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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Cultiver sans labourer ? " par Gilles Thevenet, Directeur Scientifique de l’ITCF

Accueil INRA 

 

Les raisons qui peuvent inciter à adopter les techniques culturales sans labour sont diverses : aspects économiques, organisation du travail, raisons agronomiques, environnementales… Des progrès significatifs ont été faits pour apprécier leur intérêt, qui dépend fortement des situations rencontrées et des problèmes à résoudre dans l’exploitation.

 

Le dernier colloque sur la simplification du travail du sol, co-organisé par INRA, le Cemagref et l’ITCF date de 1991. C’est donc dix ans après que nous vous proposons de faire un état des lieux des avancées techniques sur ce sujet.

Depuis cette époque, le contexte a évolué sur plusieurs plans et tout d’abord celui des motivations qui poussent certains agriculteurs à changer leurs techniques de travail du sol.

 

Des raisons diverses

Aspect économique et organisation du travail

L’intérêt des agriculteurs pour les techniques simplifiées s’est amplifié avec la pression des contraintes économiques. La recherche de techniques de production moins coûteuses et souvent plus rapides est sans doute l’un des arguments les plus forts dans l’adoption des techniques sans labour (TSL). Il ne faut cependant pas s’y tromper ; si l’aptitude des TSL à baisser les coûts de production est unanimement reconnue, le résultat final dépend de la façon dont elles sont mises en œuvre sur l’exploitation. Pour valoriser pleinement les TSL il est souvent nécessaire de repenser le système d’exploitation dans son ensemble : l’organisation du travail, les techniques culturales, les chantiers, l’équipement… On comprend alors aisément le besoin d’information que génère l’adoption des TSL au niveau d’une exploitation.

Raisons agronomiques

Il ne faut pas oublier que d’autres motivations peuvent être à l’origine de cette évolution des techniques et en particulier des raisons agronomiques comme :

- la difficulté de maintenir le labour dans certains milieux (sols usants, terres caillouteuses…) ;

- le souhait de maintenir un niveau de matières organiques élevé à la surface du sol dans les terres à structure fragile ou sensibles à la battance.

Raisons environnementales

Plus récemment sont apparues en France des motivations plus environnementales comme le souci de limiter les phénomènes d’érosion hydrique. Notons que dans certains pays, la lutte contre les risques d’érosion hydrique ou éolienne est une des principales raisons de l’application du semis direct. À ce sujet, les récents événements qui ont ponctué l’actualité dans le domaine des catastrophes naturelles (inondations en Bretagne, coulées de boue en Normandie…) posent de façon récurrente la question de l’impact des techniques culturales - et plus largement de l’agriculture - sur la circulation de l’eau.

L’impact sur le stockage de carbone dans le sol peut aussi être signalé. À titre d’information, sur l’essai de travail du sol longue durée, en place depuis 30 ans sur la station ITCF de Boigneville, l’augmentation de carbone stocké après 28 ans sans labour est de 5 t/ha. Cette augmentation est obtenue durant les 20 premières années, le stock étant ensuite stable (45 à 46 t/ha dans notre cas), et correspond donc en moyenne à + 250 kg/ha/an de carbone stocké (soit environ 1 t de CO2/ha/an).

L’interaction entre les modalités de travail du sol et le comportement des produits phytosanitaires (efficacité, devenir des résidus liés, lessivage...) reste encore un domaine à approfondir, avant de conclure sur l’intérêt des TSL face à cette question.

Autres raisons

Enfin, à tout cela, il faut ajouter les effets de mode ou d’entraînement qui sont loin d’être négligeables...

 

Une technique en (de ?) progrès

Il n’existe pas de statistiques récentes permettant d’évaluer le niveau de pénétration des TSL dans les exploitations agricoles en France. Divers éléments nous amènent à penser que le semis sans labour représente environ 30% des blés et près de 40% des colzas, mais la répartition sur le territoire est très variable : plus de 50% des blés en Midi-Pyrénées et moins de 5% en Bretagne (ces statistiques regroupent les pratiques occasionnelles et les pratiques continues du non-labour). Cela signifie que les agriculteurs ne partagent pas le même niveau d’expertise sur le sujet. Certains les pratiquent déjà depuis plusieurs années alors que d’autres les découvrent. Les plus expérimentés ont certainement un parcours riche d’expériences qui mérite d’être partagé à l’occasion d’un colloque comme celui-ci : qu’ils n’hésitent pas à s’exprimer et à faire part de leur vécu.

Depuis le début des années 1990, l’offre de matériels adaptés aux TSL a beaucoup évolué. D’abord en nombre puisque l’on compte aujourd’hui plus d’une vingtaine de semoirs adaptés au semis direct (le SIMA est l’occasion de les découvrir !) alors que le choix était limité à quelques exemplaires au début de cette période. Ensuite, la diversité des technologies utilisées est aujourd’hui un facteur de développement de ces techniques (semis direct à disques, à socs, semis dans le flux de terre, semis sous mulch…). Cette évolution technologique offre de nouvelles perspectives mais pose également de nouvelles questions : quel est le type de matériel le plus approprié à ma situation ?

Les connaissances agronomiques sur les modalités de mise en œuvre des TSL ont aussi, et fort heureusement, évolué. On est encore loin de tout savoir, mais il est vrai que l’on sait mieux gérer aujourd’hui certaines spécificités liées aux TSL. On a appris, souvent à nos dépens, que la suppression du labour avait des répercussions sur la flore, le comportement des herbicides, la faune, les pathogènes… On sait mieux appréhender aujourd’hui la gestion des résidus de cultures et le désherbage d’interculture. Tous ces progrès dans le domaine agronomique nous permettent d’anticiper les évolutions du système de culture et d’éviter les erreurs (parfois fatales) que nous pouvions faire dans le passé. Aujourd’hui la question n’est plus "pour ou contre les TSL ?" car nous en connaissons les avantages et les inconvénients, mais "comment placer les TSL dans les meilleure conditions de réussite ?"

 

Il ne faut pas confondre "techniques simplifiées" et "techniques simples"

Tous ceux qui ont franchi le cap du non-labour sont assez d’accord pour dire que la mise en œuvre des techniques sans labour est d’abord une épreuve personnelle. Il faut en effet perdre ses habitudes, se remettre en cause, réapprendre à cultiver avec d’autres points de repère, se forger une nouvelle expérience sous le regard parfois amusé de quelque voisin irréductible laboureur. Par-delà les difficultés liées à un profond changement de raisonnement agronomique, c’est aussi une formidable occasion de progresser sur le plan technique.

L’INRA et l’ITCF présentent en collaboration les dernières avancées en matière de simplification du travail du sol. Ces avancées s’appuient sur des expérimentations et des travaux rigoureux, mis en place et suivis depuis plus de 30 ans pour certains d’entre eux.

La présentation objective de ces résultats – mission première des Instituts - devrait contribuer à éclairer un débat, - parfois passionnel - visant à toujours mieux raisonner le travail du sol.

Et pour conclure : ne pas confondre moyens et objectifs

Malgré tout, ce serait une erreur de considérer la suppression du labour comme un objectif en soi. Bien des situations justifient encore l’usage de cette pratique. C’est plutôt sous l’angle d’un nouveau moyen capable d’apporter des solutions à un problème donné qu’il faut considérer les TSL. Employées à bon escient, elles peuvent ouvrir de nouvelles perspectives pertinentes pour l’agriculture du troisième millénaire, dont chacun s’accorde à dire qu’elle sera durable ou ne sera pas.

À l'instar des stars, le sol, cet épiderme de notre vieille planète Terre, mérite bien lui aussi quelques soins de beauté !

À nous de bien les choisir !

 

Gilles Thevenet, Directeur Scientifique de l’ITCF

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