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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Le secteur coopératif agricole en Algérie : transformations et enjeux" par K. Abbaskhal

 

K. Abbas

Abbaskhal@yahoo.fr

 

 

 

Résumé :

Dans un but de porter un diagnostic sur le parcours et la situation actuelle du système coopératif agricole en Algérie ce travail documentaire retrace les aspects historiques de l’expérience algérienne dans ce domaine et analyse les raisons des disfonctionnements actuels. Il apparaît que le passage d’une économie dirigée à une économie libre a façonné la dynamique de ce secteur et a provoqué une situation caractérisée par le manque de mise à niveau de beaucoup de coopératives par rapport à la réglementation en vigueur. Celle-ci apparaît souple et permettant un épanouissement des coopératives disposant des conditions requises. Les éléments permettant la redynamisation de ce système sont énumérés en guise de perspectives.

 

Mots clés :

Algérie, développement agricole, coopératives, diagnostic

 


Introduction

L’agriculture algérienne a traversé plusieurs phases depuis l’indépendance. Malgré le bilan positif que l’on peut établir, notamment celui réalisé lors de la dernière décennie, le développement de l’agriculture algérienne continue à faire face à plusieurs défis posés aussi bien par son propre contexte intérieur que par les mutations qui s’opèrent à l’international. Dès lors, quelle démarche suivre pour promouvoir un développement agricole ambitieux et permettant la valorisation de toutes les potentialités? Tout d’abord, il faut agir sur les contraintes et dysfonctionnements. Actuellement, la situation permet d’identifier les freins majeurs au développement du secteur. Selon les spécialistes de la question, les prix internationaux de plus en plus volatils représentent la première contrainte. Aussi, l’amélioration des rendements domestiques évolue lentement et n’arrive pas à renverser la situation en faveur d’une meilleure maitrise des importations. Ceci s’explique par les contraintes structurelles d’ordre climatique et physique auxquelles s’ajoute l’incapacité économique des unités de production soufrant de poids économiques réduits et par voie de conséquence de faiblesse de compétitivité.

Devant cette situation, l’on se demande quel rôle joue le système coopératif actuellement dans l’agriculture algérienne et quelle place pourrait-il occuper dans une agriculture plus performante et plus rentable sachant que celui-ci constitue un outil indiscutable d’organisation et de « boostage » économique des unités de production agricoles. Bien que ce système n’est pas étranger à la langue marche qu’a connue l’agriculture algérienne, il a toutefois traversé plusieurs péripéties justifiant une relecture de son rôle potentiel prouvé comme moteur du développement de l’agriculture, de ses performances et contraintes depuis l’ère colonial jusqu’à l’heure actuelle et une analyse des conditions de son redynamisation.

Ces éléments constituent à juste titre des axes essentiels de développement contenus dans la Politique du Renouveau Economique Agricole et Rural du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, orientée sur l’atteinte des objectifs de la sécurité alimentaire et de la souveraineté nationale et qui intègre l’organisation du monde rural dans tous ses segments : profession, interprofession et coopératives.

 

I- Histoire Durant la colonisation

La création du système coopératif et mutuel agricole durant les premières années de la colonisation de l’Algérie semble avoir été motivée par la volonté de l’Etat français à offrir les moyens matériels et financiers nécessaires aux  14 000 colons agriculteurs venant d’Europe.

Avant cette date, les colons français comme les fellahs algériens n’avaient recours pour faire face aux dépenses courantes d’exploitation qu’à l’autofinancement et à l’usure. La colonisation des terres est accompagnée par la mise en place d’un système coopératif et mutuel agricole tourné vers les exploitations coloniales. Ainsi dans le domaine du crédit bancaire, il est créé en 1850 le Comptoir National d’Escompte qui deviendra en 1851.Se sont crées par la suite plusieurs compagnies dont la plupart sont tournées vers le crédit mutuel agricole au profit des colons (Djenane, 2012).

En direction des fellahs, il a été créé une banque spécifique, la Société Indigène de Prévoyance (SIP),  un système de crédit dit « par en bas », c’est-à-dire avec comme organe essentiel de distribution SIP remonte au 04/09/1869. Même s’inspirant largement des principes de solidarité régissant la gestion des silos ancestraux des populations autochtones, les premières SIP étaient conçues comme des « sociétés de secours mutuels officieuses »[1]. Après la grande crise de 1929/33, qui a rudement affecté le système économique colonial, le réseau des SIP va s’étendre. En 1941, leur nombre est de 330 et se monte à 503 en 1947 réunissant ainsi aux dates respectives 34 923 et 53 651 sociétaires. Quoique ne touchant que 7% environ de l’effectif total des exploitations détenues par les autochtones, elles drainaient à elles seules 20% de la production totale de céréales, correspondant à la moitié environ de la production céréalière du secteur paysan autochtone. Ceci montre donc bien que la très grande majorité des petites exploitations, celles produisant essentiellement pour l’autoconsommation, échappait au réseau des SIP qui va connaître dès la fin de la Guerre une réforme profonde tendant à rapprocher le système coopératif et mutuel agricole réservé aux colons de celui des petits fellahs. Après ces deux formes de coopératives le secteur d’amélioration rurale (SAR) a vu le jour en 1945 et s’est vu créées des coopératives mixtes colons – fellahs plus-ou moins réussies. Ainsi, les missions économiques et techniques des SAR sont clairement définies dès leur création, puisque le Paysannat tel qu’il est conçu à travers la nouvelle réforme tend sur :

-          « le plan technique à instruire le fellah et à l’équiper pour la mise en œuvre de méthodes de production modernes en présence dans le secteur colon »,

-          « le plan économique à orienter les fellahs et pasteurs vers l’économie d’échange, les investissements rentables et la pratique du crédit ».  

Les SAR qui étaient des éléments des SIP appelées plus tard SAP et occupant des entités territoriales spécifiques se sont renforcés par l’organisation du syndicalisme agricole pour mieux encadrer le monde rural et réussir l’implantation des colons en milieux indigènes (Djennane, 2012).

 

II- Mutations et situation post indépendance

La récupération des terres de colonisation en 1963, au lendemain de l’indépendance, et la réforme agraire appliquée aux terres privées en 1971 ont permis la constitution d’un domaine foncier important aux mains de l’Etat et la création d’exploitations collectives, grandes entreprises agricoles à salariés et coopératives agricoles de production sur près de 40 % de la SAU totale du pays (Ait Amara, 1999). Durant la décennie 1980, l’Etat opère une refonte radicale de ses options en faveur d’un processus de privatisation des terres publiques et d’individualisation de l’exploitation des terres (1987). Dans le prolongement de ces nouvelles orientations, il annule la loi de réforme agraire (1990) et procède à la restitution aux anciens propriétaires des terres expropriées en 1971. Ces mesures mettent fin à l’existence d’un secteur étatique de propriété et de production et réhabilite le rôle de la propriété et de l’exploitation individuelles. L’Etat a consacré l’essentiel des terres nationalisées à la constitution d’exploitations collectives. Deux systèmes d’exploitation ont été mis en place : l’autogestion ouvrière sur les grandes exploitations coloniales et les coopératives agricoles de production sur les terres du FNRA de tailles individuelles plutôt réduites.

L’évolution de la coopération agricole depuis l'indépendance a connu donc deux phases. Avant 1987, les coopératives agricoles de services – comme les domaines autogérés- se trouvaient sous une tutelle étroite de l'administration de l'agriculture qui les agréait obligatoirement, nommait leurs directeurs et subventionnait largement leurs investissements matériels et leur budgets de fonctionnement. La construction des coopératives de services a été engagé progressivement et en rapport avec la mise en place de dispositions juridiques qui précisaient leurs modes de constitution et de fonctionnement. La réforme de 1987 a ainsi supprimé la tutelle du Ministère de l'agriculture et a autorisé la libre création des coopératives ainsi que le contrôle sur leur gestion. Les anciennes coopératives sont "réorganisées" en conservant généralement leur personnel mais en procédant à l'élection des nouveaux dirigeants par les désormais "sociétaires réels". Cette libéralisation s'est accompagnée d'une explosion dans la création de coopératives. On passe ainsi de 283 coopératives de services en 1988 à 1298 en 1994 et 1676 en 1999 mais le processus de développement des coopératives enregistré au cours de ces dernières années s’est toutefois ralenti et leur nombre reste relativement modeste (Bessaoud, 2005).

Fortement discréditées à la suite de l’échec de l’expérience de socialisation de l’économie tunisienne dans les années soixante, les coopératives de services agricoles (CSA) ont selon le même auteur bénéficié d’une politique active de promotion au cours des années quatre vingt à la faveur de la mise en œuvre du programme d’ajustement structurel. Le nombre des coopératives de services agricoles (CSA) a presque triplé depuis la mise en place du plan d’ajustement du secteur agricole en 1986 passant ainsi de 71 CSA en 1987 à 205 en 2000.

 

Contraintes

La situation actuelles des coopératives notamment des services apparaît souffrir de plusieurs contraintes selon Brabez (2012). Il apparaît en effet que des coopératives socialistes, certaines qui disposent notamment du patrimoine, continue à survivre par un minimum de services (approvisionnement en facteurs de production) mais en bafouant les dispositions réglementaires de gestion des coopératives (mêmes dirigeants, pas d’assemblée …). Ces coopératives jouissent d’un manque de confiance total de la part des adhérents et des usagers.

A défaut de gouvernance respectant la réglementation, de manque d’investissements et de manque de retour de bénéfices, ces coopératives restent tout juste des comptoirs de service…

A coté de ce type de coopérative qui apparaît comme trainant les legs du passé, d’autres coopératives seraient plus dynamiques mais souffriraient à leur tour de manque de visibilité du à l’incohérence de l’environnement et au manque d’implication des adhérents eux-mêmes.

D’une manière générale, on peut citer de ces points de vue les contraintes suivantes (Develtere et al ; 2009) :

Les difficultés de coordination et de mise en marché.

            La gestion de la coordination : analphabétisme

            La nature du couple Produit-Marché: difficulté de gestion pour le cas des produits périssables (manque de souplesses des décisions)

Le rôle de l'État: la création de coopératives n’est pas spontanée ; elle obéit à beaucoup bureaucratie ; elle est provoquée par des politiques agricoles (obligation pour avoir le crédit…)

Les conditions du marché du travail: Le chômage, et dans le moins mauvais des cas, le sous-emploi rural, est un des problèmes cruciaux évidents. En optant pour une intégration verticale de nature commerciale, on contribue au sous-emploi dans le secteur de la distribution à court terme et on encourage, à moyen terme, l'exode rural. L'intégration verticale de transformation des denrées agricoles en produits agro-alimentaires diminue, par contre, le sous-emploi rural.

 

- Des statuts juridiques qui définissent mal les frontières Etat- coopératives

- manque de maîtrise des relations avec l’environnement institutionnel et administratif

- Des ressources financières et humaines limitées

 

Contours du problème : tendances mondiales

Les coopératives de producteurs agricoles ont été mises sur pied dans les pays en voie de développement comme outil de réforme sociale de la paysannerie et comme courroie de transmission des programmes de développement régional intégré. Elles furent considérées, à l'instar des expériences européennes, canadiennes et japonaises où leur rôle est prédominant dans le secteur agricole, comme la panacée aux maux du petit producteur. Les objectifs poursuivis sont, en effet, d'une logique économique fort séduisante puisque le regroupement en coopérative permet, en principe, une intégration horizontale dans le ramassage et la transformation primaire des produits agricoles, d'une part, et un pouvoir de négociation accru dans l'achat des intrants et la vente des extrants, d'autre part. Toutefois on constate que les coopératives agricoles existent de moins en moins à l'état pur. Elles constituent des groupes, notamment lorsqu'elles transforment leurs produits, qui autour d'une coopérative, articulent des filiales de statuts non coopératifs. Les filiales sont en outre souvent détenues en commun avec d'autres coopératives, voire même des sociétés capitalistes industrielles ou bancaires. Se trouvent ainsi combinées dans les faits des logiques différentes, coopératives et capitalistes. Pour l'une le facteur risqué est le produit, pour l'autre il s'agit du capital.

Il est intéressant de revenir sur le pourquoi de ces évolutions. Nous avons identifié au moins 5 types de raisons.

 

Des raisons stratégiques consécutives à une globalisation des marchés
  • Cette globalisation a presque toujours eu comme conséquence une concentration, notamment commerciale mais aussi une nécessité de réduire les coûts et (ou) de différencier les produits.

 

Des raisons juridiques
  • Contraintes statutaires limitant la capacité commerciale (règle de l’exclusivisme et de territorialité notamment).
  • Contraintes pour faire des alliances entre le secteur privé et la société mère coopérative.

 

Des raisons financières
  • Difficulté pour mobiliser les capitaux propres avec la société mère ð développement des holdings.

 

Des raisons fiscales parfois
  • Intérêt de la structure holding pour consolider les résultats des filiales comme dans les entreprises capitalistes.

 

Des raisons de management, de prise de décision et de gestion
  • Simplification, rapidité, meilleure vision des rentabilités par métier, faciliter le recentrage etc.

 

En fédérant l'amont de la production, et en investissant l'aval des filières par le biais des démarches de certification et de qualité, les coopératives cherchent à accroître la plus-value de leurs produits. Elles se trouvent en position charnière pour combiner des savoir-faire locaux et des savoirs organisationnels.

 

Atouts et perspectives

Les coopératives peuvent jouer un rôle important dans le développement agricole et rural durables. Leurs capacités doivent être renforcées par le biais de partenariats. En effet, des agriculteurs regroupés au sein de coopératives acquièrent un certain pouvoir de négociation sur le niveau des prix agricoles. Ce pouvoir de négociation permet de limiter le phénomène de la fixation des prix par le mécanisme de l’offre et de la demande.

 

Conclusion

 

Il est clair que le système coopératif  constitue pour l’Algérie une opportunité  économique,  sociale et culturelle  pleine d’espoir que le milieu rural et agricole en particulier se doit de saisir  pour son développement, que l’environnement se doit d’encourager  pour son essor économique et pour l’administration pour en faire un atout majeur pour la mise en place des stratégies de développement agricoles

Certains points apparaissent toutefois nécessaires pour replacer le système coopératif sur des bases plus saines et lui permettre de s’épanouir :

- établir un diagnostic des coopératives existantes

- procéder à un assainissement des coopératives tant du point de vue de la conformité en rapport avec les textes réglementaires que du point de vue du respect des dispositions statutaires de la coopérative

- Mettre en place l’ensemble de l’organisation nécessaire aux plans administratif et organisationnel et permettant la mise en synergie de l’action des coopératives, leur contrôle et leur accompagnement

- Engager un programme de mise à niveau des coopératives agricoles (Formation et vulgarisation des techniques de gestion)

 

Références bibliographiques

 

Aït-Amara H. 1999 ; La transition de l'agriculture algérienne vers un régime de propriété individuelle et d'exploitation familiale. In Jouve A.-M. (ed.), Bouderbala N. (ed.) .Politiques foncières et aménagement des structures agricoles dans les pays méditerranéens : à la mémoire de Pierre Coulomb. Montpellier : CIHEAM-IAMM, 1999. p. 127-137.

 

BESSAOUD O. 2005 ;Les organisations rurales au Maghreb : un essai d’évaluation de leur rôle dans le développement agricole et rural* * Communication séminaire SFER- 7-9 Novembre 2005

 

BRABEZ F. 2012 ; La gouvernance des coopératives agricoles : Cas des coopératives agricoles de services dans la wilaya de Blida, journée nationale sur le système coopératif agricole en Algérie, Sétif, Algérie ; mars 2012

 

Djenane AM. 2012 ; le système coopératif agricole et mutuel durant la période coloniale en Algérie. Journée nationale sur le système coopératif agricole en Algérie, Sétif, Algérie ; mars 2012

 

Patrick Develtere, Ignace Pollet et Fredrick Wanyama ; 2009. L’Afrique solidaire et entrepreneuriale. La renaissance du mouvement coopératif africain. Organisation internationale du travail., 2009, 334 pp

 

 

 



[1] Documents algériens, série économique, n° 11 du 25/05/1946

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S
un article très intéressant et riche sur l'évolution des coopératives agricoles en Algérie. La question que je me pose est pourquoi jusqu'aux années 70 l'agriculture était florissante, riche et diversifié. D'ailleurs, l'Algérie répondait à subvenir aux besoin de sa population (autosuffisance) et arrivait même à exporter. Dans les années 90 , le PAS a encouragé la création de coopératives agricoles mais en termes de qualité et d'impact n'ont rien donné.<br /> ps: pourquoi il n’y-a pas de commentaires ????
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