31 Octobre 2011
"Les fleurs de l’Est…"
Ce printemps, ma grande tante Nouara Latréche, à qui j’ai dédié ce portail, m’a demandé de l’emmener dans sa région d’origine, Oued Znati, afin de passer quelques jours en compagnie de sa plus jeune sœur Aïcha, épouse d’Amar Bouzerene. Cette dernière, vit dans une petite ferme située au sommet d’une colline, sur la route de Sabath en compagnie de son mari, de sa belle mère et de son beau frère ainsi que de leur jeune fille.
Je connaissais déjà cette femme extraordinaire qui a pour habitude de venir, chaque été, passer quelques jours à Guerbès (Skikda) dans le douar d’el Haidi Latréche, époux défunt de Nouara. Aïcha est une vraie encyclopédie de la culture des Douars de l’Est. Bien plus que son ainée d’ailleurs, lors de discussions dont j’adore être le témoin, je l’ai souvent constaté. C’est Aïcha qui a toujours le dernier mot quand il s’agit de savoir quelque chose sur nos traditions. Elle sait faire tous les travaux de la femme rurale algérienne à la perfection, danse, chante, connait des centaines de proverbes, de remèdes naturels et, chose à préciser, c’est une très bonne tireuse au fusil. Tout le monde, dans la famille, a entendu parler de l’histoire où, un jour, alors qu’elle surprit un serpent dans sa maison, elle le tua d’un coup de « rassas » (balle) plein placé. Il faut dire que si Nouara et El Haidi Latréche ont élevé dix garçons et une fille, Aïcha et Amar Bouzerene n’ont qu’une jeune fille. Son mari, qui exploite encore sa ferme de 23 hectares, alors qu’il a plus de soixante ans, a toujours été affairé hors du domicile familial. Il vend les produits de la ferme au marché, travaille aux champs, s’occupe de ses bétails (ovins et bovins). Du coup sa femme a appris à se débrouiller toute seule même pour se défendre dans cet endroit qui a été longtemps très isolé. C’est pour cela qu’elle sait manier très habilement le fusil de son mari. J’allais pouvoir enfin la voir évoluer dans son environnement. Si c’est une paysanne algérienne dans la plus pure tradition du Tell, cela ne l’empêche pas de répondre avec son téléphone portable à mon appel afin de l’avertir de notre arrivée. « Fais attention aux chiens ! » me recommande-t-elle. « Même s’il sont attachés, il ne faut pas trop les approcher. Je sais que tu aimes ces animaux, alors Rod belek ! » (fais gaffe).
Le trajet entre Guerbès et Oued Znati ne dure que 2h environs. Il est agréable, surtout dès qu’on pénètre dans la wilaya de Guelma.
Au printemps, elle rayonne de mille verdures ainsi que d’une multitude fleurs colorées. Le rouge de l’Adonis est, à cette période de l’année, omniprésent dans les paysages de Guelma. C’est une région montagneuse, les cimes des monts que j’ai pu contempler sur la route, sont très arrondis. On aurait dit que ces montagnes ont été rongées par le climat et le temps. Ce sont des « Kef ». Pour l’instant, c’est dans la région du Constantinois que j’ai pu en observer le plus, alors qu’à Bouira (centre), par exemple, les djebels sont souvent très pointus. La wilaya de Guelma a quelque chose du Jura, c’est un décor tout en forêts de conifères, en sources et en montagnes qui, par contre, ne sont pas aussi hautes que dans cette région de France. Oued Znati est à 30km de Guelma. Elle fait partie de sa wilaya. Ses douars sont réputés pour l’agriculture, surtout céréalière. Jadis, la variété de blé qui portait le nom de cette daïra, était considérée comme une des meilleures du pays et donc de la Méditerranée. A Oued Znati, l’eau n’est pas un problème. A la rigueur, quand cela en est un, c’est parce que son sol en regorge tellement qu’il provoque parfois de spectaculaires glissements de terrains ! Guelma, c’est aussi les hammams, dont celui nommé « Dabagh » est réputé à travers tout le pays. Les souterrains de cette région regorgent de sources d’eaux dont beaucoup sont très chaudes. Un taxi qui m’emmena un jour entre Oued Znati et Annaba, me dit que la chaleur de la région vient aussi de celle de ses sols réchauffés par des source souterraines bouillantes .La chaleur torride des étés de Guelma n’est vraiment pas une légende, j’ai eu l’occasion de l’éprouver lors de ce dernier Ramadan. Guelma c’est aussi la wilaya qui a porté un des hommes les plus célèbres de l’Histoire moderne algérienne : Houari Boumediene. Nous passons d’ailleurs devant un village dont l’entrée est ornée par un immense pochoir de cet ancien président algérien légendaire et qui porte son nom. Oued Znati est aussi connue pour ces Zlabiyas, pâtisseries incontournables avec le Kaleb el Louz lors du Ramadan.
Pendant la route, Nouara, qui a connue la vie des nomades de l’Est, nous parle des trajets qu’elle a fait à pied, à dos d’ânes ou en camion avant de résider sur les côtes de la baie de Guerbes. Elle nous décrit une algérie qui a presque disparue avec la nostalgie d’une femme qui a été prospère à cette époque. Cette veille dame qui en connait un rayon sur la médecine traditionnelle est une survivante. Elle a été orpheline et séparée de ses frères et sœurs depuis son plus jeune âge, marié à quinze ans, elle participa aussi avec son époux à l’effort de guerre d’indépendance en dissimulant le trésor des moujahids dans leur « caravane ». Elle a élevé dix fils, une fille ainsi que le fils et les trois filles de sa défunte sœur Louisa. Nouara, comme Aïcha a travaillé dur aux côté de son mari. Leur mode de vie transhumant, les périls qu’ils surmontèrent pendant la guerre d’Algérie, leurs traditions ancestrales, tout cela a fait que les gens de la génération de Nouara et d’Aïcha ont développé un bon sens pratique ainsi que des connaissance inductives qui leur ont permis de vivre pendant des siècles en harmonie avec la nature de l’Algérie. La poésie orale, l’islam traditionnel, les contes et légendes, les récits des actes de bravoure des anciens, les rites sont omniprésents dans cette culture des douaris de l’Est algérien. Nouara et Aïcha, ces fleurs de l’Est sont des livres vivants qui, je l’espère ne se refermeront pas dans l’oubli. Il y a tant de femme et d’hommes qui doivent transmettre cette nature algérienne aux générations futures qui sauront l’intégrer dans leur vision du présent ainsi que de leur futur. Un programme national existe-il dans ce sens ? Il y a-t-il des chercheurs qui ont travaillé sur le sujet ?
Prochaine partie : « Une ferme bio qui s’auto-suffit…. »
Voici un album des photos que j’ai prises durant ces quelques jours : Les fleurs de l'Est
Annexe:
"La région de Oued Zénati fut depuis très longtemps convoitée à cause de la richesse de ses terres agricoles. La Présence de DOLMENS au lieu dit " Bled Ben Derradji " atteste que cette région fut habitée depuis la préhistoire
Les Romains à leurs tour s'y installèrent dans les bourgs et exploitèrent les terres de la plaine de Oued Zénati qui avec les richesses du pays formaient le grenier de blé de Rome.
Vers 710,les musulmans conquirent la Numidie, de cette date jusqu'a l' arrivée des Français ,on n' a pu rien retenir . L' occupation française en 1830 crée la ville actuelle de Oued Zénati au bord de l' Oued du même nom
Les nouveaux occupants exploitèrent comme leurs ancêtres les romains , les terres de la régions et bâtirent des fermes le long de l' Oued Zénati , la population locale fut pourchassée sur les hauteurs du Djebel Ancel notamment .
La guerre de libération nationale a engendré un flux migratoire important vers Oued Zénati , et la population musulmane s' installe à bord de l' Oued dans la cité dite des " JARDINS " . La cité " TOUTE ou Les Mûriers " fut construite en 1959 comme cité de ressassement dans le cadre du plan de Constantine .
En 1974 , Oued Zénati fut érigé en chef lieu de Daïra (sous préfecture) de la Wilaya de Guelma . En 1985 sa surface sa surface communale fut réduite eu tiers de sa surface antécédente vu que Ain Régada , Bordj Sabath, Et Ras El Akba devinrent chef-lieu de Commune . "
Source web: http://membres.multimania.fr/ouedzenati/historique.htm |