28 Mai 2011
A l'heure où l'avenir écologique de l'Algérie se joue , à l'instar de celui de toute la planète, quand il s'agit de préserver l'environnement dans ce pays, il est justifié de considérer que les efforts mis en place par nos responsables ainsi que tout le tissu associatif tardent à donner des résultats vraiment probants .
Pourtant, l'Ecologie, c'est un des plus grand défi d'un vingt et unième siècle qui risque, au rythme où vont les choses, d'annoncer une large extinction de la biodiversité à l'échelle planétaire.
En écho à cette perte, il y a ainsi le risque de vivre sans nature pour une grande partie de la population mondiale. A quoi pourrait bien, alors, ressembler la condition d'une telle Humanité? Chaque nation est responsable des trésors naturels dont recèle son territoire. Cela incombe aussi des devoirs envers le reste du Monde puisque, effet papillon oblige, tous les écosystèmes et climats que ce dernier englobe son interdépendants. Chaque pays détient une parcelle unique de la beauté universelle de notre planète. Au regard de la biodiversité, il n'y a pas de tiers monde . Partout la vie a développé d'ingénieuses particularités afin de s'adapter aux défis de la Nature.
Protéger efficacement l'environnement de son pays, est donc un acte à la fois civique d'un point de vue national, mais aussi une bonne action à l'échelle planétaire .
En Algérie, les incendies de forêts continuent à éroder un patrimoine forestier déjà bien fragilisé. Le sable de nos dunes côtières est pillé dans la plus inexcusable impunité. La matrice génétique de notre faune et de notre flore est en train de disparaître sans que personne ici ne soit capable d'y remédier. Nos oueds sont la proie d'une pollution qu'il serait judicieux d'endiguer. Les problèmes de surparturage n'ont pas trouvé d'issue vraiment viable et tout cela a pour conséquence l'avancée inéluctable du désert. Que dire de la pollution des déchets domestiques et industriels qui ne cesse de s'amplifier. Que penser d'une agriculture et d'un élevage qu'on croit moderniser à grand coup d'apports biochimiques alors qu'une grande partie du monde développé a compris que c'est une conception dépassée, voire même nocive pour la santé des sols, des bétails et donc des citoyens? Enfin, parce qu'il faut conclure ce constat loin d'être exhaustif, comment ignorer l'état d'extrême pollution de la mer Méditerranée?
Bien entendu, ce triste état des lieux n'est en rien une révélation pour ceux et celles qui aiment la Nature de ce pays. Je suis persuadé que tous les lecteurs et lectrices de ce portail sont conscients de ce qui se passe en Algérie . Je sais aussi que certains et certaines d'entre vous ont pris la décision d'agir afin d'éviter le pire.
Est-il possible d'accepter de voir un pays se transformer peu à peu en une poubelle à ciel ouvert alors qu'il se situe sur une terre considérée pendant des siècles parmi les plus généreuse et fertile de la zone méditerranéenne? Comment une nation qui ambitionne d'être l'acteur principal de la protection de l'environnement en Afrique, peut-elle afficher de tels retards dans sa capacité à relever les défis dans ce domaine?
La principale "excuse" que nous rétorquent tous ceux qui trouvent un intérêt à retarder la mise en place d'une véritable vision écologique en Algérie, est que ce pays a d'autres priorités à gerer avant de se soucier de l'environnement.
La volonté d'émergence économique, la nécessité de construire le pays, les tensions socio économiques, une bureaucratie paralysante parce que trop tentaculaire, ce n'est certes pas le meilleur des terreau dans lequel devrait émerger une conscience écologique . Il serait malvenu de l'ignorer si l'on veut être réaliste sur la place de l'environnement dans les préoccupations de la société algérienne. Cependant, il serait encore plus impertinent de ne pas accepter le fait qu'un environnement sain, à l'instar de l'adage "un esprit sain dans un corps sain" est la base de tout développement vertueux.
La santé de nos concitoyens ainsi que l'avenir des générations futures sont en jeu....
Bien sûr, les choses évoluent. Les initiatives gouvernementales ainsi que les actions associatives se multiplient. Rappelons-le, depuis 2000, l'Algérie dispose d'un ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement qui propose des programmes ainsi qu'une législation en matière d'environnement. Mais, sans faire de procès à qui que ce soit, j'ai la nette impression que ces initiatives ne sont pas d'une efficience à la mesure des enjeux qui se jouent en Algérie.
En Algérie, au sein de la "communauté écologique", il n'y a pas de réelle coordination des actions et encore moins de partage de l'information . Malheureusement, comme l'a admis Mr Harroun, conseiller du ministre de l'agriculture lors d'une récente entrevue que nous avons eu ensemble, c'est un problème culturel en Algérie.
_"Chez nous, l'information est considérée avant tout comme une source de pouvoir personnel qu'il n'est pas envisageable de partager pleinement, au risque d'avoir l'impression de voir ce dernier s'amoindrir." m'a-t-il confirmé avec ses propres mots.
La confiance en l'autre n'est pas une valeur prédominante dans notre pays . Ce qui est fort dommageable pour mettre en place une vraie émulation collective et surtout efficace. La peur de se voire "voler" ses idées est une hantise pour bon nombre de gens en Algérie. Pourtant, quand il s'agit de l'intérêt commun, de telles spéculations doivent être mises de côté. Il y a aussi des régionalismes, des antagonismes entre telle ou telle ville qu'il serait préférable d'estomper au regard de la dimension nationale et internationale des problèmes environnementaux de l'Algérie.
De plus, il y a une mauvaise communication entre les autorités et la partie civile, ce qui est avant tout le fait d'une flagrante mauvaise volonté de la part de certains fonctionnaires locaux . Souvent, les associations se plaignent que leur wilaya (au sens administratif) ne joue pas assez son rôle de médiateur avec la capitale .Cette dernière, est de ce fait privée d' informations et de compétences qui pourraient pourtant faire avancer plus vite les choses au niveau national. C'est aussi à Alger de se pencher encore plus attentivement sur les doléances des parties civiles locales et de subventionner les associations les plus compétentes en matière d'écologie et non, comme parfois c'est le cas, les plus complaisantes... Je me permettrais d'évoquer aussi la forte pression qu'exercent certaines contingences mercantiles sur le bon fonctionnement de beaucoup de projets écologiques en Algérie...
Bien que l'Algérie dispose d'un grand nombre de lois afin de veiller à la pérennité de son environnement, beaucoup de gens sur le terrain se plaignent du manque de décrets pour les appliquer vraiment. Cette lacune est source d'une inertie qu'une fragmentation "kafkaesque" des institutions ne fait qu'aggraver. Parmi les doléances du monde associatif activant dans le domaine de l'écologie, il y a souvent le fait que ces organismes ont beaucoup de difficultés à coordonner leurs actions ainsi que leurs réglementations au point que parfois elles se font interférence.
La Nature algérienne est à considérer comme étant le bien de tous les habitants de ce pays, quelque soit leur niveau social. C'est aussi la terre originelle d'une grande communauté d'algériens disséminés un peu partout dans le monde. Ces derniers, sans aucune exagération, sont très attachés à la beauté naturelle de ce pays. En ce qui concerne la biodiversité mondiale, ce territoire est d'une importance non négligeable. De part sa position géographique, l'Algérie est une terre de passage pour une grande partie des oiseaux migrant entre l'Europe et l'Afrique. Le Tell algérien, en zone côtière , subit un climat certes méditerranéen, mais bien particulier à cause de sa localisation géographique . Cela donne une faune et une flore aux espèces et sous espèces souvent endémiques. Les hauts plateaux sont le berceau d'une agriculture qui a notamment produit un des meilleurs blé du monde .Enfin, le Sahara est le plus grand désert de la planète...
Bref, comme celle de chaque pays , la Nature algérienne est un témoignage vivant d'une Créativité transcendant tout l'Univers. C'est un territoire national qui à un rôle international à respecter afin que la Terre reste un des joyaux de ce système solaire. Il n'a de place que pour l'échange de compétences, de connaissances et de savoirs -faires quand il s'agit de collaborer à sauvegarder l'environnement ainsi que de la biodiversité en Algérie.
Il est non seulement vital de dépasser au plus vite ces obstacles, mais aussi de créer une plate-forme de rencontres et de coordination d'activités à l'échelle nationale.
Ce pôle de bonnes volontés doit inclure toutes les strates de la société algérienne et s'avérer au service d'une vision qui doit être profitable à tous. Associations, organismes étatiques, industriels, médias, scientifiques , enseignants doivent se rencontrer autour d'une même conviction: celle que l'écologie est un projet social mais aussi économique.
J'insiste sur le dernier point, car sans une réflexion capable de générer des capitaux, l'écologie n'est pas envisageable dans le contexte actuel des choses. Cette rentabilité n'est pas utopique, elle est même très réaliste car il y a beaucoup de bénéfices à tirer d'une gestion vertueuse des immenses richesses naturelles et humaines de l'Algérie.
Cela ne sera possible que par une prise de conscience et des mesures efficaces à l'échelle de toute la société algérienne.
Les Algériens et les algériennes qui vivent hors des frontières de leur pays d'origine, doivent s'investir et investir afin que des projets associatifs se réalisent plus facilement et ce , avec l'apport des savoirs faire qu' ils ont acquis à l'étranger.
Les amoureux de la Méditerranée, du Sahara, des Hauts plateaux, peu importe leur nationalité, devraient échanger plus régulièrement et se réunir autour de projets concrets.
Une étude environnementale à l'échelle nationale est une des première condition à mettre en place afin de favoriser cette émulation salutaire . En effet, sans un outil référentiel commun, il sera difficile de vraiment travailler ensemble. Un discours, un langage, une culture nationale de la réalisation doivent être ainsi établis.
Le manque de "culture environnementale" en Algérie , est un handicap pour la réalisation de nombreux projets écologiques en Algérie. Les mesures prises en hauts lieux , afin de veiller à la santé écologique de notre pays, ont du mal a être appliquées à l'échelle locale souvent par manque de cadres suffisamment qualifiés et de contrôles vraiment objectifs sur l'aboutissement des programmes mis en place par le Ministère de Mr Rahmani . L'Etat ne sait pas toujours être à l'écoute de la société civile , alors que parfois elle est la plus compétente à donner son avis sur des problèmes locaux.
Prenons un exemple qui me tiens, je dois l'avouer, très à coeur.
Nos paysans disposent d'un savoir ancestral qui a été trop peu exploité ces derniers temps.
Ces hommes et ses femmes ont su au fil des siècles mettre en place un système culturel et agricole qui ne manque pas d'atouts pour continuer à garder intacte la Nature Algérienne (au sens propre comme au figuré) . J'aimerais rappeller le fait que nos espèces végétales locales étaient beaucoup plus productives qu'on voudrait nous le faire croire et surtout mieux adapté à notre climat. Mon grand oncle, El Haidi Latréche, cultivait la pastèque locale sans la moindre irrigation. C'était un homme riche, alors que ses fils préfèrent dépenser des centaines de milliers de dinars pour exploiter des espèces hybrides qui n'ont qu'une durée de rendement ne dépassant pas les trois ans et épuisent les réserves hydriques de leur région, Guerbes, dans la wilaya de Skikda. Mr Drief Hadid, un agriculteur de la commune de Boutlelis à Oran développe d'ailleurs en collaboration avec l'association "Main dans la main" de Mme Baba Ahmed une ferme pédagogique dont un des objectifs est la restauration des semences de nos terroirs. Là aussi, les agronomes doivent parfois oublier les enseignements venus d'Europe pour se ressouvenir de ceux de leurs ancêtres. La circulation de l' information entre le monde urbain et rural doit être mise en place avec plus d'enthousiasme et d'humilité de la part des citadins.
Enfin, il n'est pas inutile de préciser que le monde de l'entreprise, dans un pays qui se veut en voie d'émergence, a une grande incidence sur l'état de santé écologique du pays. Au regard des nombreux impacts que ses activités ont et auront sur l'intégrité naturelle de l'Algérie, c'est incontestable... Il est capital d'encadrer ce secteur de même que d'encourager les entreprises qui ont pour soucis (pas seulement dans leurs discours) de veiller à limiter ces impacts et , au mieux, de développer des commerces en corrélation avec l'écologie. Là aussi, il n'est pas rare que le manque de données environnementales mis à leur disposition, ne favorise pas leur implication dans les enjeux qui se jouent dans ce domaine.
Ainsi, parce qu' il parait évident que le partage de l'information ainsi que la réunion des compétence sont à considérer comme des défis de premier plan en ce qui concerne l'écologie en Algérie. Parce que ce pays accuse un retard conséquent (mais pas incurable) en la matière, je pense sincèrement qu'il est temps de changer d'état d'esprit et de modes opératoires afin que l'Algérie reste un des plus beaux pays de la zone méditerranéenne.
Je conclurais d'ailleurs par le souhait de voir une Algérie, "réunifiée" dans ses objectifs environnementaux, devenir un partenaire international à la mesure du rôle que joue notre territoire dans l'écosystème planétaire...
le 28 mai 2011.
Article rédigé par Karim Tedjani pour "nouara-algerie.com".