10 Juin 2021
L‘Algérie doit arriver à produire plus de 2,5 milliards de m3 par an à partir des stations de dessalement d’eau de mer pour répondre aux besoins nationaux, selon les spécialistes. Toutefois, ces derniers incitent à ne pas céder à l’alarmisme tout en appelant à une sensibilisation à l’économie de l’eau.
L’Algérie vit un stress hydrique depuis plusieurs années. Les eaux de pluie restent insuffisantes. Ce qui donne une alimentation moyenne en eau potable (AEP) de 450 m3/habitant/an. Une quantité en deçà des standards internationaux, fixés à plus de 1 000 m3/an/habitant.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’il y a stress hydrique, si un être humain dispose de moins de 1 700 m3 d’eau par an. Cette institution internationale parle de pénurie lorsqu’un pays assure moins de 1 000 m3 par an/habitant.
Le constat est établi au cours d’un séminaire organisé hier à Alger par le Conseil national économique, social et environnemental (Cnese). Le professeur Ahmed Kettab tire la sonnette d’alarme à ce sujet. Même les quantités d’eaux dessalées évaluées à 800 millions de m3/an, demeurent insuffisantes pour faire face à une demande nationale sans cesse en augmentation, relève-t-il.
“Il faut arriver à produire plus de 2,5 milliards de m3/an à partir des stations de dessalement d’eau de mer pour répondre aux besoins nationaux”, affirme cet expert international. La situation des barrages dont le taux de remplissage avoisine les 44% à l’échelle nationale, ne fait que confirmer ces difficultés.
Ces statistiques classent l’Algérie, selon lui, à la 29e place mondiale parmi les pays les plus exposés au stress hydrique. De cette évaluation peu reluisante du secteur des ressources en eau, l’universitaire juge indispensable la mise en œuvre d’une véritable stratégie fondée sur plusieurs éléments. L’expert estime qu’il est primordial de continuer à construire des barrages en plus des 80 unités déjà existantes de sorte à mobiliser toutes les eaux qui proviennent des pluies. Il faut traiter et réutiliser également, suggère-t-il, les eaux usées dans l’irrigation agricole.
Même les eaux profondes des régions du Nord et du Sud doivent être exploitées, indique Ahmed Kettab, qui évoque l’impératif travail de sensibilisation et d’information sur le mode de consommation du citoyen ; car, “l’eau, c’est l’affaire de tous”, déclare-t-il. Pour ce spécialiste, il est nécessaire de revoir la charte et la loi sur l’eau ainsi que ses textes d’application. Il propose la promulgation d’une loi-programme sur 5 ans avec des objectifs précis et des budgets adéquats.
“Réviser les subventions”
“Avec de telles actions, nous pourrons passer d’une offre de 450 m3/habitant /an à plus de 700 m3/habitant /an à l’horizon 2025”, relève-t-il tout en précisant qu’il n’est pas trop tard et que l’on peut régler ce problème.
Y a-t-il lieu de s’inquiéter donc face à tous ces chiffres alarmants avancés à quelques jours du début de la saison estivale, période de grandes chaleurs ?
Ne voulant certainement pas créer une “panique hydrique” parmi les consommateurs, le Pr Kettab nuance et relativise : “Que le citoyen algérien soit rassuré. L’Algérie dispose de quantités d’eau pour tous les citoyens jusqu’au 31 décembre 2021. D’ici à cette échéance, s’il pleut c’est tant mieux, sinon les eaux souterraines et celles issues du dessalement d’eau de mer seront utilisées.”
Pour sa part, le président du Cnese, Réda Tir, a mis l’accent sur l’obligation de sensibiliser le consommateur quant à l’importance de la préservation de cette ressource qui continue de tarir à une cadence inattendue à cause des changements climatiques.
“Il faut que le citoyen soit conscient de la nécessité d’éviter le gaspillage et d’opter pour une meilleure rationalité dans la consommation et l’utilisation de cette denrée”, souligne-t-il. “Il n’y a pas de danger majeur, mais une réflexion sur tous ces aspects et ces données doit être approfondie”, rassure-t-il.
Plus explicite, Réda Tir évoque l’éventualité de réviser les subventions jugées élevées, réservées par l’État à ce secteur mais également à toutes les industries dites “de réseau” telles que le gaz, l’électricité, les télécoms, le transport. “Outre le gaspillage, les fuites, il y a aussi le phénomène du passager clandestin… qui nuit au citoyen”, déplore le président du Cnese qui a soulevé la lancinante problématique de la tarification de ces ressources.
“La continuité de ce service public implique une tarification adéquate. L’État est, de ce fait, appelé à agir de manière rapide sur la question de la subvention et de la tarification de toutes ces prestations de service public en tenant compte des standards internationaux”, affirme-t-il.
Un avis partagé par le Pr Kettab pour qui la tarification de l’eau à sa juste valeur est un moyen d’optimiser et même d’augmenter cette ressource. Il cite l’exemple de l’eau produite par la station de dessalement d’eau de mer qui revient à 120 DA/m3 à l’achat et à environ 160 DA/m3 au robinet du consommateur alors que la première tranche (inférieure à 25 m3/trimestre) n’est facturée qu’à 8,65 DA le m3.
Badreddine KHRIS
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