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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Transition énergétique en Algérie: sommes nous vraiment sur la bonne voie? Par Karim Tedjani, militant écologiste.

Transition énergétique en Algérie: sommes nous vraiment sur la bonne voie?  Par Karim Tedjani, militant écologiste.

En Algérie, force est de constater à quel point des termes tels que "développement durable", "économie circulaire" et même "transition énergétique "n'ont de cesse de s'installer dans le champ lexical des débats et discours politiques. Des notions qui, rappelons-le, sont très sérieusement envisagées pour intégrer le projet de révision de la Constitution algérienne. Dans le même état d'esprit, il faut remarquer l'annonce anticipée de la création de hautes instances consultatives qui paraissent à première vue tout ce qu'il y a de plus corollaires à l'instauration d'un développement durable opérationnel.

Ainsi, quand on regarde les choses avec une certaine perspective, pour ne pas dire une certaine distance, il est tout à fait légitime et louable d'envisager tout cela avec beaucoup d'enthousiasme. De là, même, à espérer que la "nouvelle république" algérienne en cours d'émergence s'inscrira dans une réelle démarche éco responsable, il n'y a qu'un pas à franchir. Beaucoup, ainsi, s'empressent à se féliciter que l'Algérie prend enfin les grands airs d'une modernité écologique que toute nation qui se veut civilisée au 21ème siècle se doit  en effet d'arborer.

Mais il serait encore plus justifié, voire même sain intellectuellement, de préciser que la distance ainsi que l'angle de perspective en question sont ceux d'une "Algérie vue d'en haut". On y contemple le spectacle éminemment esthétique d'un développement durable idyllique.  Qui s'avère cependant beaucoup moins véridique dès lors qu'il nous invite à atterrir dans le bas monde des réalités quotidiennes. A y regarder de plus prêt, au delà des postures vertueuses, les intentions qui animent réellement ce récit nous éloignent diamétralement de tout  espoir de voir un jour "la vie en vert" dans ce genre d'Algérie ! .

Toute la bonne volonté du monde ne saurait nous faire oublier l'écart immense qui persiste entre la fiction discursive et la réalité effective de ce développement durable algérien; invoqué  par les uns comme la panacée en matière de gouvernance, évoqué par les autres à la mesure d'un modèle civilisationnel incontournable.

Sans nous étendre sur cette fâcheuse dialectique, où s'affrontent deux réalités quasi parallèles, il est tout à fait possible d'en extraire  une  substantifique moelle. Ce qui signifiera ici d'en dégager quelques principes corrupteurs, de sinistres invariables.  Il suffira, pour ce faire, de réduire le champ de la critique à la seule question de la transition énergétique; telle qu'elle est vue et conceptualisée par la gouvernance algérienne.

Il y a beaucoup à dire et redire à ce propos. Surtout, à partir du moment où l'on aura pris le temps de se documenter sur l'origine et les principes indissociables de cette fameuse transition énergétique. Et cela encore plus si on lui impose de rester dans le cadre éthique du développement durable et de l'économie circulaire.

En effet, le concept de transition énergétique est une création purement germanique, dans les années quatre-vingt par l'Öko-institut qui a publié un livre blanc à ce propos. On y désigne tout d'abord par cette expression la phase de transformation qui doit permettre de passer progressivement d'un système énergétique basé essentiellement sur les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel, matières radioactives), qui sont par nature limitées, à des sources énergétiques moins centralisées, diversifiées et renouvelables (éolien, solaire, hydraulique, géothermique, marémotrice, biomasse, etc.).

Mais ce n'est pas tout...

On y pose aussi comme condition fondamentale, l'abandon du nucléaire. Or, on a pu lire très récemment l'annonce dans la presse d'un expert algérien nous annoncer la création très probable d'une centrale nucléaire en Algérie! Imaginez le temps et les complications qu'il faudra pour rentabiliser et surtout démanteler cette installation une fois opérationnelle chez nous. Au lieu de s'épargner une étape qui ralentira cette fameuse transition, voilà qu'il est envisagé chez nous de se l'imposer. Ne parlons pas du défi technique et financier d'installer une telle station dans un pays en stress hydrique et dont le climat accuse un réchauffement des plus préoccupant. Que dire de la prérogative incontournable, pour cette transition, de limiter la production de déchets dangereux et non recyclables?

Peut-être s'agit-il ici de préférer au nucléaire conventionnel la technologie basée sur l'utilisation du thorium, qui nous est vendue par certains comme beaucoup plus sûre, économique et moins polluante. D'autres voix restent beaucoup plus prudentes et réservées sur ce qui pourrait paraitre beaucoup trop idéal pour être parfait dans cette nouvelle approche nucléaire. Il y a même d'autres avis encore plus tranchés, qui n'hésitent pas à taxer de green washing une telle entreprise atomique. 

Que dire également de l'entêtement de nos gouvernants à vouloir à tout prix intégrer le gaz de schiste dans le mix énergétique algérien? Sous prétexte qu'il faudra au moins quinze ans pour se dédouaner de la dépendance aux énergies fossiles, il s'agirai apparemment de se lancer dans une exploitation qui ne va sûrement pas s'avérer rentable et maîtrisée au bout ce lapse de temps, si court, à l'échelle d'une telle entreprise...

De plus, les ambitions affichées par cette transition, en matière d'énergies renouvelables restent beaucoup trop timorées pour que l'on puisse imaginer que nous sortirons facilement du nucléaire ainsi que du gaz de schiste , une fois installés dans cette routine écocidaires. Certes, les énergies renouvelables ne sont pas la panacée écologique que nombre d'écologistes naïfs et de démagogues malicieux voudraient nous faire croire.

Mais on doit absolument miser sur le solaire dans un pays qui dispose de cette ressource dans la plus grande des quantités au Monde. Ne faudrait-il pas plutôt investir dans la recherche, l'innovation, afin de rendre cette exploitation la plus soutenable possible et la plus économiquement viable? Force est d'admettre que ce serait beaucoup moins ambitieux et irréalisable que d'essayer de produire une énergie nucléaire ou d'extraire du gaz de schiste de manière aussi autonome technologiquement que viable écologiquement.

Quid de la biomasse, de la géothermie, et de tant d'autres techniques qui n'ont pas encore été soumises à un véritable programme de recherche sincère et conséquent !

Que dire de la vision seulement coercitive qui semble se profiler quand on parle d'efficacité énergétique en Algérie? Doit-on seulement la susciter par l'augmentation des prix, ou bien ne serait-il pas important de se rappeler qu'une des autres valeurs fortes de cette transition énergétique est un accès équitable et décentralisé à l'énergie? Ne doit-on pas aussi et surtout  s'inspirer du "mindset" de la Négawatt et redoubler de créativité pour réduire la consommation et le gaspillage énergétique de tout l'écosystème Algérie. Efficacité, certes, mais efficience aussi!

Impliquer ou réintroduire à ce titre certaines low-technologies qui sont tout à fait capable d'accomplir de nombreuses tâches sans mobiliser des quantités faramineuses d'énergies. Serait-ce  forcement revenir au temps des cavernes pour autant? Ou n'est-il pas question ici de se rappeler tout le génie de nos prédécesseurs en matière d'isolation, d'économie d'énergie, de sobriété effective? N'est-ce pas cela, au fond, la véritable modernité du second millénaire? Une relecture scientifique des intuitions de nos ancêtres, surtout quand il s'agit d'écologie et d'environnement...

Et enfin, que penser d'une agriculture saharienne en plein essor, qui sera fortement énergivore de manière directe et indirecte. Grande mobilisatrice d'eau, éloignée à des milliers de kilomètres des principaux points de vente et de consommation nationaux. Grande consommatrice de pétrochimies pour le transport, mais aussi pour les engrais et les pesticides. Pour ne citer que ces quelques grandes tâches noires énergétiques dans un tel projet!

Enfin, n'oublions pas que cette transition énergétique, théorisée avant même que le rapport de Brundtland ne pose les bases du développement durable, place la sécurité sanitaire et le respect de l'environnement en première ligne de sa grille de valeur. Est-ce que le nucléaire, le gaz de schiste sont des options  en tous points concevables et acceptables pour répondre à une telle exigence?

Comment admettre de ce fait que tout ce qui vient d'être évoqué, et tant d'autres qui nous pas été citées, à propos de cette transition énergétique algérienne escomptée en haut lieu, relève vraiment d'une pensée intégrant le développement durable comme une finalité, et non juste comme moyen? Ou, pire,tout au plus un mot-clef pour faire bien dans un rapport onusien?  

Karim Tedjani, militant écologiste.

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