14 Mars 2013
Nos ressources en eau une fois de plus menacées par un projet pétrochimique....
L’annonce « non officielle » publiée sur le quotidien algérien Liberté, concernant l’installation d’un complexe pétrochimique dans la région de Guerbes Sanhadja (Skikda), a déjà fait son petit effet . Alors que rien n’a encore été décidé publiquement, de nombreuses voix s'insurgent contre une telle ambition. Dans les couloirs de cette affaire, les rumeurs vont bon train. Certaines ne risquent pas d’être bonnes pour les amoureux de la Nature Algérienne. Mais, à vrai dire, ce sont peut-être ceux et celles qui espèrent qu’un jour notre pays tentera sincèrement de diversifier son économie qui seront encore les plus déçus si après le gaz de schiste, c'est de nouveau un projet pétrolier qui va menacer une grande réserve d'eau et de biodiversité endémique en Algérie . Il faut dire que leur propositions se font attendre et qu’elles le font encore plus quand il s'agit d'être écoutées par les autorités locales. C’est avant tout parce que rien n’a été fait à Guerbes Sanhadja que tout est à présent possible. Même la pire des aberrations…
Car, à l’instar de El Kala, dans la wilaya d’El Tarf, Guerbes Sanhdaja , une région qui aurait pu être le champ d’innovations sociales, économiques et environnementales, va devenir le théâtre d’un énième gâchis. Un gâchis écologique, certes, mais également celui d’un développement économique pertinent qu’il faudra d’abord incomber à l’inertie des autorités locales et nationales qui n’ont pas su faire de cette zone naturelle si prometteuse autre chose qu’un no man’s land sans véritable opportunité de carrière pour beaucoup de jeunes locaux. Ainsi en promettant vaguement 20 000 emplois permanents pour la région, Sonatrach semble opposer certes un argument de taille pour justifier son forfait. Mais c’est un argument réservé à des gens qui voudront croire qu’un projet qui ne risque pas de durer plus de trente ans et laissera une empreinte polluante indélébile pendant des centaines d’années est une source d'emplois permanents.Peut être plus rentable à long terme que la mise en valeur d’une biodiversité renouvelable pour des sciècles à venir ?
Bien plus qu’un " crime écologique..."
Certes, Guerbes Sanhadja est un sanctuaire de la nature algérienne, et également de la biodiversité mondiale. C’est un royaume naturel, une terre permettant toutes les explorations bucoliques. La mer, la montagne, la forêt, des zones humides mais aussi et malheureusement le désert s’y rencontrent pour célébrer la vie sous une multitude de formes et de paysages. Pour de nombreux naturalistes, c’est un paradis de l’endémisme, c’est-à-dire que de nombreuses espèces végétales et animales qui y résident ne s’y trouvent nulle part ailleurs dans le monde.
A ce propos, le complexe de 14 zones humides de Guerbes Sanhadja est classé parmi les plus importants d’Afrique du Nord et de Méditerranée au point de répondre à cinq des neufs critères de la Convention internationale de Ramsar que notre pays s’est engagé à respecter.
Mais c’est également, diront nous, pour ces raisons qu’elle dispose d’un potentiel économique à mettre au plus vite en valeur. Car les penseurs du sinistre projet qui se profile à Guerbes , ne projettent pas seulement un « Crime contre la Nature » , ils vont condamner les chances de faire de cette région un pôle touristique et d’économie verte. Le manque d’ambitions des autorités locales sur la question joue d’ailleurs en la faveur de Sonatrach qui elle, promet 20 000 emplois permanent grâce à la construction de ce méga projet.
Un climat idéal pour préparer l’Algérie de demain
Guerbes Sanhadja, c’est un micro climat. Ou, si vous préférez, sa situation géographique, mais aussi la flore qui la recouvre, l’eau dont elle regorge en surface comme dans ses sols, ont contribué à y installer des conditions climatiques très particulières. Cette exception climatique a elle-même favorisé le développement d’espèces vivantes très variées. Guerbes est un chaudron de la Nature vivante.
Le climat d’une région, quand il est bon pour la santé et le moral des hommes, parce qu’il permet de cultiver des produits naturels sains ainsi qu’une viande de qualité, mais aussi de leur offrir un cadre de vie ou d’évasion d’une grande rareté , un tel climat ne peut être considéré par une nation qui aspire à être moderne que comme une richesse nationale. C’est le climat idéal pour tenter l’aventure d’un développement économique et social plus en phase avec les réalités écologiques que nous impose ce début de millénaire.
Une ressource d’économies
Le grand Oued El Kébir qui vient retrouver sa mer patrie dans les bras de la baie de Guerbes s’est étalé dans la région en de myriades de cours d’eau, d’étangs, de marais et de marécages. Ses terres sablonneuses, ses roseaux et les méandres que sa géomorphologie impose aux cours d’eau font de Guerbes Sanhadja, au même titre que toutes les régions incluant des zones humides importantes, un philtre naturel pour l’Eau qui voyage à travers les régions. Imaginez, le nombre de stations d’épurations, la quantité d’énergie et de chimie et donc de moyens financiers qu’il faudrait pour assurer le travail que la Nature fait pour nous. Et cela gratuitement, avec une telle Beauté. De plus, parce qu’il se situe à une zone clef du cycle de l’Eau, ce complexe de zones humides ainsi que les nombreux ruisseaux qui jalonnent la région sont des sujets d’études très intéressants afin de percer le secret du filtrage naturel des eaux usées.
Le vent et Soleil sont omni présents dans cette partie de l’Algérie, et du Monde. La baie de Guerbes est un site qui réunit beaucoup de conditions pour tenter l’expérience des énergies renouvelables. Il serait même envisageable de créer des stations balnéaires totalement alimentées par les énergies renouvelables sur les neufs plages vierges de la baie de Guerbes.
La multitude de plantes médicinales et les connaissances des habitants de Guerbes de leur vertus, pourrait permettre de mettre en place un vaste programme pour réinsuffler les remèdes naturels au quotidien et militer pour une médecine préventive et non plus curative et biochimique. Quand on sait la place que les médicaments occupent, dans le budget des Algériens de plus en plus malades de leur mode de consommation, on ne peut qu’espérer que de tels projets se développent un peu plus dans notre pays.
Protéger un tel site est un gain d’argent et de technologies.
La région a déjà bien souffert...A cause d'une gestion à l'abandon le desert a fait déjà son apparition...
Des terres précieuses mais aussi fragiles à préserver par une agriculture intégrée
La plaine de Guerbes Sanhadja, parce qu’elle est à la croisée entre tellement d’écosystèmes, a accouché d’une mosaïque de sols par endroits très fertiles, par d’autres extrêmement pauvres. Ici, de formidables expériences agro écologiques sont possibles. Cela veut dire que l’on fera de l’agriculture en respectant les particularités de cet environnement car elles ne pourront apporter qu’un goût unique à la saveur des produits cultivés. Cela voudra également dire que l’on sera capable de restaurer les sols avec l’aide des locaux, d’harmoniser l’élevage et l’agriculture, de favoriser par des subventions certaines mentalités de cultures et d’élevages qui s’intégreront mieux dans un ensemble d’écosystèmes aussi fragile et long à restaurer.
L’Agro écologie est un concept dont des plus fervents défenseurs porte un nom algérien et à vu le jour dans la région de Biskra, au Sud Est du pays. Il y a travers le monde de plus en plus d’adeptes d’une telle agriculture, basée sur la restauration et l'entretien naturelle, c’est-à-dire non biochimique des terres cultivables.
Guerbes Sanhadja, malgré les atteintes qu’elles subi régulièrement, malgré l’avancée du désert qui la menace par son versant Sanhadja, reste considérée comme la deuxième plus « intacte » après celle du lac Tonga à El Tarf. Elle a donc un besoin pressant d’être mise en valeur. Un plan mis en œuvre par divers institutions algériennes et les Nations Unies a d’ailleurs été décidé. Un plan de plusieurs centaines de milliers de dollars qui doit également créer de la richesse et des emplois puisqu’il vise à intégrer les locaux dans la préservation du lieu par des mesures économiques et sociales.
Se Développer pour durer
La figue de barbarie qui produit notamment une huile rare et chère, les glands du chêne liège source de calories à mettre en valeur pour l’alimentation du bétail et l’agronomie, le liège pour ses vertus isolantes, les fromages de chèvres, vaches et brebis gavée de plante et de fleurs rares , une formidable collection de plantes médicinales à exploiter pour réinstaurer la médecine préventive dans le quotidien des citoyens algériens, mais aussi pour des laboratoires pharmaceutiques ou bien pourquoi pas pour l’industrie agro alimentaire...tant d’autres secteurs peuvent être développés idéalement dans une telle région. Des milliers d’emplois peuvent ainsi être crées tout en gardant sa Nature intacte, voire en redorant sa superbe.
Guerbes est le village qui a accueilli une pépinière hors sols capable de produire plus de 2 000 000 de plants de chênes par an en utilisant un substrat naturel issu des déchets d’olives réputés très nocifs pour les cours d’eau quand ils ne sont pas recyclés. « Ici commence le développement durable en Algérie » a été inscrit sur un panneau par la première équipe qui prit en charge ce site.
Le tourisme vert, à la disposition des scientifiques, des groupes scolaires mais aussi des familles et des groupes d’amis désireux d’étudier ou d’apprécier tout simplement une nature d’exception dans des conditions idéales, un tourisme de qualité et non de quantité doit être installé dans une région qui a toute la légitimité pour obtenir le statut de parc national. Un tourisme où les habitants de la région doivent participer tout en restant eux-mêmes, c’est-à-dire des gens proches de la Nature.
La photographie, les sports de chasse et de randonnées, le camping et même des sports plus extrêmes comme la planche à voile, l’escalade ou bien encore le vtt sont autant de secteurs commerciaux qui pourraient se développer grâce à un rayonnement éco touristique de la région.
La plaine de Messoussa est un cadre idéal pour relancer l’élevage du cheval Barbe en Algérie. Ces abords à l’Oued El Kebir sont déjà le rendez vous de nombreux pêcheurs venus essentiellement de Guelma. Sa proximité avec une superbe zone humide en fait un cadre sublime pour passer le week-end ou bien venir prendre des oiseaux migrateurs en photos ou évoluer dans un centre hippique original. De merveilleuses balades en barque sur les bords de l’oued dans un décor de rêve, entourés d’oiseaux et de chevaux sauvages, qui ne peut en rêver ?
Tout cela est créateur d’emplois durables… Parce qu’elle englobe tellement de types d’écosystèmes dans un espace si peu étendu, Guerbes peut être un site idéal pour faire de nombreuses expériences dans ce domaine et devenir aussi un pôle de formation aux métiers du tourisme et de l’environnement.
Guerbes Sanhadja est certes une région pauvre à développer...
Pour conclure…
Reprenons : la biodiversité, l’Eau, le climat, la sécurité alimentaire, la lutte contre l’avancée du désert, les énergies renouvelables, le développement durable, la santé publique …Si tout cela est en jeu, alors, peut-on continuer de croire que Sonatrach va juste commettre « un Crime contre la Nature » ? Je parlerais plutôt de « Destin contre Nature », c’est d’ailleurs le titre que j’avais choisi pour une de mes contributions à El Watan.com mais il a été modifié.
L’étude d’impact environnemental que cette société nationale va devoir présenter pour son projet doit inclure tous ces paramètres. Il ne faudra pas seulement parler d’un complexe de zones humides, mais bien de toute une région menacée d’être dénaturée.
Prendre position contre un tel projet, du moins contre le choix de son emplacement, c’est à vrai dire demander à l’Algérie de voir les choses un peu plus en « vert » et moins en « noir ». De considérer que la biodiversité, dont le pétrole est lui-même un résidu, est une véritable source de richesses au même titre que les hydrocarbures ; que développer la ressource humaine pour mettre en valeur les ressources naturelles d’une région, d’un pays, de toute une planète est un défi mondial que notre pays doit relever par des actions concrètes et non seulement par sa brillante activité diplomatique. Cela passera forcement pas des propositions alternatives concrètes et la mise en place d’un réseau d’experts algériens et de citoyens pleins de bonnes volontés. A vrai dire, il existe déjà en Algérie, mais il est encore très désorganisé, sans véritable conscience de son ampleur tant il est disséminé ça et là à travers notre vaste pays.
Ce sont ces centaines de milliers d’Algériens, d’ici ou d’ailleurs que j’invite d’ailleurs à unir leur voix pour convaincre notre gouvernement, non seulement de stopper net toute ambition industrielle concernant Guerbes Sanhadja, mais également d’impulser avec plus de conviction le démarrage d’un développement durable et soutenable pour toute cette région en y incluant tous les acteurs civils et scientifiques de sa préservation.
Karim Tedjani.