L'Algérie "égologique" …
Après cinq ans consacrés à explorer et observer l’environnement de mon pays d’origine, l’Algérie, je ne peux malheureusement que déplorer l’absence presque totale de conscience écologique qui persiste au sein de la majeure partie de la société algérienne.
D’un côté, il y a une lacune flagrante de gouvernance environnementale de la part des décideurs et dirigeants de ce pays. Les lois existent plus qu’il n’en faut, mais ne sont que très rarement appliquées. Les organismes étatiques ainsi que les planifications qu’ils soutiennent ne peuvent être efficients dans le contexte d’une administration archi-bureaucratique et trop souvent minée par la corruption autant que le tribalisme. Une politique écologique trop sectorisée, pour ne pas dire fragmentée. Une absence d’audits sincères combinée à un excès de clientélisme, jusque dans le recrutement et l’attribution des postes au sein de ces institutions. On y fait trop souvent primer la médiocrité, comme le faire semblant sur le volontarisme.
De l’autre, une jeune population livrée à elle-même, à qui, pour préserver un minimum de paix sociale, on n’ose plus rien refuser. Le laisser-faire « en bas » devient ainsi un bon moyen de justifier le faire semblant flagrant, « en haut » d'une pyramide du pire érigée comme un système de Pouvoir au sein de la société algérienne.
Le citoyen ne conçoit plus d'autre règle à respecter que celles qu’il s’est imposé lui-même et qu’il pourra imposer à tout ce qui l’entoure et l’influence, c'est à dire son environnement. Il refuse toute notion de citoyenneté, et encore plus quand il est question d’écologie, dès lors qu’elle viendra perturber sa propre vision de la justice, encore plus de la responsabilité. Beaucoup trop de gens, ici, masquent leur médiocrité morale derrière l’écran improductif et suicidaire du « Tous des voleurs et des menteurs ! Après moi le Déluge… »
De plus, la décennie noire a engendré une véritable déconnexion entre ce dernier et toute forme d’espace naturel ou publique. Ajoutez à cela une insécurité croissante dans ces endroits favorisée par leur « reconquête » de la petite criminalité via la sphère informelle qui, par essence, se joue des lois en vigueur. Vous comprendrez que la société algérienne évolue dans un écosystème qui ne favorise aucunement le respect de l’environnement.
La sphère formelle ou informelle des entrepreneurs algériens ne peut malheureusement plus concevoir de trouver d’obstacles légaux quant il s’agit de se développer au détriment de cet environnement. Un réseau bien huilé de complaisances et de corruptions, les rend parfois même intouchables face aux protecteurs de la nature ainsi que les lois. Une fois de plus, ce sont les travers actuels de cette société qui entravent toute possibilité d’une politique écologique vraiment sincère et efficace dans notre pays.
Bien entendu, il faut remarquer l’émergence d’une écologie citoyenne au sein d’une certaine catégorie de citoyens, et, pas forcement parmi les plus fortunés. Une grande partie des membres actifs des associations écologiques algériennes sont des retraités ou bien de jeunes chômeurs. La classe dite "moyenne" et "moyenne plus" est à mon humble avis le principal vivier des "écologistes" en Algérie.
Mais, quand il s'agit de la sphère associative, il faut encore déplorer le manque de formation, de capacité à faire aboutir efficacement un projet, à gérer un budget ou bien à travailler en collaboration avec d’autres associations nationales ou internationales. La bonne volonté et l’écologie d’opinion ne peuvent suffire qu’à panser les plaies, pas à guérir…
Une des grandes défaillance de notre pays en matière d’écologie est le manque de formation d’expertise et l’absence de contextes d’émulations dont souffrent beaucoup trop de nos écologues algériens. Pas assez de publications scientifiques ou de vulgarisation. Un manque cuisant de moyens et de matériel à la disposition de leurs recherches. Une pénurie d’outils de collecte et de traitement de l’information. Un esprit de rivalités stériles, de médiocrité s’est également installé dans nombre de nos universités et laboratoires étatiques. L’information ne circule plus assez bien. Les vérités ne sont plus bonnes à entendre, encore moins à dire. Les études environnementales se font de plus en plus souvent démagogiques ou , pire, complaisantes vis-à-vis des pollueurs et des saccageurs de nature.
Ce sont pourtant eux, les experts de l’environnement qui doivent être la source matrice d’inspiration et de leadership en matière d’écologie en Algérie. Ils doivent être le cerveau et le monde associatif le bras dans ce domaine, le rôle de l’Etat serait en quelque sorte celui des jambes qui accompagnent le mouvement vers les plus sûrs sentiers…
Les médias jouent de plus en plus leur rôle dans ce domaine, cela est à souligner. Mais il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. Notamment dans la sphère arabophone. On ne peut accepter le fait que nos téléspectateurs connaissent souvent mieux la faune et la flore des pays étrangers qu’ils découvrent dans ces documentaires dont ils raffolent, que celle de notre pays. L’éducation au respect de l’environnement doit disposer de moyens médiatiques conséquents et modernes pour être efficacement insufflée au sein d’une société comme la nôtre qui préfère de loin le petit écran au pages d’un livre…
Mais, pour moi, le principal frein à l’émergence d’une conscience écologique pourtant salutaire et nécessaire en Algérie, reste l’égoïsme aveugle qui s’est installé dans le cœur de trop de gens dans ce pays. L’Algérien est un enfant à la fois gâté et maltraité par sa patrie. Il l’aime en tant qu’entité, mais pas dans sa réalité physique ou sociale, pour le dire plus clairement, de peuple. Toute notion de collectivité, sorti des préceptes parfois désuets de notre tradition, ne peuvent survivre à la soif d’argent facile, de revanche sociale qui animent beaucoup trop d’entre nous.