Figue de Barbarie en Algérie-"Un cactus aux fruits d'or..." Par Karim Tedjani.
« Comme d'habitude, les Américains brûlent la politesse à tout le monde; le Hendi* se vend sous forme de capsule dans un flacon de 150 ml, à 22 dollars et avec ces indications : régulateur de glycémie; anti-obésité et anti-cholestérol » Nizar GHARI ( Le Temps - A la Une - Mercredi 2 août 2006)
*Hendi : figue de barbarie en dialecte algérien.
Combien de gens savent, en Algérie, tout ce qu’on peut faire avec l’Opuntia vulgaris Mill., Opuntia ficus-indica , plus communément connue sous le nom de « figue de barbarie » ?
Chez nous, el Karmous ou bien encore el Hendi, est un fruit rafraichissant certes très apprécié, mais dont le cactus est à vrai dire très peu cultivé . Si ce n’est pour faire office, le plus souvent, de haies naturelles qui sont d’ailleurs d’une redoutable efficacité contre les intrus et même le feu. Elles peuvent, quand vient la bonne saison, s’avérer pour leurs propriétaires un complément de revenus, ou tout simplement faire l’objet d’un généreux partage avec la Famille et les amis. On la vend bien ça et là, souvent c’est un gamin, sur le bord d’une route qui vous propose de lui acheter pourquoi pas toute sa cagette. Les prix ne sont pas toujours donnés. Mais de là à parler en Algérie, comme au Maroc et la Tunisie, d’un marché organisé ou d’une profession structurée dans ce domaine, il y a vraiment un monde.
Il faut dire que c’est un produit très difficile à manipuler et encore plus à stocker. Généralement, pour le vendre, il faut l’éplucher avec un gant épais ainsi qu’une lame affutée afin d’éviter au consommateur d’être piqué par les myriades de poils épineux qui se sont incrustés dans leurs épluchures. Il est vrai que ces fruits délicieux abondent en vitamine C, reconnue pour son rôle prépondérant dans notre métabolisme. Leur consommation favorise chez l’être humain la baisse des taux de glucose sanguin, de cholestérol et de triglycérides sanguins. Mais, si elle est un peu trop excessive, cela peut entrainer des constipations très aigues chez les gourmands un peu trop audacieux. Voilà, dirons-nous les principaux freins qui rebutent les gens à en consommer régulièrement et les commerçants à en vendre en grande quantité. Même si, dans certaines villes comme Souk Haras, elle semble s’imposer de plus en plus sur les étales des marchés, El Hendi, c’est avant tout une affaire de petits commerçants qui s’avère particulièrement fructueuse en période de Ramadan.
Les Mexicains sont les premiers à avoir décelées les nombreuses vertus alimentaires et thérapeutiques de ce cactus d’ailleurs originaire de leur pays. Le Mexique est le premier producteur et exportateur de figue de barbarie. En Italie, sur une superficie de 1000 ha environ la figue de barbarie est cultivée grâce notamment à des programmes de fertilisation et d’irrigation annuels. Dans d’autres pays, on utilise des techniques de productions très modernes telles que la fertigation et l’irrigation par « goutte à goutte ». Israël, par exemple, exporte la majorité de sa production sur les marchés européens. Au Chili, les figues de Barbaries sont utilisées pour la fabrication d’un sirop aux caractéristiques nutritionnelles proches de celles du raisin et du maïs. On y utilise aussi les raquettes comme matière première pour la production de biogaz, par fermentation naturelle. Dans des proportions plus modestes, mais avec néanmoins un vrai savoir faire ainsi que des produits de qualités, nos partenaires maghrébins, la Tunisie et le Maroc, ont su développer une recherche ainsi qu’un secteur professionnel assez compétitifs et pour le moins très ambitieux.
On commence à s’y intéresser en Algérie. C’est à Mostaganem que j’ai été sensibilisé pour la première fois sur les nombreux autres bienfaits du figuier de barbarie dont l’aspect très « épineux » et peu engageant cache à vrai dire une incroyable générosité. Ce fut lors d’une visite au C.M.D.D (Centre Méditerranéen du Développement Durable) de la fondation Djanatu El Arif où l’on m’en exposa les nombreuses vertus.
Dans l’enceinte de ce lieu dont je ne peux que vivement vous conseiller de vous rendre, un séminaire international a même été récemment organisé en partenariat avec des organismes marocains afin d’en faire la promotion en Algérie. Mieux, encore, ce centre qui a déjà largement contribué à développer la plantation de l’Arganier, autre produit phare marocain très apprécié et coûteux en Europe, s’attèle à présent à planter des figuiers de barbarie sur environs dix hectares. J’ai appris plus tard qu’il existait d’autres exploitants algériens et que leurs produits n’arrivaient malheureusement pas à prendre preneurs sur le marché national tandis que celui de l’extérieur leur était très difficilement accessible faute de soutien des autorités. La figue de Barbarie commence à faire parler d’elle en Algérie et il faut dire qu’il y a de quoi…
Tout est valorisable, rien n’est à jeter dans la figue de Barbarie. On m’a expliqué au C.M.D.D que l’on pouvait produire beaucoup de choses avec le fruit, les fleurs, les graines mais aussi le cactus du figuier de Barbarie : des confitures, du jus, du miel, des condiments pour la salade, un complément alimentaire pour le bétail, une huile parmi les plus rare et chère au monde ainsi qu’une grande gamme de produits cosmétiques de luxe au regard de ses incroyables et nombreuses vertus médicinales.
Condiment pour la salade à base de figue de Barbarie (Maroc)
Bon pour la santé
Les bienfaits thérapeutiques de ce produit sont impossibles à tous énumérer en quelques phrases. Disons que, en général, ses propriétés hautement réparatrices sont très prisées notamment pour des soins régénérant ou cicatrisant pour la peau. De très sérieuses recherches envisagent même ce fruit comme capable de diminuer le taux de métaux lourds et de radiations dans le corps humain. A Tchernobyl, des expériences ont été faites à ce propos.
La figue de Barbarie a une teneur très élevée en magnésium ainsi qu’en potassium. 100 grammes de ce fruit contient 27 % de l'AJR* pour la vitamine C, 24 % de l'AJR* pour le cuivre, 7 à 8 % de l'AJR* pour le magnésium, 6 à 11 % de l'AJR* pour le fer et 6 % de l'AJR* pour le calcium. C’est un aliment tant utilisé comme fruit, que comme légume, capable d’être très bon pour la santé si, rappelons le encore une fois, on en abuse pas.
Bon pour l’agriculture, les sols et le climat
Un autre avantage pour les pays méditerranéens, comme l’Algérie, est que ce cactus ne peut pousser dans n'importe quel type de climat. En Méditérranée se sont même développées des espèces locales. Très résistant à l’aridité ainsi qu’à la salinité, il apparait comme un outil idéal pour endiguer l’avancée du désert dans des régions littorales où elle sévit notamment comme à Guerbes Sanhadja (Skikda) aux plus proches abords d’une zone protégée de classe mondiale. Elle a aussi la particularité de fixer le CO2 pendant la nuit et de fermer ses stomates pendant le jour. Ainsi elle peut éviter les pertes en eau par évapotranspiration qui peuvent avoir lieu le jour et d’optimiser ainsi l’utilisation d’eau. Ce cactus miraculeux est donc un candidat idéal pour développer des expériences agricoles et écologiques dans notre pays qui a grand besoin de diversifier son Economie et de lutter contre l’avancée du désert.
Les avantages offerts par cette culture sont multiples. Le figuier de Barbarie est parfaitement adapté aux conditions arides. Avec une pluviosité annuelle qui ne dépasse pas les 100 mm, il est capable de végéter et fructifier normalement. Sa culture nécessite moins d’investissement que la céréaliculture. Le rendement à l’hectare peut être plus élevé que les autres cultures traditionnelles. Il est possible d’enregistrer des rendements de 9600 qx de figues à l’hectare. La récolte des figues est une opération qui utilise une main d’œuvre mobilisable pendant sept mois de l’année (Juin-Décembre). Les fleurs d'Opuntia constituent une source de nutrition très appréciée et sollicitée par les abeilles domestiques ce qui engendre la possibilité de développer des activités apicoles en parallèle et favorise la pollinisation d’une multitude de végétaux. Enfin, il peut jouer un rôle très important dans la fixation des sols. Sa culture peut être réalisée dans des localités menacées par l’érosion et où nulle autre spéculation ne peut être réussie.
Pour exemple, dans la région de Milpa Alta au Mexique, l’utilisation de ce dernier pour la protection et la mise en valeur des sols en zones arides et semi-arides a été démontrée. Complètement défrichée pour y introduire des cultures fourragères telles que le maïs, elle n’arrivait pas à être productive, et cela en raison de la faiblesse ainsi que de l’irrégularité de la pluviométrie. Ce n’est que par la réintroduction du figuier de Barbarie que la région a été sauvée et remise en valeur sans risque de dégradation environnementale. Pour Dr. Lahcen KENNY , Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, (Agadir), « Sa culture est peu exigeante en investissements et le revenu qu'elle peut générer est important. En plus, sur le plan environnemental elle est d’une grande utilité pour la lutte contre l’érosion et permet de corriger, à long terme, la fertilité des sols. »
Bon pour les affaires…
L’Huile de figue de Barbarie est rare, précieuse. Il faut dire qu’il ne faut pas moins d’une tonne de fruits pour en produire un seul litre ! On l’annonce comme un anti-âge idéal pour les peaux sensibles ainsi qu’un très bon ingrédient pour des soins réparateurs –tenseurs intensifs. Un simple flacon de 30cl d’huile pur peut se vendre à pas moins de 70 euros. C’est donc un produit de luxe dont la commercialisation est à sérieusement envisager dans certaines régions d’Algérie comme Souk Haras où de nombreuses variétés locales sont considérées par les connaisseurs comme parmi les meilleures du pays.
Si le fruit est indiqué par les professionnels comme un complément alimentaire exceptionnel, notamment pour ses aptitudes à brûler la graisse et aide à lutter contre la fatigue, les graines compactées en granulés, ainsi que les raquettes produisent également un très bon complément alimentaire pour le bétail. En matière de productivité et de rentabilité, autant dire que pour les zones arides et semi-arides il n’y a pas mieux comme fourrage !
Voilà pourquoi, il faut encourager, non seulement la production, la valorisation et la commercialisation de ce produit miraculeux, mais également de le faire entrer avec plus de conviction dans les mœurs de la société algérienne. Il aurait beaucoup de choses positives à tirer de cela…
Article et photos de Karim Tedjani.
A lire sur également sur le net:
http://agrimaroc.net/02-35.htm