22 Avril 2014
Près d’un milliard d’habitants vont célébrer aujourd’hui la Journée mondiale de la Terre, dans le but de sensibiliser les humains à la protection de notre environnement. Au fil des ans, cette journée est devenue l’événement participatif écologiste le plus important de la planète.
En effet, les enjeux sont quasi-apocalyptiques, sachant que les savants du monde entier sont unanimes pour dire qu’il nous reste à peine dix ans pour éviter une catastrophe planétaire, à travers un bouleversement important du climat, qui entraînerait des inondations majeures, de longues périodes de sécheresse, des vagues de chaleur meurtrières. Cette catastrophe d’une ampleur sans précédent, le système productiviste moderne en est le premier responsable avec nos villes qui deviennent des mégapoles de béton, qui polluent notre environnement à un niveau jamais égalé.
Tous les indicateurs ne cessent de se dégrader : biodiversité, eau, climat, air, déchets, sols... L’Algérie fait malheureusement partie des pays qui polluent le plus dans le monde, dans le sens où 98% de ses exportations sont constituées d’énergies fossiles parmi les plus polluantes. Pour devenir un pays pourvoyeur d’une économie propre, il devient urgent de concrétiser le mega-projet Desertec de l’énergie solaire, une agriculture forestière performante et écologique et un tourisme durable.
Pour le reste, il est clair que la grande majorité des actions qui sont mises en place pour préserver notre environnement sont malheureusement bien trop timides ou peu convaincantes, englouties dans un mode de vie matérialiste qui ne sait plus s’arrêter.
La nécessité de revoir en profondeur nos relations avec la Terre n’a jamais été aussi urgente. À l’instar d’autres pays de la rive Sud, on sait pertinemment que notre modèle de développement est obsolète et sera à revoir dans les années à venir. Pour preuve, les pays développés sont en train d’opérer leur mue, et passer à des sources d’énergie durable, une agriculture moins dépensière et plus respectueuse de l’environnement, une industrie automobile propre… le glas a sonné pour tout le monde, notre planète est devenue un petit village, et chacun de nous doit prendre enfin la mesure des enjeux, en concourant à changer radicalement de mode de développement, pour contribuer à un monde sain, qui serait construit sur une économie propre, respectueuse de la vie des hommes et de tous les êtres vivant sur notre planète.
Des hommes, des associations, des ONG et des politiques ont choisi d’agir depuis des années pour alerter l’opinion publique et proposer d’autres modèles alternatifs. Parmi ces leaders d’opinion connus, Pierre Rabhi, le fondateur de l’agro-écologie en France et en Afrique de l’Ouest, est de plus en plus écouté et suivi, notamment à travers le Mouvement des colibris en France, mais aussi à travers des initiatives prises au Maroc, Mali, Burkina Faso… et bientôt dans son pays natal, l’Algérie*. En effet, ce petit homme, consacré par l’ONU expert international pour la lutte contre la désertification, est un produit de terroir algérien ; né en 1938 à Kenadsa (wilaya de Béchar), ses parents décédés, il a été confié à des parents adoptifs français. À Paris, après avoir fait des petits boulots en ville qui ne l’ont jamais satisfait, le voilà qu’il a investi dans un prêt bancaire pour l’achat d’une petite terre rocailleuse en Ardèche, où il a pu vivre profondément ce qu’il a toujours recherché, le lien à la terre, à la nature, à la sobriété heureuse. Depuis, à travers ses implications en Afrique, ses conférences, ses écrits, il s’est invariablement consacré à prouver que l’homme s’est trompé de mode de vie, en courant sans cesse derrière le confort matériel fort couteux en énergie et mobilisant des ressources périssables, et polluant de plus en plus son environnement. Le témoignage de Pierre Rabhi, son combat de tous les jours, invite les humains que nous sommes à réfléchir à notre mode de vie, à aller vers la préservation de notre santé, notre humanité et notre environnement. Plus que cela, il milite depuis les années 1960 au retour de l’homme à la terre, au respect de la terre nourricière, en évitant d’utiliser les produits chimiques, dangereux autant pour la santé humaine qu’animale ou végétale. C’est comme cela qu’il a développé avec d’autres (notamment avec Philippe Desbrosses) les concepts de l’agriculture biologique, qu’il a élargi au concept de l’agro-écologie, devenue aujourd’hui le leitmotiv de l’Organisation des Nations unies et de la FAO pour nourrir les 9 milliards de la planète d’ici 2025. Depuis une dizaine d’années, toujours sous l’égide de Pierre Rabhi, un mouvement plus profond s’est amorcé dans la société française : les associations «Terre & humanisme» puis le «Mouvement des colibris». Ce mouvement citoyen a pour vocation de libérer les initiatives, de proposer des alternatives qui vont de l’agriculture urbaine, l’éducation des enfants, à une économie plus solidaire, choses qui sont presque en voie de disparition dans les quartiers et banlieues des villes du monde.
Tendance de l’agriculture algérienne moderne
Depuis quelques années, une tendance du retour à la terre est d’actualité en Algérie à travers le Fnrda et la politique de renouveau du développement rural, qui tend à s’intensifier à travers les nouvelles concessions agricoles prévues dans les Hauts-Plateaux et le Grand Sud. Ces projets sont en mesure non seulement de nourrir la population locale et nationale, mais permettre jusqu’à l’exportation de denrées alimentaires. Cependant, il est plus qu’urgent de penser à la durabilité de notre agriculture et éviter les erreurs du système productiviste en vigueur dans le monde, et qui tend à supplanter notre agriculture traditionnelle par un système qui n’a pas lésiné pour exploiter les terres jusqu’à les considérer comme de simples supports à une agriculture chimique couteuse en intrants, et qui est irrémédiablement une agriculture chimérique à moyen terme. C’est la course au gain rapide qui prend le pas chez nous pour l’instant. Les acteurs du monde agricole tentent de gagner le maximum d’argent par n’importe quels moyens, du moins pour certaines cultures intensives comme la pomme de terre, la tomate et autres productions maraichères. Connaissant un problème cruel de foncier, dans le sens où les producteurs ont recours à la location des terres, le paquet est mis pour intensifier la production, épuisant les terres à coups de surexploitation (monocultures, sur-irrigation, engrais chimiques et autres produits phytosanitaires, le plus souvent sans respecter les doses recommandées). Malheureusement, cette fuite en avant de l’agriculture productiviste présente des limites qu’on ne saurait ignorer, à commencer par la dégradation des écosystèmes cultivés, l’érosion et la salinisation des terres irriguées (surtout au sud) et la perte de la biodiversité, à travers l’utilisation irraisonnée de semences importées, rendant par la même occasion nécessaire l’utilisation de produits phytosanitaires pour protéger des plants fragiles et inadaptés.
L’agro-écologie, solution planétaire et… algérienne !
Dans ce contexte de fragilité de notre système agricole situé pour la plupart dans des régions semi-arides, il est temps de penser à une agro-écologie respectueuse des équilibres naturels, utilisant des procédés et pratiques agricoles aujourd’hui reconnues et utilisées dans un nombre croissant de pays du nord comme du sud. Il est temps également de revenir vers les semences locales (ou ce qu’il en reste), adaptées à nos contextes pédo-climatiques de nos régions locales. Cette agriculture est plus proche et plus adaptée à notre contexte rural où l’agriculture est restée par endroits familiale, de petite envergure, n’excédant pas les 5 hectares. C’est cette agriculture qui doit être encouragée, développée, encadrée par une formation de qualité. Ainsi, des dispositifs d’aide aux jeunes voulant revenir à la terre familiale doivent exiger au préalable une formation qualifiante à l’agro-écologie. L’agro-écologie est un concept à la mode actuellement dans le monde, il permet la durabilité de la terre nourricière par l’enrichissement du sol en matière organique, qui à terme permet d’accroitre les rendements de production alimentaire et de réduire la pauvreté rurale. À l’Algérie de s’y employer, pour le développement durable de nos régions.
K. R.
*agro-écologiste et membre du collectif des amis de Pierre Rabhi qui a officiellement accepté l’invitation du collectif des Amis de Pierre Rabhi en Algérie,
27 ans après un premier retour qui n’a pas pu se poursuivre pour les raisons sécuritaires que l’on connait.