16 Juin 2015
Les mots relient notre monde matériel, un espace fini, à un écosystème immatériel sans autre limite que notre capacité à l’imaginer ainsi qu’à le définir. C’est pour cela que, de tous temps, ils occupent le devant de toutes les scènes où l’Homme s’est imposé comme un acteur de premier plan. Quelle influence peuvent-ils bien exercer sur notre perception de ce que l’on nomme officiellement « l’Environnement » ?
Les mots-clefs d'une bulle sémantique
Parfois, un seul mot peut avoir un pouvoir très prégnant sur la mentalité et les comportements de toute une société. « Crise », par exemple n’est-il pas un de ces noms communs qui sonne dans la tête de milliards de citoyens-consommateurs comme un diapason ? Crises financières, crises écologiques, crises sociales, crises politiques, crises d’angoisses ou d’achats compulsifs, on dirait que l’environnement « capitalisme mondial » se résume à un vaste système pyramidale de crises dont seules quelques franges minoritaires de notre espèce semblent en connaitre le véritable sens.
Dans la langue chinoise, parait-il, l’association d’idéogrammes correspondant au terme « Crise » définit autant un péril soudain qu’une opportunité à venir. C’est peut-être cette particularité linguistique qui rend les chinois si peu fatalistes face à la crise mondiale affectant de plein fouet leurs partenaires occidentaux. Mais, que vaut ce miracle industriel en Terre du Milieu, depuis qu’elle est devenue le terrain de prédilection de tous les extrêmes ? Surtout quand il s’agit d’environnement. Car en Chine, plus qu’ailleurs, le prix d’une croissance économique continue et fulgurante est-déjà celui d’une facture écologique qui risque d’être, à moyen terme, des plus fatales pour l’économie de cette super puissance asiatique. Cette crise écologique sera peut-être aussi le facteur déclencheur d’une nouvelle séquence du développement économique chinois...
« Crise !». Et, partout les mêmes mots d’ordre qui résonnent sur la place publique comme un l'écho d'un forum rebondissant contre les parois d’une caverne profonde. D’une latitude à l’autre de ce globe, on harangue les masses aux « changements », aux « mutations », aux « révolutions ». On espère le « Printemps ». Mais , un printemps, n’ est-ce pas un changement cyclique au sein d’une révolution permanente qui, pour perdurer, est capable de muter sans jamais modifier la nature fondamentale de son système d’existence ? En bref, ce n’est qu’une une saison. Certes d’effervescences et de bouleversements éphémères, mais qui ne remettra jamais en question le cycle dont elle nourrit la dynamique éternelle...
De même, l’armada de mots qui définit globalement l’ « Environnement Mondial » est avant tout un système ingénieux de conservation qui se farde des plus nobles atours d’une vague de changements. Mais, il me semble, toutes ces révolutions polissées paraissent anticipées de toute pièce; tant leur déroulement s’enchaîne toujours selon la même logique : après le printemps doit impérativement venir l’été, l’automne, puis l’hiver et ainsi de suite. Derrière ces mots, les intentions qu’ils véhiculent, sont-elles aussi innocentes que pourraient le suggérer tous ces euphémismes sophistiqués derrière lesquels ils se griment?
Croissance durable et dévellopement continu
Prenons l’exemple du « Développement durable », ancêtre sémantique de « l’Economie verte ». Un développement est le produit de l’action de se développer. Qui signifie, en langage purement capitaliste : produire de la croissance économique ; si possible de manière exponentielle et continue. Pour beaucoup des acteurs de la croissance continue, c’est une expression qui rassure au fond. Puisqu’elle semble indiquer que si tout va changer... l’essentiel va durer, lui aussi ! Après tous ses changements qui n'auront fait que modifier la forme de ce qui ne doit pas changer. Il faudra juste montrer patte verte. Avoir pour cela un discours cohérent, savoir jouer sur les mots et les modes, et puis, dans l’action, rester très discrets. Tant que le développement de telle ou telle multinationale n’est pas remis en question, il peut bien avoir toutes les apparences. Il suffit qu’il garantisse à tout ce beau petit monde dans le monde que le développement sera toujours durable pour eux ; faute d’être soutenable pour nous et notre environnement. Le développement humain, vertueux ou non, restera toujours une affaire de gros sous pour ces gens-là. A y regarder de plus près, une croissance qui dure , un développement continu, le développement durable, la prestidigitation est trop tentante pour n’importe quel maître escroc...
« Le développement » est également un mot souvent associé au bien-être humain dans une littérature qui a depuis toujours eu un franc succès parmi des consommateurs issus des franges les plus aisées de la population mondiale. Celui de cette sacrosainte personnalité capable d’ouvrir toute les clefs du bonheur individuel et -accessoirement pour certains- d’un bien-être collectif. C'est aussi le synonyme d'un confort, le "développement". Même d'une forme de civilisation. Garantir un certain confort durable, qui devra cependant paraître moins cruel pour les pays du Sud, tout en garantissant tacitement la suprêmatie culturelle des nations du Nord.
Pour moi, et tant d'autres, n'est durable dans l'espace qu'un épanouissement humain qui n'a plus besoin de croissance pour se dévelloper. C'est cela, à mon sens le dévellopement durable pour l'Humanité et soutenable pour la Planète. Evoluer, plus que se développer. Mais je préfère de loin le seul mot économie, sans autre allié, pour exprimer cette idée. Car pour moi le rôle de l'économie c'est veiller au bien-être d'une grande famille au sein d'un grand foyer, tout en donnant à chaque individu aurait les moyens financiers et intellectuels de s'épanouir individuellement au sein de leur communauté.
Ainsi, le concept de « développement durable », selon les subjectivités de chacun, peut servir des perspectives qui ne sauraient se rencontrer qu’à la façon d’un visage et de son reflet dans un miroir déformé.
Voici juste un simple exemple d’une formule de langage qui peut avoir une influence tout à faire différente, selon le sens que l’on s’est accordé à lui donner. Sommes-nous tous et toutes d’accords ou au fait de leur signification ? Sommes-nous toujours vraiment capables d’appréhender la véritable nature du milieu dans lequel nous évoluons ? J’entends par là, dans les termes avec lequel on nous a appris à le définir? Le champ lexical de l’Environnement, en Algérie, comme ailleurs, est-il vraiment un écosystème de mots justes en qui il est possible d’avoir une totale confiance ?
Cherchez l'intrus!
« Pourquoi cela serait-il si important ? » Vous me direz peut-être... « Ce ne sont que des mots après tout ! Seul compte le concret ! » Certains d’entre vous seront même tentés de me rappeler dès à présent. J’en appelle pour l’instant à leur patience ainsi qu’à leur curiosité et leur prie de bien vouloir me laisser dérouler petit à petit le fil conducteur de ce petit pamphlet entre les lignes. Tout d’abord contre les détournements de langage dont souffre constamment la dialectique de l’Ecologisme mondial et politiquement correct, puis contre notre paresse à les démasquer...
Il est évident que les mots occupent une grande place dans notre environnement. Ils nous influencent au quotidien d’une manière à la fois déductive et inductive. Ils nous entourent. Des panneaux publics, aux affiches publicitaires, des papiers d’identités aux conventions internationales, des galaxies de mots, matériels ou immatériels, ont investi notre espace vital afin de dessiner peu à peu les frontières du monde d’idéologies privées et d’opinions publiques dans lequel nous sommes à présent cloisonnés. Des idées, des concepts, des expressions, des slogans, une foule de termes se mélangent à chaque instant dans notre champ de perception ; habitent notre esprit, un peu comme le parfum d’un encens se confond subtilement dans la chimie d’un air ambiant.
Si par exemple j’écris le mot « nature », alors une foule de réminiscences qui ont été gravées dans votre mémoire collective viendront sans aucun doute vous traverser l’esprit. De la verdure, des arbres, des animaux sauvages, nos dessins d’enfants, l’odeur de l’herbe, des flashes de documentaires télévisés, de scènes de films ou bien de romans littéraires ; cela pourrait être ce genre d’association d’idées, par exemple. Mais, en Algérie, pour certains, le mot nature peut évoquer aussi, malheureusement, de bien douloureux souvenirs, un espace de danger potentiel. Une époque pas si lointaine où cette nature était le théâtre d’une sauvagerie qui aura laissé des plaies profondes dans la mémoire de la société algérienne.
Un seul mot, prononcé ou écrit, et c’est tout un monde immatériel qui apparaitra progressivement autour de vous. Le langage est un environnement virtuel doté d’un pouvoir immense sur la réalité physique dans laquelle évoluent ceux qui l’ont inventé, les êtres humains. Et cela « depuis que le monde est monde ». Ce qui revient à dire, dès l’instant où cet environnement a été défini par ce mot ...
Au commencement, le Verbe...
Tout d’abord, on pourrait rappeler que, dans les trois religions monothéistes, notre ancêtre commun, Adam, nous est décrit comme la seule création de Dieu capable de nommer toutes les choses inertes ainsi que les êtres vivants qui l’entourent. C’est-à-dire de mettre un ou plusieurs mots sur leur nature. Même les Anges, du haut de leurs immenses pouvoirs, durent s’incliner devant une telle capacité. Le « Verbe » est une parole dont l’influence sur l’Environnement de milliards d’individus et de communautés est assez facile à admettre. N’appelle-t-on pas « Les Gens du Livre » tous ceux qui croient au même Dieu Unique ? Le Dieu qui semble avoir choisi la Parole pour délivrer son Message à l’Humanité. C’est d’ailleurs dans l’Islam que le Texte, « El Kitab » prend une dimension encore plus sacrée. Car un miracle ne devient plus une action physique commise par un prophète inspiré de la main de Dieu, mais l’existence même d’un Livre, formidable écosystème sémantique, dont la perfection divine reste encore à ce jour inégalée. Une architecture parfaite de mots habités par un Message d’infini absolu...
D’un point de vue beaucoup moins théologique, il est courant d’entendre que, bien plus que sa posture verticale ainsi que l’ergonomie de ses mains, c’est l’extrême importance du langage dans son développement qui démarque l’être humain du reste de la nature. Au fur et à mesure qu’il s’initiât à l’art des mots, tout comme il apprit le Feu, ils prirent peu à peu dans une dimension métaphysique. Les mots ne jaillissaient plus seulement des lèvres qui les prononçaient, ne coulaient plus uniquement des pointes enduites d’encre. Ils habitaient l’esprit qui animait le corps qui les avait matérialisés. L’Humanité se différencia ainsi du reste des espèces vivantes sur Terre par une aptitude exclusive« Je pense donc je suis » de Descartes n’est-elle pas une formule qui consacrera, au nom de la raison, le langage au rang de nature fondamentale de l’existence humaine ? Puisque penser, c’est au fond dialoguer avec soi-même. Pour beaucoup, la parole semble la frontière la plus évidente qui sépare la pensée humaine de l’instinct animal....
N’a-t-on pas non plus coutume d’accorder aux avancées de l’écriture une influence majeure sur le développement économique humain ? Au même titre que la découverte du feu, l’invention de l’agriculture, de l’élevage ; mais aussi de la science et de la culture. Ces dernières se sont elle-même largement développées depuis qu’une invention chinoise fut perfectionnée en Europe, au milieu du XIVème siècle : l’imprimerie. Une machine à graver des mots en quantité industrielle. Etrange hasard ou ironie de l’Histoire, quelques décennies plus-tard, en 1492, la découverte des Amériques et l’invention du concept « Nouveau Monde » sonnèrent inexorablement le glas du Moyen Age...
La parole industrialisée...
Cette technologie, en industrialisant le langage des mots, bien des siècles avant le travail, ou tout autre production humaine, aura permis l’avènement progressif de la révolution industrielle qui rendit de telles ambitions possibles. Cette révolution internationale engendrera une culture mondiale qu’Internet est en train de matérialiser dans un espace de moins en moins virtuel. Puisque son influence sur nos quotidiens est, elle, de plus en plus réelle. En détrônant l’écriture manuscrite, son lot de lenteurs et d’erreurs de copie, la machine à imprimer fit ainsi basculer d’Orient vers l’Occident le pôle de la connaissance et du savoir ; de la Mésopotamie à Mayence, là où Gutenberg produisit le premier livre imprimé mécaniquement… Une Bible...
Notre siècle, plus que tous les autres qui l’ont précédés, semble annoncer une ère ultra cybernétique qui est en passe de faire de la collecte et du traitement de l’information une valeur suprême, ainsi que la source d’un pouvoir phénoménal. Les réseaux sociaux virtuels sont devenus progressivement de véritables mines d’or pour ceux qui en filtrent les pépites avec des moteurs de recherche. En guise de tamis sémantiques, pour extraire de ce flux torrentiel de données les plus précieux « mots-clefs » ou les informations les plus rares. C’est un monde où se jouent les immenses fortunes et pouvoirs de demain, à la vitesse de la microseconde. Cette époque n’est au fond que le prolongement logique d’une quête plusieurs fois millénaire. Qui n’a pu traverser les générations humaines qu’à travers la conservation consciente et subconsciente d’une matrice collective d’images, de sons et surtout de mots. Faire d’une idée une réalité, d’un mot un pouvoir... sur un monde d’illusions...
Il y aurait tant à dire sur les mots. Bienheureusement la littérature à ce propos est, fut et sera toujours fort prolifique. De grands esprits se sont penchés sur un sujet que je suis loin de maîtriser. Je vous invite donc à les consulter, comme je commence à le faire. Malgré cette longue entrée en matière, cet article n’a aucunement la prétention, ni l’ambition, de retracer toute la chronologie ou la chronique de la formidable épopée du langage humain. Je me suis tout simplement permis ces quelques paragraphes afin d’insister sur l’importance des mots dans la condition humaine. Ils sont la matière d’un environnement, invisible ou non, auquel aucun être humain vivant en communauté ne peut échapper totalement...
L'Environnement polyglotte algérien
Que pourrait-on dire, à ce propos, de l’Algérie ? A-t-on bien pris soin de définir le mot « environnement » ainsi que ses corollaires avant de prodiguer des lois sur l’Environnement ? Et cela sous le prisme d’une pensée nationale..
Certes, le sujet est si vaste, même à l’échelle d’un seul pays. Surtout quand il a de surcroît la taille d’un continent. Même si sa population n’atteint même pas celle d’un bien plus petit territoire, l’Italie. « Ecologie », « Développement durable », « Economie verte », « écologiste », combien de fois n’ai-je pas entendu prononcer ses mots autour de moi. En Algérie, j’ai souvent constaté, lors de mes nombreux voyages, que la définition de ces termes pouvait varier d’un individu à l’autre. Avec une amplitude qui, je dirais, dépendra largement de l’implication ou non de son réseau social dans ces questions. Je permets de signaler cette fâcheuse tendance, tant cette schizophrénie m’a paru flagrante à chaque fois que je questionnais un tel ou un tel sur sa compréhension d’un sujet relatif à la notion d’environnement. A part, bien entendu, les quelques rares écologues que j’ai pu rencontrer et qui savent normalement définir au moins scientifiquement les éléments d’environnements qui les concernent.
Et puis , l'Environnement, en Algérie, a toujours été une question très politique. "L'Algérie n'est pas une simple expression géographique mais plutôt un programme d'action et une philosophie politque", telle est la sentence de feu Houari Boumédienne, lors d'un discours à Tizi Ouzou (publié en 1974 dans El Moujahid)...
Toute la difficulté d’analyser le rapport sémantique entre les Algériens et leur environnement, réside d’ailleurs essentiellement dans le fait qu’ils l’expriment le plus souvent dans plusieurs langues. Leur approche de cette réalité physique et culturelle est donc multidimensionnelle. Puisque on peut considérer que chaque système linguistique est un monde à lui tout seul. Certaines langues comme le chinois, de par leurs utilisations d’idéogrammes développent des concepts qui sont à des années lumières de ceux exprimés par des phonèmes. Les Algériens jonglent régulièrement entre plusieurs champs lexicaux pour définir la même chose, au même endroit. Cela ne peut que fragmenter forcement toute analyse de l’environnement pour ces Algériens qui ne parlent pas toujours la même langue quotidienne. Est-ce une tare ? Je vous répondrais que chacun est libre de penser qu’il est impossible de transformer le plomb en or ou de tremper une souris verte dans de l’huile pour en obtenir un escargot bien chaud...
Je parle personnellement le français, qui est ma langue maternelle, couramment le Derija de l’est algérien, qui est ma langue d’origine ; j’ai de bonnes notions en anglais universel. Mais, ne maîtrisant pas l’arabe classique, ni toutes les variantes du Tamazigh parlées sur notre territoire, je suis conscient que mon approche résolument francophone de la question réduira fortement la portée de cette réflexion. Mais, comme dit un jour un fameux colibri à un lion étonné de le voir tenter d’éteindre un feu avec ses minuscules ailes, « je me contente de faire ma part » et j’espère donner envie à des gens biens plus compétents que moi d’approfondir ces questions, notamment parmi les intellectuels arabophones ainsi que ceux qui parlent le Tamazigh.
Cette défaillance ainsi identifiée et assumée, reprenons, si vous le voulez bien, le fil d’Ariane qui doit nous éviter de trop nous perdre dans le labyrinthe des sujets corollaires à mon thème principal. Revenons, tout d’abord, un instant, aux Textes Sacrés dont l’empreinte sur notre environnement demeure encore omniprésente, surtout en Algérie. Pour évoquer une lacune de la société algérienne contemporaine- et de tant d’autres d’ailleurs- , quand il est question d’environnement. Car si la nature si particulière de l’Homme est de savoir nommer les choses, il est cependant fortement suggéré dans les textes religieux qu’il le fait avec des mots justes et précis. D'ailleurs, dans cette théologie, le principal atout de l'ange du mal pour 'abuser l'Humanité est le mensonge; un malicieux travestissement du sens des mots.. Ces évoquations sont pertinentes dès lors que l’on s’intéresse à un des fondements de la Démocratie : l'éthique du dialogue.
La politique des mots justes
Aucun dialogue social ne peut être vraiment démocratique, si les termes employés ne sont pas définis de manière commune et équitable entre tous ses antagonistes. Les mots peuvent nous éclairer, nous guider, nous rassembler certes. Mais à bien des égards, aussi, ils savent nous égarer, nous méprendre, nous diviser. D’où l’importance de toujours en connaitre la signification courante, mais aussi la plus hermétique. Car c’est souvent derrière une épaisse écorce de langue de bois que se trouve la substantifique sève de vérité que recèle chaque phrase habilement manipulée par ceux qui dessinent les contours d’un environnement qui n’est pas le leur mais celui de leur prévarications.
Quand les mots sont faussés ou mal compris, ce qui nous entoure et nous influence devient alors, petit à petit, une bulle sémantique. Une sphère invisible dont notre incapacité à la définir par des mots sincères la rend presque impossible à démasquer. La parole publique devient alors une prison, un environnement clos dont les murs sont des accumulations de perversions linguistiques. Volontaires ou empiriques, peu importe, ce qui est le plus déplorable dans cette affaire, c’est qu’ils maintiennent en vie un système de mensonges éco-suicidaires.
Prenons le simple exemple du terme environnement. Que signifie-t-il vraiment ? Si ce n’est d’abord un écosystème de mot dans lequel une communauté d’êtres humains s’est enfermée. Est-ce tant l’arbre qui vous influence à présent que son image persistante dans biens des symboles fondateurs de notre société ? Combien d’entre nous ont pris le temps de caresser l’écorce de l’arbre croisé chaque jour au détour d’une ruelle de son quartier ? Il en va de même pour cette « nature » que nous aspirons à protéger sans avoir trouvé le moyen de nous préserver nous-même d’un système de vie qui nuit à notre propre santé...
Environnement, nature ect...
Dans l’esprit de trop de gens, l’environnement et la nature se confondent ; comme la protection de l’un et de l’autre. Pourtant on peut protéger un environnement qui nuit terriblement à la nature, notamment quand on est lobbyiste pour une multinationale impliquée financièrement dans l’exploitation de telle ou telle ressource naturelle. Plus d’ailleurs qu’il n’est possible de protéger une nature dont nous ne sommes pas les maîtres, malgré les apparences. On pense trop souvent, aussi, que la biodiversité et cette même nature sont synonymes ; pourtant le premier terme désigne une dynamique et l’autre un sujet dont l’image est souvent figé dans le temps par notre mémoire. Cela peut nous donner l’impression que la biodiversité d’un site ne doit jamais évoluer. Or tout environnement qui se fige est condamné soit à disparaitre, soit à devenir un zoo à ciel ouvert, c’est-à-dire une prison environnementale. De la nature, en fait, il ne faut conserver que la biodiversité, cette dynamique la rendant capable de se renouveler à chaque nouvelle séquence de l’Evolution de la planète qui nous héberge.
Cette même nature nous est présentée comme extérieure à notre condition humaine, comme si elles étaient presque antagonistes. « L’Homme et la Nature », au mieux, « L’Homme dans la Nature », « L’Homme contre la Nature », au pire. Mais rarement on ne soutiendra officiellement que l’Humanité c’est aussi la Nature, car ce concept n’existe en fait parce qu’il a été inventé par des êtres humains. Un peu comme le terme campagne n’a de sens que parce qu’il définit ce qui n’est pas une ville. Cela incombe que si chronologiquement les campagnes apparurent avant les villes, sémantiquement, ce mot a été inventé bien après l’existence des villes...
Il y aurait tant à dire sur les mots qui nous entourent et nous influencent comme un environnement visible et invisible. Le format d’un article de blog a ses limites qu’un si vaste et préoccupant sujet ne mérite pas. C’est d’un travail d’experts et non celui d’un amateur qu’il s’agit. Que ces derniers me pardonnent l’éventuelle faiblesse de mes raisonnements ; ils ne sont surtout le fruit de mon inexpérience et ne doivent pas faire oublier ma bonne volonté. Certes, je me suis attelé à une tâche qui pourrait rappeler le défi d’un crapaud lancé au bœuf !
Tous ces mots abstraits ont un pouvoir sur la réalité qu’il ne faudrait jamais sous-estimer. C’est pourquoi, quand on parle d’environnement, on ne peut que rester vigilants sur leur signification. Je pourrais conclure en supposant qu’une bonne parole ne peut devenir acte sain , qu’à la seule condition que ceux qui l’ont émise et ceux qui l’ont perçue, utilisent un langage commun dont le vocabulaire est défini de manière équitable et sincère entre tous les antagonistes d’un même dialogue.
Je me contenterais plutôt de vous dire tout simplement que les mots « équilibre », « tolérance », « responsabilité », « conscience », « curiosité », « respect », « confiance » , "intégrité" et tant d’autres manquent cruellement à l’environnement actuels des Algériens.
A qui la faute ? Telle est la question...