3 Septembre 2016
Chapitre 7
"Le temps d'un Douar..."
A présent que nous avons tenté de comprendre en substance ce que le mot Justice pouvait bien signifier, nous pouvons enfin aborder ensemble la notion de Climat. Ainsi, nous auront de quelques outils d’analyse et de jugement pour considérer l’idée d’une « Justice climatique » avec un peu moins d’inconscience, voire d’ignorance, qu’au départ...
Ne dit-on pas que c’est le voyage qui améliore moralement le voyageur, bien plus que la destination qu’il aspire à atteindre physiquement ? Il me semble évident que l’on ressort toujours plus éclairé après avoir entrepris tel effort sur soi. Pour comprendre les autres, au risque même de parfois s’égarer sur le sens de leurs idées ou bien de leurs intentions. De ces erreurs, seules la mauvaise volonté d'apprendre ou la mauvaise foi devraient être vraiment condamnables.
Nos précédents et modestes efforts nous ont, semble-t-il, révélés quelques indices de sens, mais aussi de non-sens dans la sémantique même de l'expression "justoce climatique" . Nous y reviendront plus tard, avec un soin aussi particulier que possible. Disons que, en quelques mots, la Justice serait avant toute la recherche d’un équilibre, d’une balance équitable, entre deux points de vue. L’un est « légal », l’autre « légitime » ; et il n’est pas rare de voir le « judiciaire » et le « justicier » entrer en conflit dans une affaire de Justice. A mesure, notamment, que l’on élargi le cercle d’action de la Justice, du plus local jusqu’à l’ultime globalité. Pour bien des raisons la Justice est affaire de responsabilité; ainsi, au sein du régime climatique mondial, on la déclare "commune mais différenciée", ce qui reviendrait peut-être à dire que les mérites et avantages de cette Justice climatique seront proportionnellement répartis en fonction de critères bien précis.
Il me parait important de préciser que la finalité de ce dossier sera de concevoir plus particulièrement cette « Justice climatique » en fonction de l’Algérie, mais aussi du reste de la région nord-africaine. Nous prendrons bien entendu le temps de nous interroger, certes rapidement, sur les coutumes et traditions de Justice ainsi que de Climat les plus identitaires parmi nos sociétés dites maghrébines.
Nous avons pour l’instant surtout tenté de parler d’une Justice qui serait globale, puisque sa qualification même de « climatique » suggère cette dimension planétaire ; comme d’ailleurs des injustices qu’elle se doit d’annihiler ou d’atténuer au sein de l’Humanité. « Un seul Climat, (donc) Une seule Planète ». Voilà un des slogans les plus en vogue pour évoquer cette tendance naturelle pour une Justice qui se voudrait essentiellement « climatique ».
J’aimerais également rappeler à mes lectrices et lecteurs que je suis bien entendu conscient de ne pas avoir l’érudition suffisante pour être allé au fond de l’exercice précèdent .Je ne suis ni juriste, ni philologue et encore moins un universitaire de l’environnement, versé sur toutes méthodologies pertinentes pour arriver à de telles fins intellectuelles. Si je me suis attelé ces derniers jours à consacrer un long dossier à cette question, ce n’est pas pour me donner des airs d’une justesse dont je n’ai pas la légitimité.
Au risque d’en choquer certains, j’aimerais en profiter pour évoquer l’influence de l’Andalousie arabo-berbère, comme celle du système impérial ottoman, qui donnent au mone musulman une influence si peu rappelée dans l’émergence d’une justice moderne. L’influence des intellectuels orientaux et maghrébins dans l’esprit de la Renaissance occidentale ne devrait être un secret pour personne. On associe trop souvent cette Justice à sa plus brutale expression; qui revient à couper la main pour punir le voleur. Bien qu’on pourrait se demander si cette règle ne devrait pas plutôt signifier symboliquement qu’il faut tuer dans nos sociétés tout ce qui pourrait donner une légitimité au voleur de voler...
Que dire du système des « Tajma3t » si chères à notre tradition berbère ? Qui est une de forme les plus anciennes de démocratie populaire , avec des particularités bien propres à l’esprit d’indépendance viscérale des Amazighen vis-à-vis d’un pouvoir trop central. Si peu d’entre nous se souviennent de la même manière que l’Inquisition catholique aura été la première institution judiciaire à s’imposer la norme ainsi que déroulement de nos tribunaux actuels...
Si je tarde apparemment à me décrocher de l'aspect "Justice" de cette formule politique, c'est parce je trouve qu'elle en est la face la plus légitime à revendiquer comme à espérer. Ce qui compte, ce n'est pas que cette justice soit climatique, mais bien qu'elle soit juste même quand il est question de Climat. Ici, radical siginifie aller à la racine des choses, quand on se revendique d'un tel discours vis-à-vis de la Justice climatique; c'est du moins ainsi que ces principaux détracteurs se positionnent.
J’ai tout toujours aimé procéder de la sorte, à chaque fois qu’un sujet d’actualité ou de l’histoire m’interpellait au quotidien. Et cela depuis qu’il m’a été donné possible de savoir lire et d’écrire correctement. Prendre le temps d’en savoir plus et de se faire une opinion juste au possible de la question.
C’est ce que je considère à la fois comme une responsabilité civile, de la même manière que j’ai toujours préféré écouter d’abord mon intuition intime plutôt que me référer seulement à des opinions publiques. Sans ce premier « djihad » vers le meilleur de soi, comment pourrais-je savoir quels penseurs légitimes interroger par de nombreuses lectures. ? Là aussi, il me semble, qu’il y a un équilibre à atteindre entre l’intuition, la déduction et bien entendu la réalité physique de chaque idée qui s’invite dans notre environnement.
Je ne me suis pas non plus laissé trop influencer par les nombreux articles publiés sur le Web qui traitent de ce sujet ô combien vaste et complexe. Parce que je n’oublie jamais que le l’on a donné le nom de « Toile d’araignée » à ce monde virtuel. Je suis toujours étonné de voir à quel point il est malheureusement si facile pour nous de ne pas nous inquiéter du sens véritable des choses comme idées qui nous entourent et nous influencent ; à la mesure d’un environnement de vie et de penser le plus souvent très normé, même quand il se réclame subversif.
Internet est devenu avant tout un outil de toutes les propagandes, d’une efficacité aussi formidable pour certains, qu’inquiétante pour un grand nombre d’entre nous. Bien avant d’être encore un réseau de communication et d’éducation et donc de société. Ce qui le différencie du monde de « 1984 » de G. Orwell, c’est qu’ici, il me semble, « Big Brother » n’est pas un seulement un culte de la personnalité, mais plutôt de l’égo. Certes c’est souvent les sinueux mouvements de l’ombre d’un même serpent qui siffle sous nos têtes.
Mais, à bien des égards, je trouve qu’il dilue ses poisons en des millions de gouttes éparpillées sur cette dentelle prédatrice ; telle une vapeur invisible, un nuage d’auto satisfactions, de selfies potentiellement aussi brillants qu’aveuglants. De nos jours, les devins et les prêcheurs de salons se bousculent sur nos écrans d’ordinateurs, et, profitant de nos voiles d’ignorances environnementaux, ils veulent nous expliquer « la Vérité » avec le plus souvent des arrières pensés fort mensongères. Internet est comme toute les « médecines » humaines ; c’est la dose et la manière dont on en use qui feront de cette technologie soit un des plus puissants poisons ou bien un des meilleurs remèdes pour nos sociétés de masses et quantités.
Si tout pourrait laisser penser dans mon modeste parcours scolaire que j’ai été éduqué à l’école des « Lumières », avec un angle d'esprit donc bien prononcé, il faudrait d’emblée préciser que j’ai eu la chance d’avoir été initié également à une toute autre éducation intellectuelle. Et ce depuis ma plus tendre enfance. Une école de la nature algérienne qui aura joué un rôle tout aussi important dans ma façon d’appréhender la notion d’environnement. Je l’affirme sans l’ombre d’une hésitation, que c’est bien en Algérie que j’ai appris pour la première fois à considérer les choses sous le filtre de cette Manière. Cette tradition m’a toujours servi autant de loupe que de bouclier, face aux réalités culturelles et économiques de mon quotidien parisien profondément mondialisé.
Ainsi, les Douaris qui ont veillé à mon éducation algérienne vivent depuis assez longtemps dans un environnement dont la diversité très contrastée des paysages, ainsi que les mystères de la vie qu’ils peuvent nous révéler, les ont constamment poussés à chercher toutes les identités possibles dans une telle variété d’existences. Ils sont peuples, de par cette tradition rurale, d’un mouvement de vie équilibré et circulaire. Ici, celui qui sera faire la synthèse d’un si complexe écosystème, où la mer, la montagne, les zones humides, un fleuve et même un petit désert , se mêlent en un des endroits les plus riches en biodiversité dans le monde, celui-ci ou celle-là survivra sans peine, malgré les obstacles apparents de la nature ambiante. Comme les épines d’une Rose sacrée que seule une main délicate et bienveillante pourront cueillir. Sans en éprouver les dards, ils en récolteront les fruits généreux.
Certains, parmi ces gens de la tradition ancienne, auront même prospéré. Comme dans ma région d’adoption, « Guerbes-Sanhadja » (wilaya d Skikda), où le fit avec un relatif succès mon grand oncle El Hadi Latrèche Tout comme, à présent, ses enfants sont devenus si pauvres, à force de préférer le gain facile et l’ignorance. Parce qu’il n’aura pas également veillé à leur donner une instruction suffisamment moderne pour leur permettre de débusquer tous les pièges des modernités mensongères d’une époque surtout moderniste. Toute la différence de vision de la Justice, qui sépare mon grand oncle de mes cousins, forme une quantité de distances rayonnant autour d’un centre de gravité qu'il ne faudrait pas subir mais inventer. Pour moi, c’est dans cet équilibre retrouvé que se situe la vraie modernité algérienne, comme celle de n’importe quel autre peuple du monde qui devrait aspirer à rester unique tout en se reconnaissant des identités avec le reste du Monde.Un destin commun, mais varié.
Partir d’un constat local, donc, pour en déduire un principe global. Aussi sûrement qu’une maquette préalable est nécessaire à l’élaboration d’une immense construction. Puis, être capable de faire la chose contraire, comme le berger a toujours dans la tête un terrain d’avance sur son troupeau, parce qu’il visualise son environnement comme un ensemble cohérent d’interactions. S’il telle plante poussera à tel endroit, c’est qu’il fait tel climat à cet endroit. Et, de la même manière, si le climat et la géographie sont telles, alors il y poussera forcement telle plante sauvage. La boucle est bouclée; d’un cycle et non d’un cercle d’analyse. Aborder la vie comme un ensemble animé par un mouvement universel, la rotation de notre planète commune ; où toutes les variations de « gestes » (au sens ici de manières) forment une ronde qui se développe en une mosaïque de danses locales; le tempo commun? C'est bien entendu le battement du coeur...
Je ne saurais appeler cela structuralisme, approche holistique, ou toute autre forme de courant de grande pensées qui ont dû sûrement pousser bien plus loin cette intuition traditionnelle ; à la hauteur d’une philosophie ou d’une idéologie politique. Je ne suis pas assez informé sur la chose pour m’en réclamer, ou même être conscient que de telles écoles intellectuelles sont corollaires à celle dont avait hérité mes ancêtres du nord est Algérien. Puisque ma mère est une Boulazaz de la région d’Azzaba, très intime avec le douar où j’ai appris en grande partie à naitre Algérien.
Cela ne veut pas dire simplifier la chose ou les réduire à une seule unité. Universel n’est pas unique, mais au contraire variété, sans obligation de ressemblance d’une chose semblable à toute forme de vie sur Terre. Chercher plutôt la part de vérité universelle que toute chose doit contenir en elle. Le principe d’Unité, ou d’Unicité, étant le prisme sous lequel cette intelligence traditionnelle considère ce qui est valable dans le monde du plus petit doit se réaliser à l’échelle du plus grand. Certes, la physique quantique est passée par là depuis, et on n’est maintenant convaincu que cette réalité ne s’applique pas de manière absolue dans toutes les dimensions de l’Univers. Mais à l’échelle de notre Planète, de notre Humanité, il est possible de croire encore cette Maâna légitime à nous aider dans notre réflexion sur un sujet de nature bien plus humaine que tellurique ou bien cosmique, au fond.
La Balance est le logo de quasiment tous les ministères de la Justice du monde, dont celui de l’Algérie. C’est bien qu’il y a, malgré la grande variété de nos cultures respectives, une idée globale possible de la Justice. Qui imprègne déjà et apparemment une grande partie des nations de cette Planète. Encore plus, il me semble, celles qui font partie de l’ensemble « Nation Unies » qui, n’est plus une société depuis longtemps, mais une organisation. Ce qui sous-entend qu’elles sont maintenant soumises à certaines normes internationales. Il me semble que la Justice fait partie de ses domaines nationaux en constante interaction et interdépendance avec une justice plus internationale.
Pourquoi chercher à trouver une Justice universelle à un monde où l’idée de Justice peut varier selon les Morales traditionnelles ou bien l’idéologie contemporaine en vigueur dans nos sociétés? Eh bien justement parce que l’idée de Climat semble s’imposer comme un radical commun à toutes les sociétés humaines contemporaines. En tous cas il semblerait que l’investissement de l’ONU dans ce débat est un bon indicateur de cette tendance.
Qui se rappelle que le Climat mondial est un concept qui aura émergé suite à la rencontre de trois domaines de l’activité humaine parmi les plus influents sur la nature même du système économique mondial actuel ? Je ne parle pas ici d’un supposé « nouvel ordre mondial », mais bien d’une réalité tout ce qui l’y a de plus mondiale et historique.
La conscience d’un climat mondial est une des idées les plus modernistes de notre siècle précédent. Il aura fallu la rencontre de la Cybernétique, de l’Informatique, de la météorologie, mais aussi le concours logistique ainsi que financier des militaires, pour que dans les années soixante, environ, le premier modèle climatique américain voit le jour. En faisant cette fois ci des prévisions à l’échelle d’un continent ainsi que durant bien plus longtemps que les météorologues, la climatologie fait entrer l’Humanité dans une ère politique nouvelle. Je vous invite à vous documenter sur la chose car nous n’avons pas le temps de voir cela en détail dans cet article dont l’introduction aura été assez longue, une fois de plus.
Suis-je victime du syndrome du "douar", si cher à la narration "orientale"? Qui sait...Ce chapitre aura été plus une synthèse des précédents qu'une véritable entrée dans notre seconde matière....