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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Kamel Louafi, architecte-paysagiste : « Le projet des Jardins des Zibans est un véritable chantier-école »

Kamel Louafi souhaite mettre ses connaissances et à la portée des architectes algériens.

Kamel Louafi souhaite mettre ses connaissances et à la portée des architectes algériens.

Installé à Berlin depuis 1980, Kamel Louafi est à la tête d’un bureau d’architecture et de paysagisme. Après avoir signé de nombreux jardins en Europe et au Moyen-Orient, il s’attelle depuis 2012 à réaliser le complexe touristique et culturel Les Jardins des Zibans, dans la wilaya de Biskra.

 

 

Entretien réalisé par Tarek Hafid

Vous êtes le concepteur du projet touristique Les Jardins des Zibans dans la région de Biskra. Comment avez-vous réfléchi à ce concept ?

Il faut avant tout préciser que l’initiateur de ce projet est M. Ali Serraoui. L’idée a germé lorsqu’il a acquis une exploitation agricole près de Biskra. Une étude d’impact sur l’environnement a été réalisée pour savoir ce qu’il était possible de faire. En fait, pour M. Serraoui, il était important d’utiliser de façon rationnelle l’eau salée qui caractérise cette partie de la région de Biskra.

Cette étude d’impact a permis de définir les lignes directrices qui ont pour élaborer le projet des Jardins des Zibans et en premier lieu l’aquaparc.

Sur le plan architectural, le choix s’est porté sur le style saharien. En plus des qualités esthétiques, cette architecture s’adapte aux conditions climatiques. L’emplacement, les ouvertures et l’orientation du bâtiment de l’aquaparc ont été étudiés par des physiciens en Allemagne. Nous sommes dans l’esprit de Pouillon avec son architecture pure et simple.

Les Jardins des Zibans ont été conçus de façon à offrir des structures de loisirs, de culture et de bien-être aux visiteurs. Ainsi, l’aquaparc comprend plusieurs éléments culturels dont des jardins à thèmes : japonais, maya, chinois, oriental avec une multitude de plantes que les gens vont apprendre à connaître.

Quelles sont les problématiques auxquelles vous avez été confrontées durant la réalisation de l’aquaparc?

L’essentiel des problèmes était d’ordre bureaucratique, causés par l’ancien wali. Sinon sur le plan technique, les équipes de mon bureau d’étude et nos partenaires en Algérie, notamment M. Smaïl Belgacem du bureau d’études SEETA ainsi que l’équipe du bureau CBK, ont tous compris l’importance d’adapter les infrastructures aux conditions environnementales et climatiques. Dès le départ, nous savions ce que nous pouvions faire ainsi que les limites techniques. Nous savions également quels types de matériaux étaient disponibles sur place.

Tous les matériaux sont disponibles ?

Oui bien sûr, à l’exception de certains équipements comme les toboggans par exemple. La quasi-totalité des matériaux ont été acquis en Algérie.

Qu’en est-il des plantes et des essences forestières ?

Nous devons rendre hommage au directeur du célèbre Jardin Landon de Biskra qui a mis à notre disposition une liste de plantes qui sont acclimatées à la région. Ce document a été pour nous une référence.

Les plantes sont livrées par une douzaine de pépinières. Nous avons eu accès à un large choix. Ces plantes sont actuellement en cours de plantation aux Jardins des Zibans.

En matière de compétence des professionnels, quelle est la différence entre la réalisation d’un projet à Biskra et ceux que vous réalisez à Berlin, Dubaï ou Hanovre ?

Pour ce qui est des concepteurs et des architectes, je dois dire que les professionnels algériens sont d’un excellent niveau. Ils peuvent aisément se lancer dans des projets à l’international. En Europe, les professionnels ont plus de facilité à trouver des informations techniques sur les matériaux et leur utilisation. En Algérie, l’information est difficile à obtenir et souvent elle n’est pas disponible en langue française.

Pour ce qui est de la réalisation, en Allemagne, vous avez affaire à des entreprises spécialisées. Ce n’est pas le cas en Algérie. Les entreprises algériennes sont souvent dirigées par des spécialistes qui sont à la merci d’une main-d’œuvre qui est peu ou mal formée.

 

 

Avez-vous d’autres projets en Algérie ?

(Rires) C’est toute une histoire ! Mon bureau d’études a été contacté l’année dernière pour la rénovation du jardin du musée des antiquités d’Alger. Cette action entre dans le cadre d’un programme conjoint entre le ministère de la Culture et l’Union Européenne, dénommé « Patrimoine ». Nous avons donc créé un consortium avec des muséologues, des ingénieurs ainsi qu’un jeune paysagiste algérien, Farid Hireche. Nous avons donc présenté notre dossier.

Je dois dire que notre atout réside dans notre capacité à réaliser des projets dans le domaine du patrimoine. Nous avons une solide expérience en la matière. Notre soumission a été présentée dans les délais en décembre. Mais ce n’est pas le cas d’une entreprise italienne qui a déposé sa soumission 5 minutes après la fin du temps réglementaire.

Voilà presque 5 mois que nous attendons une réponse. Nous ne voyons rien venir. Mais depuis quelques semaines, une rumeur circule sur un dossier infructueux. Nous ne savons pas si c’est le nôtre ou celui de l’entreprise italienne. Nous avons saisi par écrit les responsables du ministère de la Culture à 10 reprises. Ils ne nous ont pas répondus.

Nous avons ensuite contacté les responsables de l’Union Européenne en charge de ce programme. Nous attendons des éclaircissements. Je pense que l’argent consacré à ce projet disparaitra s’il n’est pas mené à terme. Les autorités ne cessent de demander aux Algériens installés à l’étranger de s’engager pour leur pays. Finalement, ce sont souvent des paroles qui ne se concrétisent pas.

Avez-vous l’intention de faire profiter de votre savoir-faire les nouvelles générations d’architectes-paysagistes algériens ? Pourquoi ne pas créer une école en Algérie ?

Mon bureau d’études a réalisé un ouvrage sur les concepts des espaces verts. C’est un livre intitulé Landscape Interventions. Il a été traduit en plusieurs langues, dont l’arabe et le français. Les bibliothèques universitaires des Etats-Unis en ont commandé 890 exemplaires.

En 2011, j’ai décidé de le mettre gratuitement à la disposition des étudiants algériens, car j’estimais que le prix de 40 euros était trop cher pour nos futurs architectes. J’ai eu l’occasion de rencontrer Mme Khalida Toumi qui était ministre de la Culture. Elle m’a orientée vers un certain Mustapha Orif de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC).

J’ai offert les droits d’auteur de ce livre pour un dinar symbolique. J’ai ainsi remis les CD pour imprimer ce livre à M. Orif, mais le patron de l’AARC s’en foutait éperdument. Bien sûr, ce serait formidable de transmettre mon savoir dans une école, malheureusement il n’y a aucune volonté de la part des officiels. Je préfère agir dans le cadre des Jardins de Biskra, ce projet a été une école pour de nombreux jeunes algériens. C’est un véritable chantier école.

Avez-vous des réalisations de nouveaux jardins à l’étranger ?

Oui, nous venons de remporter le projet du jardin Royal de Hanovre sur une superficie de 100 000 mètres carrés. Nous avons également décroché un concours pour la rénovation des jardins de l’école vétérinaire de Berlin.

Vous vivez depuis de nombreuses années en Allemagne. Ces derniers mois, avez-vous ressenti un changement de la société allemande envers la communauté maghrébine en général et algérienne en particulier ?

Je vais dire que le changement concerne tous les étrangers depuis la crise des migrants. La société allemande a réagi car c’est son mode de vie qui a été touché lors des événements de Cologne. Sinon sur le plan professionnel, je dois dire que rien n’a changé pour moi. Nos soumissions sont anonymes, donc lors de la phase de sélection personne ne sait si je suis algérien, allemand ou d’une toute autre nationalité. Et lorsque l’on gagne un concours, il est impossible de l’annuler. Mais il est important de dire que la société allemande est très juste, les criminels sont punis non pas à cause de leurs origines, mais parce qu’ils ont commis des crimes. C’est un système qui accorde de l’importance au caractère individuel de la personne et à ses compétences.

T.H.

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