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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Burkina Faso: Usage incontrôlé des pesticides et impact sur l’environnement et la santé des populations

Burkina Faso: Usage incontrôlé des pesticides et impact sur l’environnement et la santé des populations

 

• dimanche 15 janvier 2017 à 09h00min|Docteur Hubert Bationo|Lefaso.net

Il y a quelques années, les pesticides étaient surtout utilisés par les producteurs de coton. Cet usage qui était encadré par la Société des fibres et textile (Sofitex) tend de plus en plus à se vulgariser au Burkina Faso et échappe au contrôle des premiers acteurs ainsi que des structures spécialisées. Qu’est-ce qui explique cet état de fait ? Quelle est l’ampleur du phénomène ? Quelles peuvent être les solutions pour l’éradiquer ?

 

1. Généralités sur l’agriculture au Burkina Faso

Pays sahélien, avec une saison pluvieuse de courte durée, le Burkina Faso est un pays essentiellement agricole. Sa population est jeune, à majorité rurale, et vit des productions agricoles. Le secteur agricole occupe une place très importante dans l’économie du Burkina Faso et constitue la principale source de subsistance et de revenu pour environ 85% à 95% de la population. Les superficies cultivées sont estimées à environ 3.6 millions et concernent essentiellement les spéculations telles que les céréales qui occupent environ 82% des espaces cultivés, ensuite viennent les cultures commerciales telles que l’arachide et le coton qui occupent environ 15%. Les produits de la maraicher-culture occupent moins de 1% des espaces exploités (INSD, 2010).

L’agriculture joue un rôle important dans les recettes des produits d’exportation. En effet, la filière cotonnière seule, à l’instar de celle d’autres pays de la sous région (Bénin, Mali et Tchad), procure près de 70% des recettes d’exportation du pays (Gomgnibou et al., 2009). Cependant, il faut noter que la production agricole au Burkina Faso est confrontée à un certain nombre de difficultés qui sont non seulement liées aux moyens de production qui sont généralement rudimentaires, mais aussi à une réduction du rendement de production due à l’appauvrissement des sols, et à l’action de certains vecteurs nuisibles (microorganismes, insectes, rongeurs et plantes). Ces difficultés ci-dessous citées sont exacerbées par des conditions climatiques précaires (forte pluviométrie ou poche de sécheresse). Pour atténuer les difficultés rencontrées par le secteur agricole, le gouvernement du Burkina Faso avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers (PTF) a mis en œuvre plusieurs programmes et politiques parmi lesquels, la lutte anti vectorielle et l’usage des pesticides y occupe une place importante (Rapport PAPSA, 2014).

1. De l’utilisation des pesticides et des problèmes subséquents

L’usage des pesticides (herbicide et insecticides) initialement beaucoup plus réservé à certaines spéculations tel que le coton, a pris une certaine ampleur ces dernières années. On remarque qu’ils sont de plus en plus utilisés par les paysans dans leur système de production. L’usage systématique des herbicides est devenu un phénomène de mode chez certains paysans, et cela dans un souci de gain du temps de travail, et bien entendu d’argent. Il est vrai que pour plus de productivité, l’agriculture a besoin de se doter d’un certain nombre de moyens dont la lutte anti-vectorielle. Il est aussi vrai que les pesticides sont utiles dans une certaine mesure dans le contrôle des moustiques vecteurs de maladies telles que le paludisme, la dengue, etc… Cependant, leurs usages incontrôlés posent problème à différents niveaux :
  L’engouement des producteurs pour les pesticides entraine l’inondation du marché de toute sorte de produits dangereux pour la santé humaine et animal. Car dit-on « on achète et revend ce qui marche »
  La qualité douteuse des produits commercialisés, car un bon nombre de distributeurs n’est pas agréé par la règlementation en vigueur en matière d’importation et de distribution de pesticides au Burkina Faso. A cela s’ajoute la qualité des étiquettes qui sont parfois absentes, ou lorsqu’elles existent sont illisibles du fait de la manipulation ou de l’exposition dans les conditions inappropriées (Tankoano, 2008) ;
  La mauvaise gestion des stocks de pesticides, et des déchets issus de l’usage des pesticides (contenant de pesticide, pesticide périmés, boue etc…) par les utilisateurs qui sont pour la plupart des analphabètes et ne disposant pas de logistique nécessaire à cette gestion. Au Burkina Faso, seule la société africaine de produits phytosanitaire (SAPHYTO) dispose d’un système logistique de recyclage des pesticides obsolètes et de gestion de certains déchets de pesticide (Ouédraogo M., et al., 2011) ;
  La pollution de l’environnement entrainant la contamination des eaux de surface et des eaux souterraines (avec comme conséquence la diminution des ressources en eau exploitables pour l’alimentation en eau potable), la contamination des produits alimentaires issus des espaces traités ou des espaces environnants, la contamination de certaines herbacées ou de parties de plantes (écorce, feuilles, racines) utilisées par la médecine et la pharmacopée traditionnelle ;
  La disparition progressive de certaines espèces d’herbes utiles dans l’alimentation des animaux, dans l’artisanat (fabrication de panier, fabrication d’enclos etc.). A cela, il faut ajouter la disparition de certaines espèces animales tells que les crapauds, les grenouilles, les poissons comme ce fut le cas de l’intoxication des silures du marigot Houet en 2001 par des pesticides tels que le lindane et le thiram (Tarnagda et al., 2002) ;

  La diminution de la qualité des sols, ainsi qu’un appauvrissement de la biodiversité (Sala O. E., et al., 2009). Car l’action des pesticides, en plus d’avoir un effet direct sur la biodiversité au champ, peut également à travers un transport par l’air ou l’eau, avoir un effet nuisible sur différents écosystèmes situés à des distances importantes du site originel.
  La contamination par les pesticides de certains produits tels que le miel. En effet, des études réalisées en 2011 et en 2013, sur les abeilles et le miel dans les pays de Loire près de Nante, ont révélé la présence de 37 pesticides, et surtout d’acaricides comme l’amitraze (68% des miels avec des doses parfois énormes, jusqu’à 116ng/g), le carbendazime pesticide interdit dans l’UE depuis 2009 (64% des miels avec des doses allant jusqu’à 88ng/g) (West L., et al., 2011 ; Lambert O., et al. 2013) ;
  La diminution de la population de certains insectes tels que les abeilles, entrainant ainsi un impact sur la production du miel, et la production végétale. En fait, la FAO reconnaît que les pollinisateurs interviennent dans plus de 35% de la production végétale mondiale. On note que pour le Québec dont les recettes monétaires des cultures atteignaient 2,4 milliards de dollars en 2011, la pollinisation des fruits, légumes et autres plantes représente une somme considérable. 
  Les cas d’intoxication aigüe qui peuvent subvenir suite à l’usage des pesticides. En effet, les cas d’intoxication aigüe par les pesticides constituent un problème de santé publique au plan mondial, on enregistre plus de 300000 décès par an, liés à l’intensification de l’usage des pesticides par l’agriculture (Gunnell et Eddleton, 2003). Au Burkina Faso, des cas d’intoxication aigüe, due à l’usage des pesticides ont été estimés à plus de 29% dans les deux grands centres hospitaliers universitaires, entre les années 2006 et 2007 (Ouedraogo M., et al., 2011). Des cas d’intoxication d’animaux suite à leur passage sur des champs traités par des herbicides ont été constatés dans la zone du sud-ouest du Burkina Faso. 


  Les cas d’intoxication chronique peuvent également être constatés suite à l’exposition aux pesticides sur le long terme. Une intoxication chronique par les pesticides pourrait entrainer des maladies telles que le cancer, les neuropathies et les troubles de la reproduction.
  On note également que les coûts résultant des intoxications aux pesticides dépassent maintenant la somme totale annuelle de l’aide au développement accordée à la région de l’Afrique sub-saharienne en matière de soin de santé de base, à l’exclusion de l’aide publique pour le VIH/SIDA. On estime que le coût total des maladies et des blessures liées aux pesticides pourrait atteindre 90 milliards de dollars (USD) d’ici 2020 (PNUE, 2012). Au Burkina Faso, on estime à environ 4,2 milliards de Franc CFA de perte pour l’économie et la population, liée à la mauvaise gestion des produits chimiques, surtout dans le secteur agricole (Lankoande D., et Marandan D., 2013).

2. Les mesures à prendre pour contrecarrer le phénomène

Face aux risques liés à l’usage intensif des pesticides (herbicides et insecticides), la prise d’un certain nombre de mesures s’impose, il s’agira entre autre de :
- renforcer les capacités de l’agence en charge des pesticides (la Direction de la protection des végétaux et du conditionnement-DGPVC)
  mener une campagne de sensibilisation sur les risques liés à l’usage systématique des pesticides (risques de santé, perturbation de la biodiversité etc.) ;
  encadrer leur usage, dans le respect des bonnes pratiques agricoles et le respect du code de l’environnement ;
  renforcer les capacités des acteurs, notamment la formation sur l’utilisation des pesticides et les méthodes alternatives (préparation et usage de biopesticides, méthodes mécaniques d’élimination des herbes etc…) pour les services de protection des végétaux, les agriculteurs, les revendeurs ;
  effectuer des contrôles sur l’origine et la qualité des produits importés et disponibles sur le marché ;
  encourager la recherche sur les bio-pesticides, et promouvoir l’usage de ceux qui sont déjà connus.

Pour le centre pour la gouvernance de l’eau et de l’environnement (CG2E),
Docteur Hubert Bationo
Biochimiste (Université de Ouagadougou)

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