ENVIRONNEMENT EN ALGERIE- "Les défis d'une jeune nation sur un territoire millénaire"... Par Karim Tedjani (3/4)
Vers une évolution agraire et industrielle plus écologique
Notre terre nouricière n'attend souvent de notre part que de simples gestes et surtout de beaucoup d'attentions bienveillantes. (Photo: Tedjani K.)
4:Instaurer les bases d’une agriculture et d’une industrie soutenables pour l’environnement capables de rendements autant que pourvoyeurs d’emplois durables.
L’Algérie, jeune nation en construction, devrait s’inspirer des erreurs du passé de ses partenaires Européens, Américains et même Asiatiques qui ont sacrifié leur environnement sur l’autel crasseux de leur développement industriel. Là où parmi ces derniers, certains s’interrogent même sur la nécessité d’une « décroissance », notre pays, lui, peut envisager la transition « écologique » comme un bond en avant. Les retards d’hier semblent aujourd’hui résager les avancées de demain…
Pour cela, il suffirait de développer un tissu industriel, ainsi qu’ agriculture avec tous les moyens qui existent actuellement pour produire de manière « soutenable », c’est-à-dire avec le constant souci de limiter au maximum les impacts négatifs de la croissance sur l’environnement.
Protéger le peu de terres arables qui nous restent de l’urbanisation irrationnelle de notre pays. Les agglomérations de demain ne doivent plus se construire sur nos meilleurs terres agricoles.
A force de déforestations criminelles, le couvert végétal de l’Algérie est en souffrance. Or, cette biomasse est une seconde peau pour notre terre nourricière, celle qui le protège contre les rayons cuisants de la sécheresse. Nos zones humides, souvent mis à mal par l’agriculture ou l’industrie, sont également de précieux atouts pour atténuer les effets d’un réchauffement climatique qui, a été largement favorisé par la déforestation globale de notre planète. Que dire de nos littoraux, de leurs végétations et de leurs dunes de sables, remparts millénaires contre la conquête du sel marin sur nos terres ?
Une agriculture capable de productivité tout en s’affranchissant de la chimie, et, de plus, très efficace à restaurer les sols. Cela est-il possible ? Oui, affirment les pionniers de l’agro écologie qui ont réussi, au fil de leurs succès sur le terrain, à convaincre même les plus hautes instances mondiales ainsi que les opinions publiques de beaucoup de pays hyper industrialisés.
Une agriculture , comme l'agro foresterie qui respecte les forêts, qui s’intègre dans cet écosystème au lieu de le coloniser. Une manière de cultiver qui respecte les zones humides comme on veille sur un précieux allié, sobre en eau, gourmande de matière organique eten attentions humaines. Qui n'a pas besoin de labourer profond, car la terre est une peau que seul un couvert végétal peut cicatriser quand on la blesse. Moins de chimie, moins de labours, moins de distance entre le consommateur et les sites de production, moins de labours, moins de pompage d'eau, et donc moins d'énergie consommée...Une énergie qui pourrait être utilisée pour assurer plus de confort pour nos paysans.
Nos agriculteurs commencent pourtant à prendre de mauvaises habitudes, à rebours de telles conceptions à force de s'enterrer dans une Algérie qui n'a parfois même de profonde que son isolement. Mais ils sont de plus en plus jeunes, et donc perméables aux changements d’état d’esprit. Notre intérêt serait de les former dans ce sens, de militer auprès d’eux pour une « évolution agraire » sur la terre d'Algérie; d'abord dans leurs têtes, puis sur nos terres . Pour cela, il faudrait que vivre en zone rurale ne soit plus un isolement, mais bien une connexion avec nos villes . Le paysan algérien de demain doit disposer de tous les moyens pour vivre confortablement dans nos campagnes.
La politique d'urbanisation nationale doit être complice d’une telle ambition et non coupable d’en limiter, jours après jours, les chances de se réaliser. L’industrie du bâtiment se doit de s’inscrire dans ce processus qui ne peut être que salutaire pour notre territoire, et donc pour notre bien-être. Là, il est indéniable que l’aménagement du territoire est, de ce point de vue, à sa la plus légitime au côté de l’environnement, au sein d'un même ministère. Il serait malhonnête de ne pas le reconnaitre, cette fois-ci.
Mais, les agriculteurs n’ont toujours planté que ce que les gens veulent dans leurs assiettes. Cette agriculture ne pourra se développer, à vrai dire, que si les consommateurs jouent également le jeu de ne plus croire qu’un fruit ou un légume se doit d’être énorme, que les saisons ni les frontières ne doivent perturber leurs nouvelles habitudes culinaires. Car cela n’est possible qu’au prix d’une utilisation très massive d’intrants chimiques, d’importations conséquentes, et de monocultures écocidaires pour la biodiversité. La notre et riche, mais fragile, très fragile...
La revalorisation de nos produits naturels, de notre gastronomie, d’un régime alimentaire sain et local, cela ne doit pas être qu’une posture, le thème à la mode d’expositions fortes coûteuses, mais bien un défi à relever en amont d’une telle transition agroalimentaire en aval . Car c’est également toute une industrie qui doit prendre le train de cette approche écologique de la production et de la consommation.
D’autant, qu’à vrai dire, de tels concepts aux appélations hydrides ne sont pas totalement exogènes à nos pures traditions. Il suffirait de les revisiter, de les remettre à jour tout en profitant, certes, des connaissances qui se développent hors de nos frontières. Un des pères fondateurs de l'agro écologie n'est-il d’ailleurs pas d’origine et donc de nature algérienne? Pierre Rabhi, cet homme libre des clichés d'identités, est de ceux qui ont convaincu même les Nations Unis de la pertinence d’un tel postulat…Il me fait beaucoup penser à bien des égrads à ma grande tante Nouara ainsi que tous les ruraux de sa génération, ceux des "Ness Bekri"...
Un secrétariat d'Etat dédié à l’Agro écologie ne peut être logiquement qu’un outil institutionnel indispensable pour relever ce défi à qui j’aurais consacré tout un article tant il m’a paru essentiel à développer car l'agriculture et l'industrie sont les principales source actuelles de pollution, de gaspillage d'eau et d'energie dans le monde...
Enfin, qui dit nouvelle industrie, doit dire également nouvelles formations, donc nouveaux emplois. Mais l'économie verte, en Algérie, le développement durable, cela ne doit pas se limiter à traiter des déchets, épurer des eaux usées, déssaler la mer, monter des panneaux solaires. Cela peut être aussi développer l'agriculture bio, l'artisanat de luxe, l'écotourisme, la recherche scientifique, de nouveaux médias, de nouvelles niches d'exportations des richesses de la nature matérielle mais aussi immatérielle d'un pays aussi riche que l'Algérie.
A suivre...
ENVIRONNEMENT EN ALGERIE- "Les défis d'une jeune nation sur un territoire millénaire"... Par Karim Tedjani (2/4)