rester des Arabes avant tout. J’ai le souvenir  récents d’Algériens de Laghouat, éleveurs passionnés de sloughis arabes, qui s’étaient presque  métamorphosés en  de véritables bédouins ; pour mieux coller à la nature de leurs chiens, et donc en faire l’élevage le plus authentique possible !

Mais revenons  plutôt  à mon héros, c’est bien lui qu’il s’agit avant tout de vous parler. Avant  même qu’on me  la raconte  après  sa mort, j’avais pu déjà me rendre compte,  enfant,  à quel point  sa vie méritait mon admiration.  De son vivant, beaucoup de ce qu’il incarnait dans sa vie quotidienne  rendait légitime le grand respect qu’il aura toujours inspiré autour de lui. La crainte, même, car il était aussi bienveillant avec ses amis que intraitable avec ses éventuels agresseurs. A son arrivée dans les terres de Guerbes, les familles « locales » n’ont pas été des plus tendres avec lui. A l’époque, et encore aujourd’hui d’ailleurs, dans bien des douars, les affaires d’hommes se règlent avec le bâton, et parfois même le sabre. Il n’était pas du  tout gauche à manier ni l’un, ni l’autre, mais, il me semble,  que son arme  la plus efficace  pour régler les disputes étaient un sens du langage des plus raffinés, à la fois sobre et redoutabelent inscisif.  Nouara  ainsi que  la Vie lui offrirent, de plus,  dix vaillant fils, ce qui lui permit autant de prospérer,  tout en assurant la sécurité de son Douar. Rien de plus, d’ailleurs, car il ne cherchait  jamais à se saisir du bien comme du dû des moins forts ou plus pauvres que lui.

Encore aujourd’hui, à des dizaines de kilomètres  à  la ronde de son douar, quand je prononce son nom pour me présenter dans un des rares  endroits  de la région  que je n’ai jamais  pas encore visités, je suis  alors accueilli  avec de sincères « Allah i berek ».  Comme si j’avais  tout simplement prononcée une formule magique. Toutes les portes  fermés à l’étranger malveillant me sont  alors ouvertes ;  il ne fera plus aucun doute à mes hôtes que je dois être un fils de bonne famille,  puisque disciple d’un tel maître.

C’est d’ailleurs  souvent l’occasion pour moi de récolter quelques anecdotes sur lui, de constater à quel point sa parole ainsi que sa générosité avait rayonné sur son douar. Sans le savoir, enfant, je fis  déjà de lui mon plus sûr mentor ;  de ce que j’allais considérer  bien plus tard comme les fondements d’une maâna écologique algérienne moderne. Non qu’il ait fait de moi un vrai douari, aguerri à toutes les natures de sa région. Il m’avait  seulement appris la substance de choses, en me la montrant sous le prisme de son laboratoire, la nature. C’est en cela que je me considère  l’âme d’un Douari des Temps modernes, plus que  celle d’un écologiste algérien.  Et je n’ai vraiment rien d’un écologue pour vous parler de nature algérienne autrement que je m’applique à le faire depuis tant d’années déjà.

Il ne m’aura pas fallu, en effet, attendre de lire le très perspicace et talentueux visionnaire  Ivan Illich,  un des pères fondateurs  de l’écologisme européen. Ni de me plonger dans bien d’autres  manifestes   écologistes,  ou bien de consulter de nombreux  essai s ainsi que des études  traitant d’écologie, comme d’histoire de l’environnement.  J’ai pu,  enfant, il me semble,  comprendre  et surtout éprouver de manière empirique  une « austérité conviviale »  qui est considérée par  notre société algérienne moderne comme une véritable  injure à leurs aspirations contemporaines.

Le contraste qui existait déjà  entre mon cadre de vie parisien, et cette odyssée de la nature algérienne,  dans laquelle je m’immergeais pendant de longs moins d’étés, elle  aura suscité très tôt  chez moi  de profondes interrogations existentielles. Qui avait raison ? Mon  grand-père d’adoption ? Ou bien ce monde de démesure qu’il semblait refuser à sa progéniture ? Sa famille qu’il faisait vivre dans des conditions  inutilement austères, du moins en apparence, au regard des moyens financiers dont ils auraient pu disposer pour moderniser  leur cadre de vie.

De  même,  j’ai eu la chance de rencontrer un jour, chez lui, Pierre Rabhi, autre chantre,  plus médiatique  et vivant,  de la « sobriété heureuse ». Cela ne m’a rien apporté de plus que ce que je pouvais apprendre en Algérie sur l’écologie ainsi  l’environnement, avec tout le grand respect que je dois à son hospitalité. Avec Ivan Illich, outre  bien des idées communes, il me semble,  ils ont ce point commun d’avoir pour idole, Saint François d’Assise, considéré par beaucoup comme le saint chrétien  des écologistes européens. Mon héros à moi n’était pas un  saint, pas même musulman pratiquant,  loin de là, il n’a jamais prié, mais il croyait néanmoins sincèrement  en Allah et en vénérait la  grandeure en prenant soin au possible de sa part de Création dont il se sentait responsable. 

Il avait pour lui la légitimité de ces  gens qui veulent vivre et laisser vivre autour d’eux, sans jamais se laisser aller néanmoins  à la médiocrité. C’était comme beaucoup de patriarches  locaux  un dictateur éclairé, certes, dans la pure tradition des fantasmes populistes algériens. En fait, il savait mieux élever les animaux que les êtres humains. Pour sa décharge, il n’avait pas eu de père pour lui montrer comment aider ses enfants à relever tous les défis, mais aussi les ’embûche  de la modernité industrielle;  qui annonçait la fin de la sienne. Lui-même aura participé à cette invasion, il ne s’en  est  d’ailleurs jamais caché quand, plus jeune, pour nourrir sa famille, il  se fit petite main des trafics  locaux de sables ou de charbons.

Quand son troupeau se fit inutilement trop gros, comparé à ses besoins ainsi que les privations qu’il s’imposait. Encore plus,  quand l’écosystème qui l’avait abrité ne put  soutenir le développement économique qu’il envisageait pour son douar. Et encore !  Je connais trop  bien la région, la nature de ses gens... il était de loin un des plus raisonnables et le moins gourmands. Lui au moins ne brûlait pas les forêts, veillait à changer constamment les  trajets de ses pâtures pour laisser la végétation se régénérer. Il respectait tous les arbres de ses terres.  Il faut dire qu’il circulait une légende à ce propos, le liant à un pacte avec des esprits saint qui habiteraient, selon la rumeur locale, les forêts et maquis environnants. Il était le gardien écologique des lieux et, dès lors qu’il faillirait ou laisserait déroger à cette mission, il perdra tout en une seule nuit...

Il sembla respecter longtemps cet avertissement, mais, il voulut  un jour grandir trop vite, parce qu’il connut la richesse trop vieux et qu’il n’eut pas le temps de prospérer tout en prenant celui d’éduquer correctement ses enfants. Non qu’il les ait mal élevés, loin de là, ce sont des gens tout à fait respectables et admirables dans leur lutte  quotidienne pour la survie. C’est juste qu’il n’ait  pas su leur transmettre son amour de la nature algérienne, du moins à si peu de ses enfants. Et qu’à cause de cette  tare, ils ont quasiment tous finis bien plus misérables que leur père ne l‘a jamais été dans ses pires moments d’errance.

Certes, à présent,  ils disposent de tous les minimas d’une commodité dite moderne. Chauffage électrique, télévision ; frigidaire, machine à laver, téléphone portables, tous les apparences d’une vie comme sur les écrans de télé semblent affichés dans leurs nouvelle manière de vivre. Mais  dans leur gourbis en béton humide, racordés à des égouts qui n'ont que le nom de cette structure, là ou à l'Antiquité ,certaines grandes  villes algérienns en était  déjà munies. Ils vivent au jour le jour, seulement de gains rapides, sans autre formation que leur métier de berger ou d'agriculteur qu'ils n'ont même pas appris à aimer.  Ils sont à présent  la merci du moindre coup dur.Ou on du apprednre une autre rofession, sans avoir jamais été vraiment sérieusement à l'école. Ils n’ontpas su, eux non plus, comprendre tout ce qu’ils auraient pu gagner à suivre certains exemples de leur père, au lieu de croire qu’une vie plus confortable et ostentatoire  pourrait forcement  les rendre plus heureux.

Non que cela ne soit pas  forcementle cas, mais le confort moderne, sans une éducation et donc des repères modernes ne donnent souvent que les pires arriérismes écocidaires. Oui, quand mon cousin Lakhdar croit qu’il suffit de  gorger sa terre de pesticides pour avoir une bonne récolte et faire fortune ; qu’un arbre qui pousse sur son champ est un adversaire  dont il faut à tout prix  se débarrasser, non seulement il jure avec tout ce qu’aurait pu lui apprendre son père, mais il fait preuve d’un arriérisme qui  fait  l’agriculture pétrochimique la pire tare héritée du siècle mondial dernier. 

Mais, bien des ruraux de sa générations auront au moins intégré la nécessité d’éduquer leurs enfants ; là aussi, cependant ils sont victimes de fantasmes, croient qu’il sera plus utiles pour leurs enfants ou bien pour notre pays d’en faire des médecins, des commerçants, des avocats, plutôt que  les agriculteurs  et éleveurs du 21ème siècle algérien. Capables de produire à la fois de la quantité, mais toujours avec les soucis de qualité. A la fois connectés à nouveau à la nature par des liens sains, mais aussi à nos villes, comme au reste du monde. Parce que outillés de repères moraux, d’idées modernes, pour surfer sur toutes les vagues du modernisme industriel qui n’est plus seulement occidental, et cela depuis des lustres ceryes si peu anciennes. 

Mon grand oncle,  lui, comme tant d’autres hommes et femmes de sa génération, pratiquait un art de vivre, une maâna d’exister,  dont le sens le plus essentiel  pouvait se résumer  en  un seul mot : « El Hamdoulillah ». Certain pourrait apprécier cette philosophie de la vie comme une résignation face à l’infortune ; je leur répondrais que j’ai eu la chance de connaitre bien des gens comme lui qui,  malgré leur richesse matérielle, ne portaient  à ce pouvoir que la qualité d’un moyen d’accomplir leur tâche sur Terre. Pour lui, il me semble, les choses étaient simples, il voulait garder le plus longtemps possible en vie son douar tel qu’il l’avait bâti bien plus jeune en débarquant ici. Ses millions de dinars amassés tout au long de sa vie ne servirent qu’à cela. Peut-être un peu trop d’ailleurs.

Non que cette austérité fût  forcement heureuse  pour tous les gens qui vécurent sous sa responsabilité. Je me souviens à quel point il imposait des conditions terriblement drastiques à son entourage. A chacun de mes séjours chez lui, moi qui n’étais déjà pas bien costaud, je perdais au moins 10 kilos. Mais je prenais également du souffle, du muscle même ;  à vivre dans un monde où la moindre tâche quotidienne  s’accomplissait  quasiment toujours  à la force des bras, ou bien des animaux, en tout cas si peu des machines.

 Mais je me mets  aussi à la place de mes cousins, qui étaient alors  tous  de beaux gaillards au corps secs et authentiquement musclé, à mes cousines, de pures bombes de la nature algérienne fascinées par un nouveau monde ou elle semblait avoir plus de liberté rien que par les moyens de cette beauté, pensaient-elles naïvement. Il a dû être un peu excessif avec sa famille pour qu’à présent, une fois capable de subvenir à leurs propres envies, ils  ont fini  pour la plupart par ressembler à de grosses baudruches gorgés de graisse et de sucs lents. C’est à vrai dire comme cela que je reconnais les gens de Guerbes qui vivent encore dans leur douar à ceux qui s’étaient installé  au village agricole : à leur taille pantalon !

El Haidi n’avait  peut-être pas  su assimiler qu’il n‘avait plus besoin de considérer sa vie comme une survie, mais  un bien-être qu’il devait apprendre à rendre plus  confortable pour sa famille. Ou bien était-ce parce qu’il ne pouvait pas s’imaginer d’autre bonheur que de vivre sa solitude parmi son troupeau, entouré de paysages majestueux, sauvages et raffinés.  Un peu comme il avait dû le devenir à force fouler son sol, de nager dans ses lacs, ses  étangs, ses plages. Avec son mode de vie, moitié ancestral, moitié tiers mondialiste,   il avait survécu à bien des périls de l’existence, et, souvent, les armes de la  modernité n’étaient pas en sa possession. Il est assez aisé  lui pardonner  son entêtement, sinon de le comprendre, au moins avec le recul de ce qu’il adviendra après sa mort de son douar.

Il est clair que l’austérité de nos anciens n’avait pas toujours pour effet d’être heureuse, mais de ce que des gens comme Nouara  m’ont raconté, ils faisaient au moins tout leur possible pour la rendre  au moins conviviale. Comment oublier  que l’histoire de ma terre mère est jalonnée de cuisantes  famines, dont certaines furent horriblement ravageuses parmi notre peuple ?  Elles furent d’ailleurs pour la plupart le résultat de l’entreprise funeste  de grands bouleversements écologiques et environnementaux.  Largement  provoqués par la colonisation française  et selon  toute les malséances  morbides de l’Art de la guerre.  C’est  à dire à des fins de dénaturation progressive et totale  des indigènes Algériens,   que le pays où je suis né  voulait garder pour l’éternité sous la coupe d’un vampire se donnant des airs de bon Samaritain.

Il me semble, à ce propos, que la  propagande coloniale n’aura eu de cesse de  faire circuler le cliché pervers d’un nomade « arabe » algérien, colon écocidaire du territoire dont il ne serait pas le vrai habitant originel. Celle d’un peuple analphabète, brutal, incapable de véritable civilisation, qui aura toujours dû attendre d’être envahi pour évoluer. Mercenaire, corsaire, maquisard, les images ne manquaient pas alors pour réduire la noblesse  intrépide des Hommes Libres à qui on avait  même depuis inventé  certaines  origines exotiques,  afin de mieux les diviser.

Bien entendu, on fit tout pour minimiser également  l’ampleur de l’immense foyer de modernité que recelait l’Algérie d’un Abdelkader qui n’aurait  pas eu à préférer l’épée  au livre, la guerre à la science et qui aurait pu visiter l’Exposition Universelle de Paris  comme un chef d’état invité par une nation civilisée, c’est-à-dire capable de comprendre toutes les supériorités de la coopération sur l’oppression. Si peu d’entre nous, supposés être les « arabes » d’Algérie, connaissons la gloire passée des Numides, comme si leur héritage avait été monopolisé par quelques Algériens, convaincu d’être les derniers mohicans d’un peuple qui est arrivé pourtant au nombre de millions d’âmes. Encore moins celle et ceux qui vivent à l’étranger. Qui nous rappellera tous ce que nos ancêtres ont réalisés ? Tout ce que les Algériens, avant même de se nommer ainsi, firent en terre d’El Djazaïr, mais aussi bien au-delà de ses frontières.  Heureusement, de tels héros, comme ces Algériens d’avant-hier m’ont fait pressentir qu’une tout autre nature algérienne existe, et qu’on s’applique presque à la perdre, tant elle est notre meilleur rempart contre une certaine forme perverse de modernité totalitaire et écocidaire.

Il y a pour moi  trop de choses qui ne collent pas dans notre histoire collective, je veux dire, trop de versions différentes, politiques, ethniques, géostratégiques,  tribales, pour je ne préfère pas me fier avant out à ma propre expérience du passé. Dans ce domaine, je préfère discuter avec des personnes âges, apprendre de leur propre bouche  comment vivaient  la plupart de nos « Ness Bekri ». 

Là aussi je reste prudent, je connais trop bien notre talent naturel pour le conte ainsi que les ornementations cosmétiques. J’observe  d’abord leur manière de vivre notre modernité, ce qu’ils ont gardé de la leur pour s’y adapter. Je suis régulièrement étonné par leur manière si particulière d’abord les outils dont leur jeunesse était parfaitement orpheline. Comment, également, ils résistent  à nos nouvelles coutumes consuméristes, en se pliant à d’autres codes, une tradition plus ancestrale que celle que nous cultivons à présent. Je ne parle pas de coutumes importées par l’argent du pétrole que l’on veut me faire croire traditionnelles, là où elles ne servent que des desseins traditionnalistes et donc orientalistes.

J’ai eu la chance de voyager à travers nombre d’endroits où cette mémoire de la nature algérienne,  ainsi que cette résistance au modernisme anti traditionnel  persistait. J’ai été l’invité de tant de papys et mamies des quatre coins de l’Algérie, mis à part le Grand Sud. Je, peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils portaient  tous et toutes en eux tout ce que j’ai tant aimé chez mon Grand Oncle ; que j’apprécie encore chez sa femme Nouara qui est encore parmi nous.

Cette identité, c’est-à-dire, ces ressemblances,  me paraissaient suffisantes pour me sentir chez moi, dans mon pays, parmi mon peuple, là où je me suis rendu. N’en déplaise à celles et ceux qui veulent croire que leur manière d’être Algériens est à part, qu’ils ne sont pas identique au fond qui a fait varier  toutes nos formes  si subtiles d’être Algériens. J’assume ce postulat sans prétendre détenir la vérité.  Il me procure juste beaucoup de sérénités et même de plaisirs quand je  m’immerge dans chacune de ces  Algérie dans l’Algérie entière. Je n’ai  pas eu la chance de rencontrer ni de vivre le quotidien de ces Algériens dont je sentais l’écho  raisonner en harmoniques dans bien des paroles, tant de gestes que je les ai vu accomplir devant moi ; en toute simplicité, juste par la force d’être soi-même. C’est donc ce qui m’aura toujours poussé à chercher des principes  fondamentaux  dans toute cette variété qui ne doit pas nous paraitre source de divergences,  parce qu’agent de différences.

Pour ne pas se leurrer sur la nature ainsi que la condition de nos anciens, et en faire de faméliques  ruraux abandonnée par toutes les providences du Ciel,  il suffit de constater autour de soi à quel point nombre d’entre eux ont atteint un âge avancé. Mieux,  tout le monde peut constater l’état de santé de la majeur partie de ces personnes  âgées, plus particulièrement c elles et ceux qui auront toujours  vécu  en pleine nature, à l’abri des agressions écologiques de nos villes si peu modernes au fond.  Puis, comparez le nôtre, celui de nos enfants, le cancer  et nombre maladies qui  commence à faire malheureusement  des coupes de plus en plus incisives parmi nos rangs.   Avec des scores bien plus funestes qu’aucune autre invasion qu’aura  à subir à cette  grande famille de l’humanité,  notre vaste oasis commune,  que devrait être l’Algérie  pour tous les Algériens.

Alors peut-être nous comprendrons le fond de  cette sobriété, qui n’est pas exempte de gourmandise, encore moins de générosité.  Personnellement  je me souviens de la silhouette fort sèche mais très athlétique de mon grand oncle, alors âgé de soixante-treize ans, que j’avais  même vu assommer un solide gaillard de la trentaine ;  en une fraction de seconde. A la manière de ces maîtres ninjas qui me fascinaient tant dans les films d’actions dont bien des enfants sont malheureusement aussi friands qu’on peut  finir, adulte, accro aux sucreries ou bien au tabac.

Chaïb El Haidi, de ce que je me souvienne, n’avait pas du tout cette même fascination pour la nourriture à laquelle j’ai été éduqué en France. Il mangeait pour vivre, et cela en fonction des saisons qui s’opéraient autour de lui comme le décor d’un spectacle permanent  peut cependant changer d’une saison à l’autre.  En fonction des chapitres d’une œuvre de Sisyphe qui n’est en rien ici une malédiction, mais bien un des cycles les plus sain par lequel la Vie s’exprime, évolue, donne et reprend toujours à l’un ce qu’elle offrira à l’autre. Mais, Nouara, qui étaient bien plus gourmande, me racontait souvent les saveurs des plats d’antan ; toute la bonne santé que recélait le régime alimentaire qu’elle aura longtemps  pu suivre ; quand sa ferme était prospère et que son douar croyait encore aux vertus de la vie en pleine nature....

 

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