L'environnement est un sujet très complexe à définir. Pour saisir ce concept dans sa plus juste mesure, il ne faudrait surtout pas s'interdire de l'aborder sous le prisme de ses nombreuses dimensions. Cependant, il parait tout à fait possible d'en proposer une définition assez synthétique; à la fois très simple dans la forme et tout aussi profonde dans le fond.
L'environnement, de manière générale, c'est "tout ce qui nous entoure, nous influence, que nous entourons et que nous influençons".
Pour peu que l'on se donne la peine de ne pas s’enfermer dans le détail seulement académique de ce qu'est vraiment l'environnement, ce qui rend cette brève et simple formule assez parlante, c'est qu'elle contient les deux plus importantes natures ou qualités qui peuvent le définir.
Celui d'état de sujet et de produit d'une action.
"Environnement", est un mot apparemment emprunté au champ lexical anglo-saxon. Par son suffixe "ment", il suppose de manière intrinsèque qu'il est le produit de l'action d'"entourer". C'est d'ailleurs le sens premier de ce mot, tel qui aura été longtemps employé, notamment au XVème siècle; bien avant de prendre celui beaucoup plus technocratique que nous lui connaissons depuis au moins la moitié des années soixante.
Cette action d'entourer ou l'état d'être entouré supposent forcement pour résultat une influence. Entourer comme tout action, verbe d'un sujet, n'est jamais neutre. Ici, cette absence de neutralité revêt d'autant plus un caractère double : intrusif, envahissant dans sa forme négative et protecteur, bienveillant d'un point de vue plus optimiste.
L'environnement n'est donc jamais quelque chose d'anodin ni de passif ni d'innocent.
C'est un cadre, une matrice, un corpus, un ensemble, un régime, un système, un milieu. C'est un Habitat au sens le plus large du terme. Pas seulement entendu comme celui d'un lieu ou d'un espace de résidence, mais bien plus. Ce qui nous habite, ce que nous habitons. Mais aussi l'art et la manière d'être habité et d'habiter un espace, un lieu, un territoire, un continent, une planète, l'univers.
Pour ce qui est du mot" Habitat", rappelons seulement qu'il est apparu d'abord dans le champ lexical des pères fondateurs de la botanique moderne, puis passera dans le langage de la zoologie et ne sera seulement associé également au milieu humain qu'à partir de la fin de la première moitié du 20ème siècle.
Habitat, qui prend sa source dans les mots habits et habitudes, est lui aussi à la fois un état et une action. Le suffixe "at" dont il est formé suggère à la fois un produit industriel et le résultat concret d'une action. Celle d'habiter et d'être habité, mais aussi de construire, de bâtir. C'est en quelque sorte la manière d'habiller un espace de ses habitudes, d'être habillé par un patrimoine d'habitudes. C’est aussi une manière de construire, d’organiser, pas seulement un bâtiment ou des infrastructures, mais bien un modèle de société.
Ainsi, l'Habitat et l'Environnement peuvent légitimement nous apparaitre comme les deux synonymes complémentaires d'une même réalité. Une fois cette correspondance acceptée, il suffit de se rappeler l'étymologie du terme Economie, qui est une gestion, une organisation de la Maison. Maison ici au sens très proche de ce que l'Habitat et de l'Environnement signifient de manière exhaustive.
On confond d'ailleurs trop souvent la Chrématistique, vulgaire pratique du commerce, aussi sophistiqué soit-elle, et la véritable Economie, fondamentalement politique, qui doit de ce fait avoir trait avant tout à la vie de la Cité et non à des intérêts bassement privés. "Cité" qui est, elle aussi, en quelque sorte, est une notion cousine de l'Habitat et de l'Environnement de par sa double fonction à la fois physique et sociale.
L'environnement, l'Habitat, l'Economie, l'Ecologie, science de l'Habitat et des interactions entres les habitants et leur habitat, parlent sûrement dans des langues différentes d'un même sujet central. De la même manière que l'on ne devrait pas s'empresser de séparer aussi radicalement l'être, l'avoir et le faire Humain, tout comme la qualité et la quantité sont dialectiquement liées.
Voilà dans quelle optique nous proposons d'aborder l'environnement en Algérie, plus particulièrement, et l'Environnement en général. Dans un nouveau Temps Moderne qui sera celui qui rendra à la qualité sa juste valeur. Non plus celle forcement inféodée à la notion de rareté ou de privilège, mais profondément solidaire de la notion de juste milieu et de juste quantité. Celle qui fait que "tout est poison, tout est remède, (que) seule la dose fait le poison".
L'environnement est d'abord un patrimoine qui se transmet, et puis il devient une réalité que l'on se doit à son tour de transmettre avec une valeur ajoutée et non pas de la richesse amputée. Cette valeur n'est pas marchande, elle n'est pas non plus celle de l'usage. C'est une modernité, une manière de prolonger le meilleur du passé au présent, et de lui ajouter le meilleur de ce que chaque siècle peut engendrer. Ces en quelque sorte une valeur biologique, au sens de qualité de vie.
L'Environnement, l'Habitat, l'Economie et l'Ecologie doivent parler le même langage et surtout se confondre et se reconnaitre dans une même optique, une vision commune. Cette dernière sert avant tout la qualité de vie d'un grand ensemble où l'artificiel et le naturel obéissent aux même lois, à la même logique. Cette qualité n'est pas seulement un esprit d'un juste emploi de la quantité, c'est aussi et avant tout une qualité éthique.
Ne pas oublier que le mot pollution, lui, à pour origine l'idée de corruption de quelque chose de sacré, de sain. Limiter la question de l'environnement à une protection de l'environnement au sens physique, et plus particulièrement à réduire les impacts physique d'une corruption morale de notre environnement relève de la médecine d'un docteur Knock et non pas d'une véritable politique environnementale, forcement holistique.
Cette conception qui pourra paraitre sûrement des plus farfelue pour nombre d'experts de ces sujets. Elle leur paraitra telle qu'elle, d'ailleurs, dans la mesure où il demeurons encore prisonniers d'un dualisme qui sépare tout, le corps et l'esprit, les idées et la matières, la nature et l'être humain, la science et l'intuition, l'économie, le social et l'environnement.
Il serait tout à fait légitime de rappeler, à la lectures de ces dernières lignes, que le développement durable est déjà une forme de tentative d'équilibre "dialectique" entre l'économique, le social et l'environnemental. Mais seulement si on oublie de préciser dans la conception chrématistique de ce développement soutenable et durable reste prisonnière d'une conception dualiste à bien des égards.
Dans le développement durable, le mot développement donne forcement une couleur idéologique à la notion de société et la conception de l'environnement. Ce n'est pas un concept neutre, il semblerait qu'il est très difficile à ne pas l'associer à celle d'un modèle d'économie et donc de mode de vie bien particulier. Un modèle qui, sous couvert de protection et respect de l'environnement et de lutte contre la pauvreté dans le monde impose plus ou moins "softement" ses objectifs du millénaires, ces indicateurs, sa manière d'habiter et d'être habité par un certain Monde.
La deuxième dualité dans laquelle ce développement durable semble s'être embourbé naturellement, puisque qu'il est un développement qui doit durer, est tout simplement celui entre pays dit du Sud et du Nord. Cette polarité de bas en haut, associée à une vision idéologique de la géographie, a cette fâcheuse caractéristique d'incarner parfaitement une réalité assez courante du sous-développement local: les régions du Nord d'un pays sont souvent plus riches et plus civilisée que celles du Sud.
Il y a aussi cette idée que si la dualité Est-Ouest demeure celle entre deux visions du Monde qui ont été développées sous la même latitude et donc avec de profonds ancrages culturels communs. Tandis que l'opposition Nord-Sud suppose des variations de latitudes et de climats forcément antagonistes d'un point de vue culturel, voire même civilisationnel.
La notion de précarité, étymologiquement, comme forme d'instabilité et de fragilité que l'on ne résout que par le biais de la prière, parait à ce titre inhérente au concept de développement et donc, par extension, de développement durable.
Enfin, pour qui prendra le temps de lire le rapport de Brundtland, un des textes fondateurs de ce fameux développement durable, on ne peut qu'y lire entre les lignes une conception très utilitariste et malthusienne de la diffusion du développement dans les pays en voie de développement. Ce développement doit en premier lieu amener ces pays à réduire leur taux de natalité et à les intégrer dans un universalisme largement teinté culturellement. “Pour être heureux, ressemblez-nous !”
Développement, littéralement signifie "dé-envelopper", c'est à dire sortir quelque chose de son enveloppe et donc de son environnement, de son habitat, de son économie ou de son écologie "naturelles". Le développement peut être ainsi perçu autant comme un geste libérateur qu'à la mesure d'un tour de force pour imposer une nouvelle forme, plus ouverte sur l'extérieur et qui étend de ce fait la dimension de "tout ce qui nous entoure et nous influence" et dans "une moindre mesure de tout ce que nous entourons et influençons". Parce que plus l'un est vaste, grand et puissant, et plus l'autre Tout est le plus souvent moins armé pour lui imposé son empreinte.
Pour conclure ce deuxième article corolaire à la question d'environnement en Algérie, il ne serait pas inopportun de relire la nature même de notre modèle économique local, entre le Nord et le Sud de notre pays, armé de la grille de lecture développée dans cette modeste contribution. Encore plus, en réalisant à quel point ce "développement durable" national semble s'articuler en parfaite intelligence et solidarité d'un développement mondial.
KARIM TEDJANI