26 Juillet 2016
Source Web
c’est la construction même du problème climatique qui a besoin d’être revue
LE RÉGIME CLIMATIQUE ONUSIEN : UNE EXPERTISE À REPENSER Amy Dahan aborde la question de la gouvernance climatique et plus précisément celle de l’expression de l’expertise dans le cadre du régime climatique onusien et sur la scène internationale. Au départ de son analyse, un rappel : celui de la vision hégémonique des relations entre science et politique qui a présidé aux négociations climatiques. Ce sont en effet en premier lieu les chercheurs qui ont alerté sur le risque climatique. Dès 1978, les rapports scientifiques, à destination du politique, ont ainsi contribué à rendre centrale la question de l’incertitude. De fait, le problème climatique s’est construit sur le modèle du « science first ». Dans ce contexte, l’expertise s’est quant à elle construite selon un modèle linéaire revendiqué par les scientifiques eux-mêmes. L’idée de ce modèle est la suivante : les scientifiques produisent des analyses pertinentes pour les politiques mais non prescriptives. Les deux mondes - science et politique - sont alors présentés comme clairement séparés. Or une analyse du fonctionnement du résumé pour les décideurs réalisés par le GIEC permet de mettre en évidence le décalage entre le mode opératoire affiché du modèle et la réalité. En effet, contrairement au millier de pages du rapport, ce résumé de 30 pages, adopté avec les représentants des Etats, doit faire l’objet d’un consensus où chaque mot est pesé. Il s’agit donc là d’un processus éminemment politique. Le GIEC lui-même a été très critiqué à partir des années 90. On lui a notamment reproché une trop grande proximité avec la science du nord et son manque de considération de la variété des réalités du globe. Il a par ailleurs été attaqué sur sa vision trop globale du problème climatique - limitant de fait la prise en compte des problématiques des pays en voie de développement. Une vision globale considérée pour beaucoup comme responsable de l’échec de Copenhague. Rien d’étonnant donc à ce que cette focalisation sur la science - qui a elle-même conduit à un globalisme politique - ait progressivement conduit à un rejet du GIEC, notamment dans les années 90. Conscient des critiques qui lui était adressées, le GIEC a alors eu l’intelligence de faire un effort de réforme. De nombreux rapports spéciaux relatifs aux préoccupations des pays du sud ont alors été mis en chantier et a vu se développer les co-présidences Nord-Sud. Quoi qu’il en soit, le modèle d’expertise du GIEC a aujourd’hui besoin d’être revu. « Plus généralement, c’est la construction même du problème climatique qui a besoin d’être revue. Nous ne pouvons pas continuer à considérer que la gouvernance climatique ne se fonde que sur la science. En fixant des objectifs à l’horizon 2100, la science seule semble aujourd’hui trop éloignée des problèmes locaux, concrets, matériels. Nous de- vons par ailleurs commencer à repenser le climat comme un problème, non pas uniquement environnemental, mais aussi économique, géopolitique, de civilisation », conclut Amy Dahan.