Dans un récent entretien diffusé sur la Chaine Radio 1, "l’inspectrice générale du ministère de l’Environnement, Chennouf Nadia, a révélé que les autorités algériennes ont fait des efforts considérables pour protéger l’environnement, ce qui leur a fait dépenser annuellement 1200 milliards de DA dans le domaine de sa préservation."
Une telle annonce ne saurait avoir de sens que dans la mesure où elle est complémentée par un audit sincère des réels impacts de ces dépenses sur la qualité de l'environnement en Algérie.
Encore plus, ce chiffre, pour avoir encore plus de signification, devrait être comparé avec les coûts du non respect de l'environnement en Algérie et cela avec une approche la plus holistique possible. Car les atteintes à l'environnement et notamment la pollution, ont des repercussions sur de nombreux secteurs, et cela de manière amplement systémique.
Dans un entretien réalisé par Sofia Ouahib, intitulé "La Fiscalité écologique...à ne plus négliger", publié le 5 août 2021 dans le quotidien El Watan, Samir Grimes, expert en environnement et développement durable, affirme que "le coût de la dégradation de l’environnement en Algérie a été estimé, selon une étude commandée par le ministère de l’Environnement, à 1143 milliards de dinars par année, soit 11,38 milliards de dollars, ou 10,26 milliards d’euros".
Comment ne pas au passage penser que l'ampleur d'un tel coût aura forcément été minoré dans cette étude? Ne serait-ce que par l'extrême et dommageable difficulté d'accéder à une information portée par des données fiables, objectives et transparentes?
La littérature officielle sur le sujet ne cache d'ailleurs pas que toutes ces dépenses engagées dans le domaine de l'environnement se sont jusqu'à présents surtout soldées par des résultats bien en dessous des objectifs fixés, ainsi que des sommes mobilisées.
A ce titre, le dernier Rapport officiel sur l'état et l'avenir de l'environnement en Algérie valide sans la moindre ambiguité que toutes les sommes dépensées pour la protection de l'environnement en Algérie n'ont eu pour l'instant qu'un impact insuffisant sur l'évolution de la qualité de l'Environnement.
La question primordiale de cette politique ne doit plus être centrée seulement sur la quantité des sommes et des plannifications, ainsi que des mesures engagées, mais plutôt sur la qualité des processus d'application ainsi que de l'ingénérie sociale déployée pour les diffuser avec bien plus d'efficacité et de durabilité au sein de l'ensemble de la société algérienne.
Beaucoup de choses qui ont été annoncées, si elles avaient été appliquées avec plus d'assiduité, de transparence et de pédagogie sociale, auraient pu vraiment faire évoluer la situation environnnementale de notre pays dans un sens largement plus positif et donc nettement plus concret que ce que nous sommes pour l'instant condamnés à déplorer; faute en grande partie d'une intégration plus sincère de la société algérienne dans cette transformation écologique.
Cette inclusion ne doit pas seulement se parer de la participation d'une société civile le plus souvent triée sur le volet de la conciliation. Une société civile cantonnée trop souvent à un rôle consultatif ou de médiation populaire forcément consensuelle avec les crispations politiques et bureaucratiques du système algérien, ou en direction des immaturités sociales que le populisme entretien, au nom d'une paix sociale qui relève surtout d'un statu quo paralysant que d'un environnement propice au développement durable, annoncé pourtant par la Constitution comme un cadre de gouvernance pertinent et incontournable pour l'Algérie du 21ème siècle.
Sans intelligence collective, pas de conscience sociétale possible et donc peu de chance d'obtenir des résultats opérationnels à la hauteur d'un enjeu qui n'est pas seulement national, ni même également local, mais tout aussi civilisationnel.
Sans contre discours, il n'y a pas de dialogue. Or, les monologues sont à la politique ce que la monoculture est à l'agriculture. Il génèrent invariablement, au bout d'un moment, toutes les conditions contreproductives qui permettent au désert de s'intaller de manière durable.
Karim Tedjani, écologiste algérien.