13 Avril 2015
L'Agriculture dénaturée
Depuis son avénement en Europe, il y a de cela plus de deux siècles, l'industrie n'a eu de cesse façonner en profondeur l'économie de nos sociétés modernes. Au point même d'en avoir complétement bouleversé une de leurs plus essentielles composantes : la façon de se nourrir, et donc de produire de la nourriture.
En effet, l'agriculture, matrice millénaire de toute civilisation humaine, n'a pas échappé à cette révolution globale. La quantité, la productivité ont ainsi pris le pas sur la qualité , autant que la saveur des fruits et légumes consommés par des millards de gens à travers le Monde. Il parait à présent impensable, pour une grande majorité des agriculteurs, de cultiver la plupart des denrées alimentaires que nous consommons quotidiennement sans un apport massif de mécanisations en tout genre, et encore plus de chimies. De même qu'il n'est plus concevable pour nombre de consommateurs de laisser le cycle naturel des saisons agricoles s'immiscer dans leur régime alimentaire, devenu ainsi global, au détriment de toute approche locale et saisonnière.
Cela a-t-il cependant vraiment résolu le problème de la faim dans le monde? Rien n'est moins sûr, et il n'est pas exagéré de considérer que cette industrialisation intensive de nos cultures n'a eu de cesse d'avoir des impacts néfastes autant sur notre santé que sur l'environnement.
Pendant longtemps, nos agriculteurs algériens, pour de nombreuses raisons plus ou moins louables, n'ont pas eu d'autres moyens et choix que de pratiquer leur activité avec un accès très restreint aux engins agricoles ainsi qu'aux intrants chimiques qui ont fait les grandes heures-sombres- de l'agriculture de masse.
Un mal pour un bien...
L'Algérie, dans ce domaine, accuse un réel retard qui, s'il est considéré par nombre de politiques et d'économistes nationaux comme un sérieux handicap à son dévellopement économique, n'en reste pas moins, aux yeux beaucoup de consommateurs algériens, comme étant un mal pour un bien. Pour preuve, le goût et la valeur nutritive des fruits et légumes cultivés en Algérie reste largement supérieurs à la plupart de ceux produits dans les pays qui ont fait de l'agriculture intensive et pétrochimique une doxa irréfutable.
D'autant que, là même où l'agriculture a été industriante à la démesure, il est de plus en plus question d'en remettre en question les fondements et de revenir à des procédès plus naturels. Ici, le "bio" et ses approches corollaires apparaissent comme des alternatives incontournables à l'avenir.
Mais les choses semblent à présent s'inverser...
La tendance parmi les fellahs algériens va inéxorablement à rebours de cette prise de conscience pourtant si salutaire en Occident. Ils pratiquent de plus en plus une agriculture qui n'a plus de moderne que l'apparence et dont le fond est résolument source de comportements irrésponsables et écocidaires. Surtout que les procédés et intrants utilisés avec une ferveur de plus en plus préocupantes par ces derniers sont le plus souvent parmi les moins respectueux de l'environnement ainsi que de la santé publique; parfois même, ils sont déjà interdits en Europe, par exemple.
L'Agriculture dénaturée
Depuis son avénement en Europe, il y a de cela plus de deux siècles, l'industrie n'a eu de cesse façonner en profondeur l'économie de nos sociétés modernes. Au point même d'en avoir complétement bouleversé une de leurs plus essentielles composantes : notre façon de nous nourrir, et donc de produire de la nourriture.
En effet, l'agriculture, matrice millénaire de toute civilisation humaine, n'a pas échappé à cette révolution globale. La quantité, la productivité ont ainsi pris le pas sur la qualité ainsi que la saveur des fruits et légumes consommés par des millards de gens à travers le Monde. Il parait à présent impensable, pour une grande majorité des agriculteurs, de cultiver la plupart des denrées alimentaires que nous consommons quotidiennement sans un apport massif de mécanisations en tout genre et encore plus de chimies. De même qu'il n'est plus concevable pour nombre de consommateurs du monde entier de laisser le cycle naturel des saisons agricoles s'immiscer dans leur régime alimentaire devenu ainsi global, au détriment de toute approche locale et saisonnière.
Cela a-t-il cependant vraiment résolu le problème de la faim dans le monde? Rien n'est moins sûr, et il n'est pas exagéré de considérer que cette industrialisation intensive de nos cultures n'a eu de cesse d'avoir des impacts néfastes autant sur notre santé que sur l'environnement.
Pendant longtemps, nos agriculteurs algériens, pour de nombreuses raisons plus ou moins louables, n'ont pas eu d'autres moyens et choix que de pratiquer leur activité avec un accès très restreint aux engins agricoles ainsi que les intrants chimiques qui ont fait les grandes heures-sombres- de l'agriculture de masse.
Un mal pour un bien...
L'Algérie, dans ce domaine, accuse un réel retard qui, s'il est considéré par nombre de politiques et d'économistes nationaux comme un sérieux handicap à son dévellopement économique, n'en reste pas moins, aux yeux beaucoup de consommateurs algériens, comme étant un mal pour un bien. Pour preuve, le goût et la valeur nutritive des fruits et légumes cultivés en Algérie reste largement supérieurs à la plupart de ceux produits dans les pays qui ont fait de l'agriculture intensive et pétrochimique une doxa irréfutable.
D'autant que, là même où l'agriculture a été industriante à la démesure, il est de plus en plus question d'en remettre en question les fondements et de revenir à des procédès plus naturels. Ici, le "bio" et ses approches corollaires sont apparaissent comme une alternative incontournable.
Mais les choses semblent à présent s'inverser...
La tendance parmi les fellahs algériens va inéxorablement à rebours de cette prise de conscience salutaire en Occident. Ils pratiquent de plus en plus une agriculture qui n'a plus de moderne que l'apparence et dont le fond est résolument source de comportements irrésponsables et écocidaires. Surtout que les procédés et intrants utilisés avec une ferveur de plus en plus préocupantes par ces derniers sont le plus souvent parmi les moins respectueux de l'environnement ainsi que de la santé publique; parfois même, ils sont déjà interdits en Europe, par exemple.
Un fellah au sens le plus noble du terme
Mais, heureusement, cette fièvre n'a pas encore gagné tous nos paysans et, certains, comme celui que j'ai eu le plaisir de rencontrer à Ain Telouchent, sont restés fidèles à une agriculture saine et responsable, devenant ainsi, paradoxalement, les pionniers de l'agroécologie algérienne de demain.
"Nos aïeux ont toujours considérés l'agriculture comme étant bien plus qu'une simple ativité économique; c'est la colonne vertébrale de l'Algérie. En tant qu'agriculteur, je me sens responsable de tous les fruits et légumes que je produis. Les valeurs que l'on ma inculqué depuis ma plus tendre enfance m'interdisent de mettre en danger la santé de mes clients, encore moins l'intégrité des paysages de ma région." me confie M. Benyoucef Benabdellah, et cela dès les premiers instants de notre entretien.
"Je ne suis pas dupe de ce qui est en train de ce passer autour de moi. Les pesticides et les engrais chimiques qui innondent à présent la plupart des terres en Algérie sont dangeureux sur la durée, plus qu'utiles à court terme. Je n'ai pas pour habitude de gagner mon argent malhonnêtement, et de ce fait, je ne peux me résoudre à en faire usage. Tanpis si mes récoltes sont moins productives et si parfois je suis perdant quand elles sont ravagées par les parasites ainsi que les maladies. Je me plie sans le moindre regret à la volonté d'Allah.Ma récompense est de me coucher tous les soirs avec la conscience tranquille..." ajoute ce veil homme dont l'énergie et la sincérité ne peuvent qu'imposer le respect ainsi que de lui accorder une oreille plus qu'attentive.
"Ce qui m'étonne beaucoup, c'est que depuis que l'on nous a vendu l'agriculture moderne et son lot de semences hybrides, d'engrais chimiques et de pesticides, de nouveaux fléaux sont apparus dans nos champs. Encore plus, la santé des gens s'est dégradée et cela ne semble pas aller en s'arrangeant. Je n'ai pas confiance en cette approche, d'autant que j'ai en ma possession bien d'autres moyens pour cultiver mes terres sans les abîmer. Tout ce que je récolte est naturel, et, je n'ai besoin pour cela que de respecter à la lettre mes traditions..."
Notre fier et attendrissant fellah, reste fidèle au fumier, à la zoubia et parcelle ses champs avec des haies végétales qui les protègent autant du vent qu'elles attirent où éloignent nombre d'insectes et en préservent ainsi ses légumes.
Il suffit de parcourir sa terre, cultivée dans un cadre des plus féerique, sur un plateau surplombant les plages de Melouz et Wardania, pour adhérer à son point de vue, et cela sans la moindre hésitation. Ici, en cette saison printannière, on cultive l'orge, le courdon, les haricots verts, les fèves, les oignons blancs, la carotte, la pomme de terre sans le moindre apport chimique, tout en privilègiant au possible les espèces locales. La pratique de la jachère et l'association des cultures sont un sacerdoce auquel il ne déroge jamais. Encore plus, la grande biodiversité qui fleurit autour de ses récoltes est là pour témoigner de la pertinence de son postulat, qui fait la part belle au respect d'une nature environnante dont la beauté est à mon avis le principal indice de réussite.
Le bio au naturel
D'ailleurs, lors de cette rencontre, Nouria, une "colibri" d'origine algérienne et donc adepte de la philosophie de Pierre Rabhi, a été ravie de constater que, sans connaitre ce célèbre militant et activiste de l'agro écologie à travers le monde, notre hôte appliquait naturellement beaucoup des fondements et procédés prônés par cet homme inspiré. Elle s'est rendu dans l'oranais afin de militer, mais, aussi et surtout, de se rendre compte par elle-même du contexte et de l'état d'esprit algérien en matière d'agriculture.
Mme Baba Ahmed, présidente de l'association oranaise "Main dans la Main", une fervente militante pour la préservation de la nature algérienne, en tant qu'environnement, autant que la matrice d'une grande richesse culturelle, était également aux anges en parcourant les champs de M. Benabdellah. Il faut dire que son principal crédo est "la biodiversité dans nos assiettes" et c'est d'ailleurs à ce titre qu'elle a acceuilli Nouria pour lui montrer à quel point, en Algérie, c'est une valeur qu'il faut défendre.
Hadjira Abdellaoui, une des rares et parmi les premières expertes en matière d' agriculture "bio" en Algérie, fut notre lien avec cet agriculteur au plus noble sens du terme. Elle travaille d'ailleurs, avec de nombreux fellahs de sa région et milite à travers tout le pays pour qu'un label bio existe en Algérie. Elle anime également une émission radio locale, à Ain Temouchent.
"C'est un travail de longue haleine; d'autant que dans notre pays, les mentalités sont très dures à changer. Nos agriculteurs ont de plus en plus de mal à réaliser que l'agriculture à laquelle ils aspirent, et que les autorités semblent résolus à les inciter de pratiquer, ne sont plus d'actualité; ni pertinents pour dessiner les contours de l'agriculture algérienne de demain. C'est pourquoi j'accorde un soin tout particulier à soutenir ceux comme Benyoucef qui sont comme moi convaincus que le "bio" est l'avenir de cette activité en Algérie..."me confiera-t-elle souvent lors de nos régulières rencontres en Algérie.
Les conditions d'un déclin programmé
"Je suis amoureux de ma terre autant que fier de l'agriculture que je pratique. Elle a toujours porté ses fruits et je reste convaincu que c'est la meilleure voie pour notre pays; parce qu'elle respecte la santé des consommateurs et qu'elle ne dénature par nos paysages. Mais, je ne peux qu'être révolté par la timidité des autorités pour aider les gens comme moi dans leurs entreprises. Je ne demande ni matériel coûteux, ni subventions de la part de nos gouvernants. Ce que j'attends d'eux, par exemple, c'est un meilleur cadre de vie pour mes enfants ainsi qu'un accès à l'eau plus facile et régulier. Pour cultiver ma terre, je dois acheminer cette denrée rare à l'aide de moteurs à gaz-oil et, quand je me rend régulièrement à la pompe à essence dans ma région, je ne peux que déplorer le fait qu'elles elles sont régulièrement vidées par les trafficants qui la revendent illégalement et à prix d'or au Maroc. Sans ce carburant, je ne peux irriguer correctement mes terres...C'est un véritable scandale!" s'indigne M. Benabdellah.
"Je ne peux en vouloir à mes enfants de ne pas envisager de prendre ma rélève. Les conditions de vie et de travail sont harrassantes en zone rurale. Ma génération avait la force d'éprouver tout cela; surtout, nous n'avions pas d'autre choix. Mais les temps ont changés et ils aspirent à une vie plus confortable, l'éducation et des perspectives d'avenir plus sereines. L'agriculture, telle que je m'acharne à la pratiquer, n'est plus attractive pour les nouvelles générations. De ce fait, la main d'oeuvre vient à manquer, tandis que c'est la main de l'homme, le dur labeur de gens passionnés et non la mécanisation à outrance, les produits chimiques et l'appât du gain facile qui permettront de nourrir les gens tout en respectant leur santé ainsi que la nature...", le constat est sèvère!
Notre pays est à la charnière d'un monde où de tels agriculteurs responsables seront soit les derniers des mohicans d'une agriculture algérienne authentique ou bien, je l'espère, les pionniers de celle de demain, productive et saine à la fois...