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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

« Guerbes Sandhadja : un destin contre nature … » Par Karim Tedjani

Un crime impuni...

Le pillage de la suberaie et du maquis annonce l'avancée du sable marin sur les terres intérieures, il est commis d'ailleurs en toute impunité de la part des forestiers locaux qui, bien que sollicités, font la sourde oreille....

 

 

Un site naturel et éco touristique d’exception

La région de Guerbes Sandhadja, située au nord est de l’Algérie, plus précisément dans la wilaya de Skikda  est  sans contexte un  des joyaux de la Nature Algérienne parmi le plus ignoré de notre pays.

Pourtant  elle abrite un complexe de zones humides qui est un des seuls de  la  méditerranée répondant à cinq des huit critères institués par la célèbre convention internationale de Ramsar pour la protection et la valorisation des zones humides dans le monde. En Algérie, seule celle  du lac Tonga dans la wilaya d’El Tarf,  à la proche périphérie de la frontière algéro-tunisienne, peut prendre à un tel statut. Aujourd’hui, on sait que les zones humides jouent un rôle prépondérant dans le traitement ainsi que la régulation naturelle des ressources hydriques. Dans un pays en stress hydrique comme l’Algérie, c’est une manne. La terre de  Guerbes, à ce titre, renferme dans ses entrailles une importante nappe phréatique alimentant en eau un grand nombre de communes voisines. C’est également sur ses côtes aux  plages et pagettes quasiment vierges,  que viennent se mêler, en des myriades d’estuaires,  la mer Méditerranée et l’oued El Kebir traversant  la région de Messoussa,  une version algérienne de la Camargue. 

Cette particularité géographique a fait de cette zone naturelle  un sanctuaire hivernal pour une multitude  d’oiseaux  venus migrateurs. On estime d’ailleurs qu’un pour cent de la faune aviaire mondiale vient passer l’hiver dans ce complexe de quatorze zones humides reconnue également par la WWF. L’Erismature à tête blanche est le spécimen le plus rare présent dans les eaux marécageuses de Guerbes Sandhadja. 

La richesse naturelle de cette région ne s’arrête pas là. En effet, elle referme une forêt de conifères ainsi que de chêne liège et vert entourée par les monts Filfila et Endough. Sa suberaie luxuriante s’étend de la zone côtière aux flancs de ces deux monts aux formes bien distincts. Elle permet d’ailleurs d’endiguer l’avancée du sable  des plages vers les terres intérieures.  Guerbes regorge de plantes médicinales et aromatiques, de fleurs, de champignons, de baies… Si bien qu’au printemps  ses paysages offrent au promeneur avide de sensations bucoliques un festival de couleurs chatoyantes et d’odeurs enivrantes. La pépinière «  hors sol »  de chêne vert  installée à  Guerbes,  non contente d’être  la plus importante et perfectionnée du pays,  est également la deuxième sur le continent africain.

Ici, dans cette partie de l’Algérie où l’on passe d’une dizaine de kilomètre d’un paysage marin, d’une zone marécageuse  à une zone montagneuse,  la vie prend quasiment  toutes les formes que la biodiversité méditerranéenne peut engendrer. Batraciens, oiseaux, rapaces,  mammifères en tous genres, poissons ainsi que mollusques  d’eau douce et de mer, reptiles, insectes et même des micros organismes d’une grande rareté, tout ce beau monde a trouvé en Guerbes Sandhadja un refuge sans équivalent dans la région du Constantinois.  

A Guerbes Sandhadja, il serait possible de faire de fabuleuses randonnées à pied, à cheval, de l’escalade, des safaris photos, de la pêche en eau douce ou bien encore sous marine de la même façon que c’est un site d’observation ornithologique sans beaucoup d’équivalent dans le pays. 

D’un point de vue plus culturel, l’îlot naturel de la première plage de Guerbes est un site archéologique du fait qu’elle a abrité jadis un petit port phénicien. Cependant, comme beaucoup de sites antiques  disséminés  à travers tout le territoire, il a été négligé,  voire laissé à la merci de l’ignorance des estivaux  ainsi que  des élus locaux.  

Une région à l’abandon

Si Guerbes Sandhadja est en bien des points un paradis naturel, un trésor du patrimoine Algérien,  c’est aussi malheureusement  le théâtre d’un désastre écologique, dont l’action anthropique est largement à mettre au crédit.

Si j’ai choisi d’écrire cet article, ce n’est résolument pas afin de  vous faire la promotion de cette région qui m’est si chère mais, plutôt,  pour attirer votre attention sur les nombreuses atteintes à son intégrité biologique si particulière. A ce triste  titre, la région  est un cas d’école : toute la palette des crimes contre la Nature  Algérienne est à y déplorer et ce, dans la plus totale indifférence et impunité ; alors que c’est une zone naturelle censée être protégée  pour une multitude de raisons… Heureusement, il n’est pas trop tard pour endiguer cette tragédie et, fort est à parier que relever un tel défit environnemental  et social serait même le gage d’un développement socio économique qui pourrait servir d’exemple en bien des lieux de notre si beau et mal exploité  pays.  C’est donc , inspiré par cette profonde conviction que j’aimerais à la fois vous exposer le pire déjà accompli mais aussi le meilleur à venir pour peu que toute la société algérienne s’accorde à construire son avenir plutôt qu’à consumer sans vergogne toutes les richesses naturelles dont la Divine Providence a bien voulu la doter.

L’îlot de Guerbes victime de son succès

Tout d’abord, chaque été, des tonnes de déchets domestiques, jonchent  sur  un rayon d’un  kilomètre la première plage de Guerbes. Tous ces détritus proviennent des milliers d’estivants qui viennent se dorer la peau sur cette plage. Ici, on vient autant des communes voisines comme Djendel, Azzaba ou Ben Azzouz que des wilayas périphériques dont Guelma, Annaba, Constantine, certains, certes plus rares,  viennent même d’Alger ou du Sud du pays. Au regard des faibles infrastructures (pas d’eau courante ni d’électricité) et du tourisme très amateuriste qui y est pratiqué par certains locaux (de simples gargotes  à des années lumières de la moindre norme d’hygiène), la population estivale de cette plage est essentiellement issues des classes pauvres ou moyennes peu encline au civisme ainsi qu’au respect des lieux si elle n’y est pas rigoureusement  invitée.

Les énormes quantités d’ordures qui viennent envahir les abords de cette plage, génèrent de nouveaux comportements chez la faune locale, qu’elle soit d’ailleurs sauvage ou domestique créant ainsi un déséquilibre dans les réseaux trophiques locaux. Souvent, dans l’estomac du bétail mort de maladie, on retrouve des quantités inquiétantes de sacs en plastiques… Les rares sources environnantes sont également souillées par des baigneurs venus prendre une douche afin d’enlever le sel marin de leur peau.  Des sommes astronomiques de sacs sont également transportées par le vent vers les terres intérieures où elles se désagrègeront pour finir par se mêler en une toxique poussière dans les sols si fertiles de ce « pays » (au sens local du terme).

C’est donc un problème qui a des répercussions sur l’économie et l’environnement locaux. Si les bénéfices de ce genre de tourisme sont à court terme, ces  impacts sont à saisir sur le moyen et le  plus long terme. Ces bénéfices ne sont d’ailleurs pas importants et ne profitent qu’à un petit nombre qui n’ont aucune aptitude à percevoir les véritables potentiels de cette plage.

Il parait évident que c’est la défection des autorités locales qui doit être identifiée comme la cause principale d’un tel désastre.  C’est parce que cette plage a été laissée quasiment à la merci de son  succès touristique, parce que le tourisme n’y est pas encadré avec suffisamment de rigueur que l’on en est arrivé là… Alors que, avec un minimum d’esprit « moderne », il serait possible de créer de nombreux emplois durables  pour les locaux ainsi que d’autres jeunes venus d’ailleurs, d’assurer la sécurité hygiénique des estivants, de respecter l’environnement et même, au regard des bonnes performances photovoltaïques et éoliennes de cette plage, d’en faire un site pilote pour le développement des énergies renouvelables… Un aménagement   durable de ce site balnéaire, dans l’esprit de l’économie verte, c’est-à-dire où le social, l’économique et l’environnement seraient abordés avec un équitable souci, l’ilot naturel de Guerbes pourrait redevenir un site d’exception tout en se métamorphosant en un pôle touristique  novateur pour l’Algérie.

Le pillage des dunes et de la suberaie, un « bizness » illicite  compromettant tout l’équilibre de la région

Le cordon dunaire de la baie de Guerbes, ainsi que la suberaie qui l’entoure jouent un rôle prépondérant dans la lutte contre l’avancée du sable et l’érosion du vent et de l'eau vers les terres intérieures du pays. Jadis, l’exploitation du sable de Guerbes était légale et, pour des raisons écologiques évidentes, elle a été stoppée. Pourtant,  avec la complicité de certaines habitants locaux qui n’ont pas d’autre choix que de vendre leurs bras et leurs pèles moyennant quelques centaines de dinars pour survivre dans ce no man’s land économique, certaines mauvaises conscience persistent à s’attaquer à ce patrimoine naturel qui, s’il venait à disparaître, entrainerait dans sa chute tout le reste de la région, condamnée à devenir un désert.

Il y a ceux qui pillent le sable, mais aussi ceux qui détruisent le maquis côtier pour cultiver la pastèque. Les premiers sont de moins en moins nombreux tandis que pour les seconds, c’est un « secteur » en pleine expansion…. Rien que cet été, près de dix hectares ont été rognés à grand coup d’engins par des agriculteurs avides de profits et totalement inconscient des impacts de leur forfaits. Déjà, dans la partie « Sandhadjah »,  les dégâts sont visibles à l’œil nu au point que la région commence à ressembler à un désert. La population s’est d’ailleurs mobilisée depuis peu pour dénoncer cet état de fait auprès de l’antenne de la Conservation des forêts de Ben Azzouz qui ne semble pas très diligente à saisir la justice auprès des auteurs de ces délits récurrents au point de paraître tacitement complice, du moins certains de ses cadres...

La culture de la pastèque, si elle a fait la réputation de Sandhadja, n’en est pas moins fort nocive pour les sols ainsi que pour les nappes phréatiques au regard des énormes quantités d’intrants phytosanitaires et d’eau qu’elle nécessite. Alors que la figue de barbarie et la figue sont d’autres produits de qualités qui pourraient être développés ici. Pour information, la figue de barbarie produit l’huile la plus chère au monde, du miel, de la confiture, son cactus,  des condiments et même, conditionnées, ses graines peuvent fournir un précieux complément alimentaire pour le bétail. Les épluchures de ce fruit très riche en fibre et vitamines sont utilisées par certains laboratoires cosmétiques pour leurs vertus à régénérer la peau. De plus, ce fruit n’a besoin ni de beaucoup d’eau, ni d’entretien pour pousser.

 

Des incendies de forêts de moins en moins accidentels

Dans le même état de mauvais esprit, il existe une véritable maffia organisée autour de spéculations foncières peu orthodoxes. Brûler la forêt, afin de récupérer une parcelle de terre pour soit la revendre, soit agrandir la surface agricole utile, est devenu le sport favori de certains au grand dame de milliers d’espèces vivantes et du potentiel éco touristique de la région. Là aussi, l’impunité semble de rigueur au point même que l’on pourrait soupçonner quelque uns, parmi les cadres forestiers, de profiter de cette manne peu vertueuse…

A quoi bon s’afficher sur la scène mondiale comme un pays concerné par l’avancée du désert et son corollaire le réchauffement climatique si, au niveau local, cette ambition ne prend guère plus l’apparence d’une simple posture, d’un discours sans réelle consistance dans la réalité du terrain ?

Le problème n’est malheureusement  pas inhérent à Guerbes Sandhadja, c’est un fléau qui fait chaque été de plus en plus de dégâts. Ajoutez à cela la défection des gardes forestiers dans la sphère du terrain, le manque de sérieux, pour ne pas dire d’honnêteté, de la plupart des entreprises privées chargées de l’entretien des forêts algérienne, et vous comprendrez pourquoi l’Algérie, avant de s’aventurer à vouloir donner des leçons aux autres pays, devrait, au risque de paraître « ridicule »  une fois démasquée, devrait d’abord s’appliquer à être exemplaire sur son propre territoire.   

La misère sociale et culturelle en cause…

Si les habitants de la région sont devenus les témoins tacites voire, pour une minorité, complices d’une telle atteinte à son environnement, c’est avant tout à cause du fait que ces derniers vivent dans des conditions très frugales et n’ont pas beaucoup d’options pour gagner honnêtement leur vie. Pour que l’environnement de Guerbes Sandhadja se régénère, il faudrait donc que la misère locale s’étiole, et, pour cela, il faudrait organiser un développement durable de projets « verts » afin de proposer à ces derniers des sources de revenus réguliers et impliquant de respecter l’intégrité naturelle des lieux. Derrière chaque crise majeure se cache un défi à relever pour aller de l’avant… Il y a donc un espoir, certes, infime, pour que toute la société locale prenne le pas sur ce qui a déjà été réalisé avec succès par nos voisins maghrébins et nombres de pays en voie de développement ; à savoir que la nature sauvage peut être un atout économique et social pour une région aussi riche en beauté naturelle que cette dernière.

Guerbes Sandhadja a besoin d’un tissu associatif local  performant, d’une veille scientifique à la hauteur de ses potentiels  et de gardes forestiers vraiment présents sur le terrain, de même que d’un soutien plus important de la wilaya de Skikda  et des ministères compétents à rendre son développement plus vertueux…

C’est donc par un appel solennel à toutes les bonnes volontés disséminées  à travers tout le territoire et même hors de nos frontières que j’aimerais conclure ce modeste article afin que Guerbes Sandhadjah redevienne le paradis naturel qu’elle aurait du toujours être tout en devenant un pôle éco touristique novateur.

Car il n’est jamais trop tard pour progresser…Pour peut qu’on le désire vraiment !

 

Au moment où je publie cet article, Mohammed TABBOUCHE président de l'association Bariq 21 s'est engagé à saisir la Conservation des forêts de SKIKDA et, les auteurs de ces crimes ont réagit à ces menaces en brûlant de plus belle : "NOUS AVONS LES FORESTIERS AVEC NOUS" ont-ils déclarés...Nous ne pouvons que penser que, si complicité il y a de la part de ces derniers, elle n'est qu'à un niveau local!

Nous  comptons  bien répondre à ces provocations, et, si rien n'est fait à Skikda pour changer cela,  porter l'affaire jusqu'à Alger où nous avons de nombreux soutiens...

 

Pour en savoir plus :

Le maquis de Guerbes massacré. Tout l'équilibre d'une région menacé... Le maquis de Guerbes massacré. Tout l'équilibre d'une région menacé...  

          

Un blog que j'ai crée en 2009 sur la région  http://la-baie-de-guerbes.over-blog.com/ 

 

 

 

 

 

 

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