Déforestation préoccupante à Guerbes (Djendel-Skikda) : Quand le crime paie…
Photo prise le 4 février 2015 dans la zone Guerbes appellée "Djebara"
Cela fait déjà cinq ans que je suis le témoin d’une honteuse réalité qui persiste dans ma région d’adoption : Guerbes-Sanhadja, une des plus belles zones naturelles de l’Est algérien, si ce n’est de toute l’Afrique méditerranéenne, est victime d’une déforestation criminelle qui met sérieusement en danger son équilibre écologique.
Pis encore, de nombreux témoignages récurrents de la part de paysans et éleveurs locaux attestent d’une plus que potentielle complicité de certains agents de la Conservation des forêts de Ben Azzouz dans cette sinistre entreprise à la fois illicite et écocidaire. Pourtant, cet appendice local de la Direction Générale des Forêts est supposé être responsable de la préservation ainsi que de la protection d’un écosystème qui abrite notamment un complexe de zones humides classé par la convention internationale de Ramsar, ainsi que la WWF…
Dois-je rappeler aux lecteurs de ce billet que cette région écologique, qui s’étend entre la daïra de Ben Azzouz et celle de Djendel, est ainsi garante à la fois de la qualité des immenses quantité d’eau que constitue la nappe phréatique de Guerbes ainsi que du maintien de la couverture végétale côtière qui doit persister afin de limiter l’érosion éolienne et saline responsable de sa progressive désertification ?
Depuis bien avant l’indépendance de notre pays, Guerbes et Sanhadja sont victimes d’atteintes très alarmantes à leurs écologies respectives et interdépendantes. Déjà, l’exploitation du liège, le commerce du charbon de bois, ainsi qu’une ponction massive de leur sable ont sérieusement dégradé la nature de ces deux régions aux paysages aussi variés que rares et fragiles. Dans les années quatre-vingt, quand elles furent reconnues comme abritant des milieux naturels de renommée et d’utilité écologique nationale et internationale, toute exploitation légale de leurs ressources naturelle furent abandonnées et déclarée illicites. Ainsi, quelques années plus tard, le complexe de zone humide de Guerbes Sanhadja fut gratifié du statut de Hot spot de la diversité mondiale et officiellement considérée comme inviolable.
Cette année la déforestation reprend de plus belle...
Cependant, rien n’y fit et, d’incendies criminels ou accidentels, d’exploitation illicite de leurs dunes qui sont pourtant, avec ses forêts et maquis un rempart naturel contre la dégradation des sols, ainsi qu'à force de surpâturage, ces deux biotopes continuèrent à subir d’incessantes pollutions et dégradations qui mirent une fois de plus à mal l’intégrité de leurs écosystèmes. Malgré tout cela, grâce à une richesse écologique incomparable, malgré la disparition de certaines espèces locales ainsi que de profonds bouleversements de leurs paysages naturels, Guerbes et Sanhadja demeurent encore à la hauteur de leurs réputations et offrent aux amoureux de la nature sauvage encore bien des plaisirs bucoliques. Depuis l’introduction de la culture de la pastèque hybride dans ces deux régions, leur santé écologique semble dorénavent irrémédiablement mise en péril.
A ce propos, Sanhadja, disposant d’un accès aux ressources hydriques plus consistant et facile, est déjà devenu un petit désert. Certes, à l’instar de la Camargue, qu’elle surclasse à bien des égards, cette petite commune de Ben Azzouz a toujours été très sablonneuse, mais jamais au point d’être progressivement absorbée par le sable de la baie de Guerbes. Un programme a bien été étudié par la DGF, en collaboration avec le PNUD, pour instaurer une gestion intégrée de la région; mais il tarde à être mis en place, malgré les centaines de milliers de dollars dépensés à cet effet.
De nombreux habitants se sont d’ailleurs organisés pour dénoncer cette alarmante dégradation et obliger les forestiers locaux à faire leur travail, et non plus de participer, moyennant corruption, à ce crime contre leur environnement naturel.
Du coup, les aficionados de la déforestation se sont rabattus sur la zone de maquis côtier de Guerbes, traditionnellement connue sous l’appellation de « Djebara » et ont repris de plus belle leur activité criminelle, autant au regard des lois de la nature, que celles de notre législation environnementale pourtant très intransigeante à ce sujet. Chaque année, des dizaines d’hectares de maquis sont détruits à grands coups d’engins de terrassements et d’incendies volontaires, afin de défricher des parcelles pour la culture de la pastèque hybride, très nocive pour la santé des sols. Ainsi, l’histoire semble se répéter. Guerbes commence à se désertifier comme Sanhadja. Les coupables restent les mêmes depuis des décennies...
Malgré mes nombreuses et récurrentes alertes dans la presse, un long rendez-vous avec un cadre supérieur de la DGF, chargé de la protection de la région, mais aussi un courrier officiel d’un pôle local d’association au précèdent wali de Skikda, rien n’y fait… Les délinquants agissent dans la plus totale impunité et ne se cachent même pas des complicités dont ils disposent de la part de certains agents des autorités locales !
Doit-on pour autant se taire et admettre une telle calamité ? Non, aussi longtemps qu’il le faudra, je me ferais le témoin accusateur de cette infamie qui ne fait ni honneur à notre politique nationale en matière d’écologie, ni ne participe vraiment à un développement durable de cette région…
La desertification de la région est déjà bien engagée...