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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Le sommet de Nagoya sur la biodiversité ou l’émergence du nouveau paradigme de la durabilité environnementale" par Dr Ahmed Djoghlaf (El Watan.com)

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Lester B. Pearson, lauréat du prix Nobel de la paix en 1957, avait dit en son temps : «Les menaces à la survie mondiale sont réelles, bien qu’elles soient quelquefois exagérées et exprimées dans un langage qui nous donne la chair de poule. Les prophètes de malheur peuvent se tromper, mais il reste que l’homme peut maintenant détruire la planète par une explosion nucléaire ou une érosion écologique.»

L’histoire n’a malheureusement pas contredit cette déclaration prémonitoire de l’ancien Premier ministre du Canada. Les experts aujourd’hui n’hésitent pas à faire référence à une nouvelle ère dite «anthropocène», pour désigner une nouvelle époque géologique, celle où l’action de l’espèce humaine est devenue une force géophysique capable de modifier, ou même de détruire sa planète par son influence sur l’équilibre de la biosphère. Une ère géologique nouvelle qui se déroule sous nos yeux où une espèce, l’être humain, a la capacité de, non seulement détruire les millions d’autres espèces, mais aussi de se détruire lui-même. C’est pour cela que les experts du Muséum d’histoire naturelle de Paris n’hésitent pas à prédire que nous sommes à la veille de la sixième extinction globale des espèces et la première à être générée par vous et moi, une espèce parmi des millions d’ autres.

En mai dernier, la troisième édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique a été rendue publique. Le rapport préparé sur la base des données fournies par 120 pays démontre que la biodiversité continue de disparaître à un rythme effréné. Le rapport confirme les résultats de l’Étude du millénaire sur les écosystèmes : 60% des écosystèmes de notre planète sont dans un état de dégradation avancé. Le rythme d’extinction des espèces serait aujourd’hui 1000 fois supérieur au rythme naturel d’extinction. Aucun pays ni aucun écosystème, n’est épargné.

L’une des raisons de cette dégradation est assurément l’accroissement du tissu urbain et des infrastructures. Il faudrait créer chaque semaine une ville de 1 million d’habitants pour absorber la croissance de la population urbaine mondiale. Un exode rural massif bouleverse le visage de la planète. De 86 agglomérations de plus de 1 million d’habitants en 1950, on est passés à 430 en 2005. Les mégapoles de plus de 10 millions ont quintuplé depuis 1975 passant de 4 à 20. La population urbaine en Chine a plus que doublé depuis 1980 passant de 19 à 47 % et atteindra 60 % en 2050. La population urbaine indienne a été multipliée par six depuis l’indépendance de ce pays en 1947.

En Afrique, les villes passeront de 350 millions d’habitants en 2005 à 1,2 milliard en 2050. Les villes absorbent 75% des ressources et sont responsables de 80% des émissions de CO2. Fortement liée à la crise de la biodiversité est celle du climat. En effet, la troisième édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique confirme que les changements climatiques sont aujourd’hui l’une des causes majeures de l’accélération de l’érosion de la vie sur Terre : 89% des rapports nationaux reçus de nos parties le confirment. Le rapport sur les changements climatiques et la biodiversité soumis par le secrétariat au sommet de Copenhague démontre avec force détails que pour chaque augmentation d’un degré Celsius de la température, 10% des espèces végétales et animales recensées seront menacées d’extinction.

L’accord de Copenhague visant à limiter à deux degrés l’augmentation de la température d’ici 2050 risque d’être une sentence de mort pour 20% des espèces connues.Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GrEC) prédit que 30% des espèces connues disparaîtront d’ici la fin du siècle actuel en raison des changements climatiques. Si les changements climatiques représentent un problème, la biodiversité fait partie de la solution. C’est pour cela que les experts de l’université de Stanford en Californie n’hésitent pas à proclamer haut et fort que «l’avenir de la biodiversité pour les dix prochains millions d’années sera certainement déterminé dans les cinquante à cent ans à venir par l’activité d’une seule espèce, l’Homo sapiens, vieille seulement de 200 000 ans».

Ils préconisent donc un changement profond dans les mentalités, de façon à porter un autre regard sur la nature. Ils affirment que «l’idée que la croissance économique soit indépendante de la santé de l’environnement et que l’humanité puisse étendre indéfiniment son économie est une dangereuse illusion. Cette dangereuse illusion se trouve aggravée par une dangereuse ignorance. Selon une enquête réalisée par l’Euro baromètre, 66% des Européens ne connaissent pas le terme «biodiversité». Un sondage similaire réalisé en France confirme ces chiffres.

Cette ignorance frappe particulièrement les générations montantes. Un sondage réalisé récemment auprès de 1500 enfants du Royaume-Uni âgés entre 6 et 12 ans, a révélé que 30% de ces enfants n’arrivent pas à faire la différence entre une abeille et une guêpe, certains les ont même confondues avec des mouches. Baignant dans un monde urbain de plus en plus virtuel, les citoyens de demain, les enfants d’aujourd’hui, vivent détachés de la nature. Combien d’enfants de Bab El Oued ont vu des olives autrement que déposées sur les étals du marché ou de l’épicier du coin. C’est pour mettre fin à cette dangereuse illusion, qui par ailleurs s’accompagne d’une dangereuse indifférence des hommes politiques, que l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé 2010 «année internationale de la biodiversité».

À l’occasion de son discours de clôture du sommet historique à Rio, M. Strong a déclaré : «La capacité de la Terre à nous supporter ne permettra de soutenir les générations présentes et futures que si elle est égalée par la capacité de ses peuples et de ses chefs à en prendre soin. Nous devons contrôler notre espèce pour assurer notre propre survie, et celle de toutes formes de vie sur notre planète précieuse ... Notre expérience à Rio a été aussi historique et captivante que la route qui nous a menés jusqu’ici. La route qui part de Rio sera longue, excitante, ambitieuse. Elle ouvrira toute une nouvelle ère de promesses et d’opportunités pour notre espèce si nous changeons de trajectoire, mais seulement si nous commençons maintenant.»

En effet, c’est le temps de passer à l’action. C’est pour mettre fin à l’indifférence des leaders du monde que, le 22 septembre dernier, les chefs d’État et de gouvernement réunis à New York à l’occasion des assises de la 65e session de l’Assemblée générale des Nations unies, se sont penchés sur l’état de la biodiversité de notre planète. C’est la première fois dans les annales des Nations unies qu’un tel sommet a lieu.

Les délégations qui se sont succédé à la tribune onusienne se sont engagées à adopter un plan d’urgence de préservation de la vie sur Terre avec des objectifs à moyen et long termes et l’engagement de tous sans aucune exception. C’est là l’essence même du sommet de Nagoya sur la diversité biologique. À quelques jours de cette rencontre historique, qui se tiendra sur la terre nippone sous le thème «Vivre en harmonie dans le futur», plus de 12 000 délégués ont été enregistrés et plusieurs chefs d’État ou de gouvernement sont attendus. Une nouvelle stratégie sur la biodiversité sera adoptée avec une vision pour 2050 et des objectifs quantifiés à l’horizon 2020.
Comme l’a dit avec justesse Albert Einstein : «Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé».

C’est cette vision même qui guide la préparation de la nouvelle stratégie de la Convention, mais d’abord par l’implication de tous les États sans aucune exception. Cette stratégie sera accompagnée de moyens de mise en œuvre et de mécanismes d’évaluation et de suivi. Le Japon, pays hôte, a décidé de donner l’exemple en établissant un fonds japonais de la biodiversité doté d’un capital renouvelable de plusieurs millions de dollars au service de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie mondiale. Elle sera adoptée avec la participation de tous les acteurs de la société nationale et internationale : les gouvernements d’abord, mais aussi leurs partenaires, en l’occurrence les maires, les parlementaires, le monde des affaires, la communauté scientifique, les organisations non gouvernementales, mais aussi les populations autochtones, les jeunes, les enfants, les agences de coopération et les donateurs privés.

Le sommet de Nagoya verra en effet l’émergence d’une alliance globale pour la protection de la nature qui comprendra aussi le monde de l’art et de la culture, représenté par l’acteur américain Ed Norton, en sa qualité d’ambassadeur honoraire de la biodiversité, et la chanteuse japonaise Misia, désignée ambassadrice de la conférence de Nagoya. La stratégie internationale sera accompagnée par un plan stratégique sur les villes et la biodiversité qui sera adopté à un sommet des maires qui réunira plus de 1000 représentants. Cette stratégie sera renforcée par un plan pluriannuel sur la coopération Sud-Sud pour la biodiversité et la lutte contre la pauvreté qui sera adopté au premier Forum du Groupe des 77, sur la biodiversité prévu la veille de l’ouverture des assises de Nagoya.

Ce plan a été endossé par les 131 ministres des affaires étrangères du Groupe des 77, réunis à New York le mois passé, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations unies. Un sommet des parlementaires et de la biodiversité est aussi prévu afin d’engager les représentants du peuple dans la bataille pour la protection de la vie sur terre.

Un dialogue de haut niveau entre les 150 ministres de l’environnement attendus à Nagoya avec les 500 représentants du monde des affaires se soldera par l’adoption d’un plan d’action sur la biodiversité et les entreprises. La famille philanthrope se réunira aussi en marge de cette rencontre sous l’égide de Okada San, le PDG de la plus importante chaîne commerciale japonaise qui a établi à cette occasion un prix de la biodiversité d’une valeur de 300 000 dollars.

Mme Gro Harlem Brundtland, l’ancienne Premier ministre de Norvège et présidente du rapport des Nations unies sur «Notre avenir commun», n’a-t-elle pas déclaré récemment : «Vous pouvez penser que l’on pourrait échouer, mais cela ne risque pas d’arriver, car faillir n’est pas une option.» En effet, lorsqu’il s’agit de la vie sur terre, de la nôtre et celle de nos enfants, faillir n’est pas une option. 

Dr Ahmed Djoghlaf
 

 
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