21 Octobre 2016
A Ghardaia, l'enceinte des Ksour est interdit aux voitures, tandis que la récolte des déchets se fait encore à dos d'âne...
Depuis plusieurs articles déjà, je me suis permis de vous évoquer quelques bribes d’un passé qui pourrait paraitre si lointain à bien d’entre nous .Mais néanmoins et seulement quand on le regarde avec les yeux de la vitesse à tous prix, du temps qui ne produit que de la vieillesse stérile et non de la maturité En ce qui me concerne, il restera toujours aussi si jeune et fertile dans mon cœur et je sais qu’il occupe une telle place dans celui de tant d’autres parmi mon peuple. Mais ce n’est pas vraiment du passé dont j’aimerais parler en évoquant tous ces souvenirs ; surtout qu’une certaine manière d’exister, à laquelle j’aurais été initié par un vieux berger algérien, est le plus sûr, mais aussi le plus riche terreau de mon ancrage dans une matrice écologique universelle. Je considère cette Maâna de plus en plus telle la nature physique et spirituelle de mon origine, autant que la source de ce que j’appellerai aussi une potentielle écologie algérienne.
Une nature humaine qui devrait toujours nous habiter, mais également par laquelle notre peuple, dans sa diversité, semble avoir si longtemps habité cette terre millénaire, devenue à présent jeune nation moderne. Avec des identités communes, malgré toute la variété des peuples d’Algérie, ils restent à mes yeux réunis autour de certains principes fondateurs qui semblent de en plus ignorés par la société algérienne. Ce n’est donc pas seulement la biodiversité algérienne qui souffre de ce qui tend à la faire disparaitre parmi nous ; aux alentours les plus étendus de notre entourage in humanisé à l’outrance. Il s’agit bien des conséquences environnementales, certes, mais aussi économiques et sociales d’une telle tendance à la dénaturation des plus perverse de ce que l’Algérie devrait être vraiment pour se ressembler.
Mes évocations de mon intimité passée et présente avec cette nature, ne sont donc en rien hors sujet du thème principal de ce long dossier, que j’aimerai consacrer encore longtemps à l’écologie algérienne. Non pas celle qui singe d’un côté de façade, la prise de conscience écologique universelle, et, dans d’autres endroits de notre pays, laisse par exemple à chacun de ses passages le macaque de barbarie dans un si piteux état d’être ! Pire, la santé de ce dernier ne jure en rien avec la condition sanitaire du même Algérien lambda qui l’aura empoisonné à petit feu, sans vraiment le savoir. Rien qu’en partageant avec lui les reste de ses repas inondés de sucre tant que de matières grasses ; en lui imposant de respirer le même air qu’il aura rendu toxique pour sa propre existence.
Mais aussi en lui apprenant la facilité de zoner dans le périmètre mortifère des cités dortoirs où, lui-même, encore une fois, s’est laissé parquer sous l’effet d’un rêve collectif de grandeur matérielle. Tel un prisonnier des temps modernistes, et non modernes, à qui l’on aura su faire croire que vivre dans une cage à poule ne signifie en rien finir comme ces volailles bombardées de chimies pestilentielles dont nous semblons tant nous régaler dans ce pays. Contre une somme d’ailleurs de moins en moins modique et un coût sanitaire, environnemental, sans cesse plus dommageable ; tant pour la santé que les finances publiques, encore plus pour l’environnement naturel de notre pays.
Cette « antinature » algérienne » -là, je veux dire cette perversion moderniste de notre humanité ethnique, elle n’est à vrai dire pas une pathologie propre au peuple Algérien. Il suffit de s’immerger longtemps dans la société algérienne contemporaine, puis de s’appliquer à se sevrer de la bulle d’absurdités légales où elle s’est abîmée encore plus, pour en avoir l’intuition. Depuis que sa véritable indépendance lui aura été confisquée par la logique d’une prédation politique de moins en moins patriote et de plus en plus mondialiste, là où elle aurait pu aborder la mondialisation avec un regard plus endémique. On pourra alors comprendre, il me semble, à quel point cet Algérien « moderne » prétendu si cancre à son développement national, n’est que le bon élève d’un système qui dépasse de très loin les frontières visibles, mais aussi invisibles de sa cellule nationale à peine dorée. Un citoyen du monde de classe moyenne, c’est-à-dire dont la classe supérieure n’attend que la servitude consumériste.
Toutes les lignes rouges barrent la route du même Rubicon...une authentique écologie algérienne. Non pas seulement un développement durable, que l’on arborerait sur la place publique à la manière de ces horloges qu’on y expose, sans qu’elle ne nous donne l’heure juste. Que l’on ne daignera jamais remonter, entretenir, ni même chercher à fabriquer, comme si elles n’étaient que des signes ostentatoires de modernité exotique et non la conséquence d’une modernité locale inscrite dans un Progrès mondial. Céder le meilleur de soi pour le pire des autres, au nom de la modernité des quantités, des sommes, des calculs, de la performance qui doit perforer tous les murs qui nous protégeaient de nos médiocrités morales, collectives, ou intimes...
Il serait de ce fait fort dommageable, il me semble, du moins pour tout esprit aspirant à la vraie modernité algérienne, de continuer à entretenir ces légendes urbaines qui feraient de notre société un cas vraiment à part dans le monde. Ce qui rend la société algérienne si peu conviviale et durable dans ses choix d’exister à travers ce Siècle, se retrouve au fond dans quasiment tous les comportements industriels qu’aura couvés en nous le Libéralisme le plus sauvage, mais pas le plus naturellement sympathique avec la nature authentique des choses. C’est juste que, comme on ne le dira jamais assez, « la dose fait le poison » et, en ce qui concerne notre société, on peut dire qu’elle savoure le calice au-delà de la lie qu’elle prend pour un nectar de modernité.
Un tel monde, lequel l’Algérie d’aujourd’hui perçoit comme un espace de survie confortable, se régale de nos illusions d’optiques et d’options ; de ce que nous nous auto censurons à l’aveuglement des lumières artificielles ; comme si leurs faisceaux borgnes, crevant l’obscurité d’une nuit encore plus sombre, étaient les seuls phares nous guidant vers les ports d’une terre primordiale. Un Paradis aux plaisirs perdus, oubliés du palais des êtres humains ; depuis, nous dit-on, que l’Homme, sujet de l’Eden, aura choisi d’être petit homme sur Terre, en rompant les lois de la nature instiguées par le Ciel. Cette modernité-là, ou plus précisément cette propagande scientiste aspire à réparer cette malédiction par la seule force de la volonté humaine s’imposant à l’ensemble de la Vie sur Terre.
Combien ne pensent plus qu’à accumuler les choses autour d’eux, sans avoir jamais saisie une seule parcelle des idées qu’elles entretiennent autour d’eux ? Comme un environnement parasite, une logique qui pourrait s’appliquer à faire passer bien plus qu’un chameau dans le chat d’une aiguille ! Pour peu qu’il il y ait un intérêt capitaliste à relever un tel défi absurde. Dans ce monde, seule la moralité dicte ses principes. La morale, elle, est même considérée comme une faiblesse, une naïveté qui pourrait vous coûter plus cher que de laisser libre cours à toutes les méchancetés possibles à une nature humaine dégradée par la cupidité érigée au rang de logique sociale, et donc politique, et donc économique, et donc géopolitique . Faire le malheur des uns ne devient plus seulement une nécessité de survie, mais un art de développement humain, purement et viscéralement individualiste.
Dans cette réalité contemporaine globale, dont l’égosystème algérien n’est à mon sens qu’un des nombreux parfait laboratoire à travers le Monde, tout ce que vous pourrez vous remémorer d’une certaine Algérie, devrait nous inspirer à réinventer ensemble celle de demain. Je ne pourrais jamais prétendre en détenir les moindres clefs. Je ne pourrais jamais non plus me sentir gardien d’un tel héritage, dans lequel je n’ai baigné que par épisodes ; quand le jus où aura bouillonnée mon identité n’a pas seulement le parfum des épices locales. Ce bouillon de culture regorge bien de plus de citadinité industrielle que celui qui aura couvé la plupart des Algériens et Algériennes de ma génération, nés et vivants depuis toujours en Algérie. Je ne suis surtout pas ce que je considère comme les adeptes d’un salafisme vert. Je n’ai à vrai dire aucune leçon à donner à qui ce soit en matière d’écocitoyenneté. Comme vous et moi, et tant d’autres urbains à travers la planète, j’apprends à changer de paradigme au quotidien. Avec mes progrès, mais aussi mes échecs ; qui ne doivent cependant rester que des défis à relever.
Je ne peux que partager à vous vous racontant quelques manières d’un simple berger algérien qui n’était cependant en rien n’importe qui. Il fut des derniers Mohicans d’une nature algérienne qui avait déjà subie mille et tant d’autres agressions environnementales. La colonisation, toutes les autres invasions passées, tout cela et la suite, avait déjà eu raison de bien des coutumes ancestrales. Ce ne fut d’ailleurs pas toujours pour le pire, mais rarement le fruit direct d’une volonté consciente d’être le partenaire privilégié du développement d’un peuple, sans lui imposer la médiocrité comme une norme de survie ; un peu comme la « double pensée », dans le célèbre roman de George Orwell est un logiciel obligatoire pour ne pas finir écraser par les gardiens de la morale carcérale de « Big Brother ».
Premièrement, il me parait fondamentale de démarquer le monde de mon héros de celui qui m’aura éduqué à lui ressembler, corps et âme, je pense que c’est bien la notion d’utilité. Oui, l’Algérie de nos jours, nous l’avons laissé ou dû laissé s’engouffrer, dans un utilitarisme acharné ; juste qu’au bout de ses ongles, longs et acérés, comme des dents de vampire. Cette utilité se compte en argent sonnante, et non plus en rayonnement de l’âme ou de l’esprit. Ce monde brûle de tous ses feux d’innovations, brille d’une lumière que l’on prétend universelle, un droit d’espèce et non de classe. Mais, combien sommes-nous à ne discerner que si peu de clairvoyance, de justice, de sagesse, dans toutes les manières qui l’activent autour de nous ; tel un milieu de vie où le mirage devient une vérité presque tangible.
Non que l’argent soit une chose à bannir de notre Monde, cela serait encore plus démagogique de prétendre que nous sommes capables de faire machine arrière dans notre façon de concevoir les échanges humains. Mon héros, d’ailleurs, était très habile à en gagner. Mais dès lors qu’il ne fit plus de cette monnaie d’échange non plus un moyen de développement collectif , mais un finalité de croissance pécuniaire continue , alors, il s’est lui-même perdu, et son douar aura fini dans la plus sinistre des désolations. Quand l’utilité de la vie de El Haidi ne fut plus de rendre soutenable et convivial son économie familiale. Quand il ne jugea pas utile d’éduquer ses enfants aux réalités du monde qui annonçait le crépuscule du sien, alors ses enfants s’égarèrent. Quand il ne sut pas arrêter la croissance de son bétail, elle signa l’arrêt de mort écologique de son activité. Elle permit au sable d’un désert naissant tout le loisir de s’installer jusque dans les narines de ses troupeaux, au point de les asphyxier à petit feu.
Certes, mon héros était un vrai héros, c’est-à-dire un homme aussi faillible que courageux dans ses choix. Mais, si un jour vous lui aurait demandé pourquoi il n’a jamais vendu ses surplus de lait, le de beurre, de miel, des fruits de ses vergers, ni qu’il ne refusa jamais de nourrir n’importe quel étranger affamée passant par ses terres ; même celui qui lui paraissait le moins sympathique. Si vous lui aviez demandé pourquoi il laissait toujours une part de ses récoltes aux animaux sauvages avec qui il partageait les lieux qu’il avait investis pour ses activités agricoles, quand il laissait toujours les bêtes condamnées, non pour seulement ses chiens, mais aussi pour tous les autres carnassiers aux alentours.
Hé bien à toutes ces questions il vous aurait répondu avec le sourire d’un vieillard aguerri compatissant avec autant d’innocence de votre part...Il vous aurait sûrement rétorqué par un de ces proverbes dont il était aussi friand que savant pour vous dire en substance que tout cela n’est pas seulement utile à ses activités, bien que c’est en respectant ce code moral et écologique qu’il aura prospéré. « Tout acte de générosité est aussi un investissement sur l’avenir, la misère est telle le désert aride qui vient s’installer là où il n’est pas naturel de le trouver. Plus tu la laisses avancer autour de toi, et plus elle aura de chance de s’inviter jusque dans ton foyer... Quant aux animaux sauvages, la faune, la flore, si tu ne sais pas perdre au présent pour les respecter; alors toute cette manne disparaitra autour de toi et cela bien plus vite que tu ne le penses!»
Aussi, l’utilité primordiale de mon grand oncle était celle du long terme, de la collaboration et non du court terme, de la victoire d’individualité sur le groupe. L’utilité de respecter son prochain, de ne pas prendre plus que son dû et surtout pas celui d’autrui, de ne pas considérer la consommation comme une libération, mais bien telle un moyen d’asservir des humains rendus incapables de se suffire à eux-mêmes. Une utilité dont la norme de plaisirs et de souffrance était forcément corollaire au bien-être de la nature sauvage environnante, comme de ses animaux domestiqués. Pour lui, un objet n’était utile que si l’on gardait à l’esprit toujours un moyen naturel de s’en passer. Avant d’acheter quoi que soit, il réfléchissait à deux fois s’il n’était pas capable de le produire par lui-même ou bien de substituer son usage par le recyclage ou bien la transformation d’un objet, d’un élément de son environnement...