9 Octobre 2010
Le centre Echaâb des études stratégiques a organisé hier un panel-débat sur le dilemme sécuritaire en Afrique, animé respectivement par le Dr Sahel Makhlouf, maître de conférences à l’université d’Alger et le Dr Saïdj Mustapha, spécialiste en sciences politiques.
Après la chute du Mur de Berlin à la fin de la guerre froide, l’Afrique a été et reste encore le théâtre d’affrontements internes et de guerres civiles, rappelle le Dr Saïdj Mustapha. Cette situation est due à plusieurs facteurs. Il y a les insuffisances d’ordre économique, comme la précarité des infrastructures de base, la mauvaise assimilation d’un libéralisme non maîtrisé...
L’orateur évoque le paramètre ethnique et tribalisme qui a lourdement sapé les fondements de l’Etat. Il cite dans ce cas de figure, le génocide rwandais durant les années 90, généré par une guerre ethnique particulièrement sanglante et brutale, la situation en Somalie qui a vu l’écroulement de l’Etat et un retour, selon les termes de l’orateur, à une espèce de culture agraire moyenâgeuse.
L’Afrique est perturbée par des facteurs exogènes qui la déstabilise et freine son développement au profit des multinationales qui veulent imposer leur mainmise sur les richesses naturelles du continent. Les guerres qui éclatent en Afrique trouvent leur mobile par le fait de leur ethnicisation et leur exacerbation. Il y observe une sorte de pérennisation d’une certain logique coloniale qui donne corps au concept d’ethnoréalisme qui sévit dans plusieurs régions africaines. L’épouvantail ethnique est brandi pour diviser les peuples et accroître leur assujettissement. L’orateur constate l’échec du modèle libéral que l’on a voulu calquer sur des sociétés africaines sans tenir compte de leurs spécificités.
Il y a une vision occidentale qui ne participe pas dans l’émergence d’un développement économique et par voie de conséquence, l’instauration de la sécurité et de la paix.
Pour sa part, le Dr Sahel Makhlouf constate que le développement et la sécurité sont des enjeux et des défis à relever. L’échec, si tant est qu’il soit patent, est dû au fait que les dirigeants africains ont privilégié une approche individualiste dans leur processus de développement. Les politiques nationales ont été élaborées sous le prisme économique et social sans prendre en considération divers paramètres qui peuvent jouer leur rôle dans le processus de développement général.
Cela étant, le conférencier a fait remarquer qu’on assiste à une résurgence d’un post néocolonialisme en Afrique qui agit par l’intermédiaire de mécanismes divers, dont la dette extérieure et son paiement. Il note que l’Algérie, en plaidant durant les années 70 pour un nouvel ordre économique international qui reste d’actualité, a tôt fait de prendre la mesure des enjeux et des défis pour l’ensemble des pays du Sud. L’orateur exprime une certaine méfiance à l’égard du concept de développement durable qui, selon ses analyses, freine l’essor et l’émancipation des pays à économie émergente. Le développement et son corollaire, la sécurité et la paix, doivent être appréhendés en fonction d’une approche globalisante qui intègre un ensemble de paramètres liés à l’énergie, l’éducation, la défense, l’alimentation.
L’orateur a tenu à émettre son jugement sur le NEPAD. Il constate que c’est une initiative forte et prometteuse qui affirme un droit légitime des pays du Sud pour l’émergence et la consécration d’un développement autonome et interne qui favorise une coopération multidimensionnels entre les peuples et les Etats, qui accorde la part du lion à la stabilité et à la paix. C’est une concrétisation de ce qu’il appelle approche globalisante. Le jugement est partagé par M. Abdelaziz Belkhadem qui y voit aussi à l’égard du NEPAD une sorte de rassemblement de toutes les potentialités intrinsèques pour un réel développement en Afrique. Le NEPAD, a-t-il encore ajouté, a mis en place des mécanismes de contrôle pour renforcer le processus démocratique dans notre continent.
En définitive, les deux conférenciers ont mis l’accent sur la nécessité de promouvoir un développement authentique de l’Afrique sans perdre de vue l’obligation de le mobiliser en faveur de la sécurité et de la paix. L’Afrique, selon leurs observations, continue de subir les méfaits de pratiques et d’actes destinés à perpétrer une politique d’accaparement des richesses, d’obstination dans la continuité d’un ordre néocolonial qui tend à attiser les vieux démons interethniques, ils plaident très certainement pour un continent africain vigilant et plus solidaire au regard des nouvelles configurations mondiales nées de la fin de la guerre froide et de la chute du Mur de Berlin.
Mohamed Bouraïb
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La solution aux problèmes de sécurité et de développement en Afrique réside dans une approche de développement global affirment les participants à la conférence sur le développement et la sécurité en Afrique organisée hier par le centre des études stratégiques du quotidien "Ech-Chaâb".
M. Sahel Makhlouf, enseignant à la faculté des sciences politiques et d'information a précisé, dans une communication intitulée "problématique du développement, de la sécurité et de la paix en Afrique", qu'il existait une relation étroite entre le développement et la sécurité en Afrique, ce qui nécessite une vision englobant les dimensions économique, culturelle et civilisationnelle et non une vision unilatérale étroite. La sécurité et le développement, a-t-il affirmé, ont de tout temps constitué un défi pour l'Afrique et continuent à se poser avec force actuellement, sachant que "le continent vit aujourd'hui une étape d'affirmation de soi".
Après avoir rappelé les effets négatifs du colonialisme dans le continent et les freins qu'il a imposés à son développement, M. Sahel a estimé efficaces certaines solutions préconisées par des pays africains pour sortir de la pauvreté, l'insécurité et l'instabilité, notamment celles émanant de leur conviction quant à l'efficacité de la solution du "développement global". L'intervenant a souligné les initiatives de certains pays africains à l'effet de trouver une solution aux problèmes de la sécurité et du développement dont celle du "Nepad", considérée comme une "initiative forte" car émanant du droit des pays du Sud à un développement global et autonome.
M. Abdelaziz Belkhadem , ministre d'Etat, représentant personnel du Président de la République, qui a assisté à la conférence a, pour sa part, précisé que l'initiative du "Nepad" s'est imposée devant l'impératif de trouver "une initiative forte par les Africains qui rassemble les potentialités du continent et établit des ponts de coopération entre ces pays". Le Nepad, a-t-il affirmé, "englobe le processus politique démocratique et la nécessité de permettre aux enfants du continent de compter sur leurs capacités et de s'aider des expériences des autres".
Intervenant à son tour M. Mustapha Saïedj de la faculté des sciences politiques et d'information a passé en revue les principales causes de l'instabilité que vivent les pays africains et freiné la réalisation du développement global notamment les conflits et les affrontements tribaux qui se sont accentués après la guerre froide.
Pour le conférencier, la recrudescence des guerres civiles dans de nombreux pays africains est due à l'intervention étrangère notamment dans les pays détenteurs de ressources naturelles, estimant que "le néo-colonialisme" contribue à travers les multinationales à "alimenter les conflits tribaux en l'absence d'une infrastructure et en raison de la faiblesse du pouvoir dans ces pays".
A l'issue de ces deux conférences, les intervenants ont fait remarquer que la véritable démocratie est celle susceptible de résoudre les problèmes de sécurité et de développement dans le continent africain, soulignant la nécessité pour les pays africains de mettre en place un système de défense pour préserver leurs ressources vitales devant le retour du nouveau colonialisme.
APS