"L'Ecologie, la Nature et l'Algérie" par Tedjani Karim (Nouara-algérie.com)
Peut-on vraiment parler d'écologie en Algérie?
Il n’est pas impertinent de se poser une telle question pour peu qu’on connaisse l’état d’esprit qui anime une large majorité des algériens et des algériennes en ce début de siècle. En 2010, disons le franchement, l’écologie n’intéresse encore pas grand monde en Algérie.
C’est une évidence qu’il faut cependant nuancer mais aussi tenter d’expliquer en se restreignant d’uniquement la condamner.
J’aimerais donc préciser qu’il faut tout d’abord éviter de confondre, à mon humble avis, vision écologique et volonté de préserver de la Nature. Cela éviterait de penser que dans ce pays on n’aime et on ne respecte pas la Nature puisqu’on ne se soucie guère de l’Ecologie. Ce serait mal connaître la nature algérienne, cette fois-ci entendue au sens figuré.
Les algériens sont sûrement moins déconnectés de la Nature que bon nombre de citoyens de pays « développés » qui voient dans l’Ecologie une valeur presque morale. C’est d’ailleurs peut-être, à mon humble avis, parce qu’ils n’ont pas encore totalement coupé le cordon avec Mère Nature que les citoyens de l’Algérie n’ont pas conscience des périls qu’on encourt à trop la bousculer.
Les excursions naturelles sont un des loisirs favoris des algériens et algériennes des classes populaires et moyennement aisées. Beaucoup utilisent encore des remèdes naturels pour se soigner ou s’embellir. Ma tante, Saliha Saadi anime d’ailleurs à la radio d’Annaba une rubrique à ce sujet qui a je crois un franc succès auprès des ménagères de cette wilaya. Et puis, il y a « les anciens », nos grand parents et arrières grands parents qui on connu une autre Algérie.
Tout au long de ma vie, je me suis attaché à rester proche cette nature, malgré que je sois né dans une des mégapoles les plus urbanisée du monde : Paris.
L’Algérie, celle de mes vacances scolaires a été le lien le plus fort que j’ai eu avec la Nature. A Guerbes, puis plus tard dans d’autres régions, j’ai rencontré des gens en possession d’une science empirique du fonctionnement des écosystèmes. Celui qui m’a le plus enseigné ce savoir, fut mon grand oncle El Haidi Latréche, un berger d’abord nomade qui s’était ensuite sédentarisé dans la baie de Guerbès.
-« Si tu coupes ce buisson, juste celui là, il va laisser passer le vent. Ici, tu vois, c’est un couloir… Le vent de Guerbès porte en lui le sel et la fouge de la mer. Les baies qui poussent à cet endroit risquent de ne pas lui résister. Et, l’oiseau que j’aime tellement entendre chanter quand je fais ma sieste risque de devoir déménager parce qu’il ne pourra plus les manger ! Il en raffole tellement.
Fais bien attention à ce qui se passe autour de toi, tu vois cette ruche sauvage ? Et bien les abeilles ont choisi cet endroit, justement parce qu’il était à l’abri du vent. S’il disparaît, ce buisson, alors elles s’en iront aussi agacée d’être secouées par la houle des courants d’airs marins. Je ne pourrais plus profiter de leur miel si succulent à une bonne proximité de ma maison. Mon fils, avant de jouer de la machette pour te faufiler plus aisément à travers le maquis, pense que tout qui t’entoure ici est en aussi en vie que toi… »
De nombreux périls menacent la Nature de l’Algérie : la faune et la flore sont en danger, le désert avance, la monoculture et l’utilisation des pesticides semblent se démocratiser, les dunes côtières sont pillés de leur sable, les déchets pullulent, les oueds et les plages sont polluées, l’urbanisation est anarchique ect… Nombre de ces dégradations sont liées à l’action humaine et la phase fulgurante de modernisation du pays.
La communauté scientifique, le tissu associatif, les médias multiplient les actions symboliques et les campagnes de sensibilisation. Cependant, leur marge de manœuvre et leur audience auprès des instances gouvernementales ne sont pas encore suffisantes pour qu’émerge une véritable prise de conscience écologique en Algérie. Ils risquent, d’ailleurs, si la situation n’évolue pas, de se décourager et de retomber dans ce travers si propre aux algériens : le défaitisme….
Ainsi, il existe vraiment une volonté de protéger la Nature en Algérie. Mais celle de la croissance économique est bien plus forte...
Si la société algérienne n'est pas encore mûre pour instaurer une vraie vision écologique sur son territoire, il existe déjà une culture de la Nature qui se doit d'évoluer dans ce sens .
L’Ecologie si elle est considérée à sa juste valeur, c’est un véritable projet de société influant sur tous les domaines d’activités de l’Homme des temps modernes afin que sa quête permanente d’évolution n’entre plus en conflit avec sa présence sur la planète Terre. Tout le monde sur Terre en parle, mais rares sont ceux qui semblent pouvoir vraiment définir ce projet universel qui doit cependant ne pas servir de prétexte à une globalisation outrancière des cultures et des civilisations.
De ce fait on peut dire que l'Ecologie n'est pas une réalité en Algérie, mais, disons plutôt que c'est un concept qui commence à emerger progressivement.
Pour l'instant, certains habitants se soucient de la dégradation de leur environnement, souvent d'ailleurs à l'échelle locale. Des actions ponctuelles sont mises en place mais cela n'est pas suffisant pour parler d'une Ecologie Algérienne dans le sens où il n'y a , dans le discours social, aucune véritable remise en question des fonctionnements de la société algérienne en ce qui concerne l'instauration d'une gestion écologique des ressources naturelles du pays ainsi que de l'activité humaine.
Mais que sait-on à vrai dire de l’Ecologie en Algérie ?Qui en parle? Qui la met en place ?
Est-ce un concept , tel qu'il est devéllopé actuellement, aisé à appréhender pour une société en voie de développement très peu industrialisée ? L'Algérie doit-elle dans ce domaine simplement s'aligner sur les pays développés sans apporter ses propres solutions au reste du Monde?
Ne serait-il pas au fond plus facile d'installer l'Ecologie dans un pays qui se construit encore, et qui n'a donc pas à faire machine arrière pour se mettre au nouvelles normes écologiques mondiales? Pour peu qu'on le désire vraiment , et qu'on accepte le fait que c'est un facteur de progrés et de richesses durables , cela me parait tout à fait envisageable .
Tedjani Karim
Ps: Depuis quelques temps, je vis entre la France et l’Algérie et grâce à Nouara, j’ai la chance de parcourir le pays à la rencontre de gens impliqués dans l’écologie en Algérie et d’être invité à participer à la vie associative et civile de mon pays. Mon regard sur ce pays évolue, et ne correspond plus à celui d’un vacancier mais celui d’un homme né en France qui rêve de pouvoir un jour fonder une famille et élever ses enfants dans une Algérie à sa juste valeure.