21 Février 2017
Depuis la première annonce en 2015 d’un « méga » partenariat agricole entre l’Algérie et une énigmatique expertise agricole américaine, les doutes ainsi que les réserves parmi l’opinion publique algérienne la moins consensuelle ne font que s’affirmer de plus en plus ouvertement.Pourquoi donc?
Qu’elles soient dues au grand flou qui semble entourer leur nature financière, ou bien qu’elles soulèvent des questionnements d’ordre écologique, toute cette variété d’interrogations a pour origine commune l’extrême opacité qui entoure ces projets « astro-agronomiques » .
De ce fait, à propos de cette affaire de gros sous et de gigantisme alimentaire, il parait très facile de leur associer bien des fantasmes, voire même de céder volontiers aux plus fébriles extrapolations. Il faudrait souffrir d’une crise de mauvaise foi ou d’alarmisme aigus pour ne pas se défier d’un tel égarement où l’opinion étriquée prend le plus souvent le pas sur la largesse tant de l’esprit que de vision.
Cependant, une fois ce recul avancé, comme une précaution salutaire, certaines des rares informations officiellement divulguées dans la presse, à propos de ces mégaprojets, ne peuvent que persister à nous inquiéter. Et cela avec une légitimité des moins aventureuses à défendre.
Elles sont, parmi tant d'autres, les suivantes :
Comment pourra-t-on pratiquer une agriculture ainsi qu’un élevage dans de telles mesures pharaoniques, sans provoquer d’immenses impacts négatifs sur l’environnement local où ils se dérouleront, et donc, par extension ; en mettant une fois de plus et plus que potentiellement la santé publique nationale en péril ?
Il s’agira forcement de quantité énormes d’eau mobilisées, d’antibiotiques infiltrant nos nappes d’eau ainsi que nos sols, autant d’émissions de gaz à effet de serre, de tonnes de fourrages sollicités, par exemple, en ce qui concerne l’élevage de viande et la production de lait.
Malgré les annonces d’un gigantisme agricole totalement « bio », est-il vraiment possible de croire à une telle alliance de mots ou d’idées si contraires ? Comme à cette promesse de polichinelle d’une exploitation du gaz de schiste qui sera « propre » en Algérie, là où elle a justement été des plus écocidaire aux Etats-Unis. Sachant que dans notre pays, on peine encore à éviter la simple prolifération de sacs en plastiques dans nos paysages ?
Qu’adviendra-t-il de la santé de nos sols ? Quand ils auront été labourés avec une telle intensité; de ce fait colossalement gavés et rincés par des torrents d'engrais et de pesticides ? Et de la biodiversité locale environnante à ces giga-fermes de plusieurs milliers d’hectares chacune ? Et de celle qui vit en symbiose avec elle, à l’échelle de tout un écosystème national ? Et de notre chaine alimentaire naturelle, rendue ainsi encore plus artificielle, car envahie par des centaines de milliers de molécules chimiques ?
Qu'adviendra-t-il aussi de nos semences locales, de notre faune et flore endémiques ou typiques, de nos terroirs, déjà tellement mis à mal par une agriculture algérienne qui s'applique déjà à devenir intensive, à la manière "artisanale" d'un mauvais apprenti sorcier....?
Quand on sait comment de simples poulets, chez nous sont élevés ultra-chimiquement , et gavés plus que probablement de grains OGM... Peut-on laisser de tels projets s’installer en Algérie sans invoquer au moins une totale transparence, autant qu’un audit constant de la part d’experts civils totalement indépendants ?
Enfin, pourquoi doit-on pousser absolument les Algériens à consommer plus de lait, de viande, quand par exemple, le poisson est hors de prix et pourtant une source d’énergie alimentaire plus saine ? Le régime alimentaire que l'on compte favoriser sera-t-il sain? Ne va-t-il pas favoriser d'autres impacts négatifs, à plus ou moins terme? Ecologiques, donc sanitaires, et donc forcement économiques...
A l’heure d’une population algérienne largement malade d’avoir adopté un régime alimentaire « à l’américaine » depuis quelques décennies, doit-on adhérer à cette fièvre gargantuesque, alimenter la tendance au nihilisme alimentaire dont souffre le peuple algérien malade de vivre des temps anachroniquement modernistes et non modernes ?
C’est pour cela, il me semble, qu’avant de s’y opposer fermement et aveuglement à cette méga-boufferie, il serait tout de même des meilleur ton d’exiger beaucoup plus de communication verticale de la part des autorités algériennes sur la véritable nature de ces projets. Encore plus de celle de leur instigateurs privés.
Nous, devons rester de ce fait plus que vigilants et alertes quant à ce qui pourrait bien se passer dans ces centaines de milliers d’hectares concédés , il me semble, plus à des intérêts d’ordre privé, qu’à une souveraineté alimentaire algérienne. Qui ne fera jamais la fortune de des principaux bénéficiaires locaux ou étrangers de notre faiblesse agricole. Rappelons pour finir, que ce sont à vrai dire parmi ces mêmes derniers que l'on retrouvera ceux qui vont exploiter ces méga-projets...