27 Janvier 2013
….à Tiguentourine (à 40 km d’In Amenas) en Algérie est un fin connaisseur des enjeux énergétiques actuels de la région du Sahel et du Malien particulier, soyez-en sûr …Attaquer ce site est plus que symbolique … une telle attaque mettant en avant – s’il en était besoin – le rôle stratégique de l’Algérie dans le conflit actuel qui tient place sur territoire malien et dans le transit du gaz vers l’Union européenne … mais également dans l’exploitation du gaz de schiste. Rien ne semble avoir été laissé au hasard … Jugez plutôt.
La guerre du gaz et qui plus est du gaz de schiste ne fait que commencer.Rappelons tout d’abord que le site d’In Amenas participe pour une part importante dans la production de gaz de l’Algérie. Précisons ainsi qu’en 2010, 50 000 barils de condensats de gaz naturel y étaient produits par jour, pour aboutir à que 9 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an.In Amenas constitue par ailleurs un des points majeurs du transit énergétique à travers le territoire algérien, le site étant connecté par un gazoduc de 973 km de long à Hassi R’Mel autre site gazier algérien situé plus au nord et par un pipeline de 800 km jusqu’au port de Skhira dans le golfe de Gabès en Tunisie en ce qui concerne le pétrole.
Le « choix » de l’Algérie a également son importance, compte-tenu notamment de ses relations avec la France en tant qu’ancien département français et fournisseur « privilégié » de l’Hexagone, et ce alors même que le géant pétrolier Total avance ses pions chaque jour un peu plus dans l’immense bassin de Taoudeni. Ce dernier, doté d’un potentiel énergétique immense étant situé sur les territoires … du Mali, de l’Algérie, du Niger et de la Mauritanie. Remettant ainsi en cause la suprématie de l’Algérie et de la Russie sur les approvisionnements en gaz de l’UE.
On se doit ainsi de noter que les terroristes ont attaqué en quelque sorte le noyau même de la problématique énergétique mondiale en touchant son épicentre.
De ce fait, en frappant au cœur de l’échiquier mondial, les djihadistes forcent l’Algérie à sécuriser tous ses lieux de production, ainsi que les oléoducs et gazoducs, lesquels sont disséminés sur son territoire (au nord de Ghardaïa, autour d’Hassi Messaoud, au sud de Laghouat, entre In Amenas et Illizi). Alger se voit désormais contrainte de déployer ses forces policières et militaires sur tous ces sites stratégiques alors même que les rebelles ont d’ores et déjà affirmés qu’ils étaient prêts à l’attaquer via la frontière malienne.
Certes, l’Algérie est considérée comme la deuxième armée la plus puissante d’Afrique, avec un budget de plus de 10 milliards de dollars. A noter également que le commandement des gendarmes gardes frontières est passée depuis quelques mois sous l’autorité militaire.
Mais là où autorités françaises et algériennes se font plus discrètes … c’est sur l’importance du site en terme d’expérimentation et d’exploitation du gaz de schiste. Écologie et impact sur l’environnement obligent … Et pourtant, le point est loin d’être anecdotique. Alors même que le gaz dit non conventionnel concurrence directement le gaz naturel … situation bouleversant à terme les prix du marché gazier et modifiant de manière structurelle le poids des Etats-Unis et de la Russie sur l’échiquier énergétique mondial.
En mars 2011, le ministre de l’Énergie et des Mines, Youcef Yousfi, avait révélé au Cera Week 2011 (Cambridge Energy Research Associates), à Houston (USA) l’intention de l’Algérie d’exploiter le gaz de schiste. «Nous sommes intéressés par l’exploitation des réserves de gaz non conventionnels. Nous sommes en train de préparer un programme pilote. Nous sommes en train de choisir une région où toutes les conditions sont réunies. Le programme sera réalisé par la société nationale Sonatrach et un partenaire étranger», avait-il souligné.
Indiquant par ailleurs que «le pays ne dispose pas de la technologie complexe nécessaire pour réaliser ce type d’exploitation », mais « souhaite partager les coûts d’exploitation élevés de ce type de ressources».
Total et BP avaient immédiatement fait part de leur intérêt, le ministre de l’Énergie et des Mines indiquant de son côté que les réserves de gaz non conventionnels algériennes étaient aussi importantes que celles des États-Unis. «Les résultats préliminaires de notre évaluation du potentiel de gaz non conventionnels et notamment de gaz de schiste indiquent que le potentiel est au moins comparable aux plus importants gisements américains», avait-il ainsi déclaré.Au début de l’année 2011, la compagnie BP (British Petroleum) – partenaire actuel du géant pétrolier algérien Sonatrach sur le site d’In Amenas – s’est ainsi engagé avec Sonatrach pour exploiter des gaz de schiste.
Élément qui a son importance : le groupe pétrolier britannique BP avait alors créé la surprise en décidant d’annuler son plan de cession de ces actifs en Algérie. Cette annonce intervenant quelques jours après l’annonce faite par TNK-BP, groupe russe détenu à moitié par BP, laissant entendre qu’il demeurait intéressé par les actifs algériens du groupe britannique. TNK-BP ajoutant même qu’il pariait sur un changement politique en Algérie pour atteindre ses objectifs.
Le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Youcef Yousfi n’avait pour sa part fourni aucune explication détaillée à cette évolution de la position de BP.
Des informations publiées alors par le site TSA, laissaient entendre que Sonatrach allait s’associer avec BP pour exploiter d’importants gisements de gaz de schiste. Au final une opportunité pour la société algérienne de s’associer à un groupe maîtrisant la technologie complexe de l’extraction du gaz de schiste, le géant pétrolier britannique sautant quant à lui sur une occasion d’accéder au gigantesque potentiel algérien en matière de gaz non conventionnel.
En septembre 2011, l’ancien PDG de Sonatrach, Nordine Cherouati, avait annoncé les explorations expérimentales pour le début 2012. La veille de son limogeage, il avait même confié que des grands leaders étrangers du secteur de l’énergie tels que Total, Shell, Talisman, Halliburton, Schlumberger – à l’instar de l’italien ENI avec lequel Sonatrach avait d’ores et déjà signé un accord de coopération dans le domaine – étaient intéressés par les réserves de gaz non conventionnel algériennes.
Rappelons à toutes fins utiles qu’en 2011, l’Algérie était le huitième producteur mondial de gaz naturel, selon la BP Statistical Review of Energy. Quatrième exportateur de gaz au niveau mondial, elle représente 10% des approvisionnements gaziers de l’Union européenne.
Reste que les réserves de l’Algérie sont en déclin alors que la consommation algérienne doublera dans les années à venir. Selon les prévisions officielles, dès 2019 la production de l’Algérie devra être destinée à son seul marché intérieur.
Or, le pays demeure entièrement dépendant des hydrocarbures, lesquels représentent plus de 90% des exportations. Une situation qui pourrait contraindre Alger à développer cette énergie fossile non conventionnelle pour sécuriser son avenir énergétique. Voire même son avenir économique et financier, tandis que la manne gazière permet – pour l’instant – d’acheter la paix sociale.
En novembre 2012, de hauts responsables du ministère de l’Énergie algériens indiquaient que les réserves de gaz de schiste de l’Algérie représentaient quelque 600 tcf (trillion cubic feet) soit près de 17.000 milliards de m3, c’est à dire quatre fois les réserves conventionnelles actuelles du pays.
Selon le ministre de l’Énergie et des Mines, l’Algérie disposerait même de près de 29 000 milliards de mètres cubes de gaz non conventionnels piégés à plus de 1 000 mètres de profondeur, auxquels viennent s’ajouter 150 000 milliards de mètres cubes de réserves en gaz conventionnels.
Une « avancée » qui ne peut laisser de glace les États-Unis, alors même que ces derniers ont récemment bouleversé le marché spot du gaz en mettant sur le marché d’importantes quantités de gaz de schiste, l’opération ayant notamment pour effet de faire chuter les cours de manière impressionnante.
D’après les données 2009 de l’Agence internationale de l’énergie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord possèdent des réserves de gaz non conventionnels de 95 T m3, contre 31 pour l’Afrique subsaharienne. Ce qui est loin de plaire aux pays africains exportateurs de gaz …
En effet, la chute des approvisionnements énergétiques américains a entraîné un surplus de gaz naturel liquéfié sur le marché, situation conduisant à une baisse des prix du gaz. Entraînant en chaîne une baisse des devises des pays producteurs.
Mais le meilleur pourrait être encore une fois pour la fin …
Le 21 décembre 2012, jour de la fin du monde … Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangères a fait selon l’hebdomadaire Le Point la « confidence » suivante : l’Algérie et la France seraient en voie de signer un accord « permettant des recherches françaises dans le domaine de l’exploitation du gaz de schiste.
La « confidence » ayant d’ores et déjà suscité déjà une réaction hostile du « Collectif euromaghrébin anti-gaz de schiste ».
Le Dr Moussa Kacem, Maître de Conférences à l’université d’Oran (Algérie) a ainsi renouvelé l’opposition du collectif à cette « activité de quelque type que ce soit, exploration ou exploitation », celui-ci estimant les conséquences d’une telle opération désastreuse « pour la nature, pour les écosystèmes et pour la santé des populations sahariennes ou non sahariennes » considérant que « les effets de contamination touchent tout le monde ».
A noter que selon le Collectif Euromaghrébin Anti-gaz de Schiste, le gaz non conventionnel est « en exploitation » en Tunisie, des permis ont été octroyés au Maroc, des explorations sont en cours en Algérie. Et ce alors même qu’en Europe, un moratoire est requis …
En tout état de cause, des propos français qui interviennent alors que l’Algérie est en passe d’amender la loi sur les hydrocarbures afin d’encourager l’investissement dans l’exploration de l’amont pétro-gazier ainsi que dans le gaz de schiste.
Face aux réactions des anti-gaz de schiste, le Premier Ministre, Abdelmalek Sellal a affirmé que l’exploitation n’aura pas lieu avant 2040. Date peu crédible si l’on en croit les experts …
En France, le réseau RHONALPIN des collectifs opposés à l’exploitation des gaz et huiles de schiste considère pour sa part que les recherches que le gouvernement français compte mener en Algérie laissent entendre que Paris compte exploiter « les gaz de schiste ailleurs, puis en France ».
Le réseau met en doute la « valeur de ces expérimentations au regard des milieux géologiques, naturels et socio-économiques profondément différent de la réalité française » et estime que leur objectif est de « présenter une évolution de la fracturation hydraulique comme propre afin d’obtenir l’agrément des citoyens français ».
Cet accord avec l’État Algérien « est en totale contradiction avec le discours de François Hollande pour un « partenariat d’égal à égal », indique par ailleurs le réseau en renouvelant son « opposition ferme à l’exploration et à exploitation des gaz et huiles de schiste ».
Sources : Presse algérienne
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com