22 Avril 2014
Tags: Pierre Rabhi, agro écologie, Algérie, écologie, environnement, journée mondiale de la Terre...
Le triste constat d'une région algérienne, Sanhadja (Skikda) devenue un désert en à peine vingt ans, à force de cultiver la pastèque...(Photo: Tedjnai K.)
Une terre, un atout pour évoluer
Dans son fascinant ouvrage « De l'inégalité parmi les sociétés (Essai sur l'homme et l'environnement», le chercheur américain Jarred Damond démontre avec brio, ainsi qu’une grande rigueur scientifique, que l’indéniable inégalité entre les civilisations humaines est avant tout intimement liée à la nature de leur environnement ainsi qu’a leur capacité à savoir en tirer profit pour subsister.
Seuls les peuples qui ont appris au fil du temps à apprivoiser la terre, purent accéder à un stade de développement qui les a sortis définitivement de la préhistoire. De simples chasseurs-cueilleurs errants, survivants au jour le jour, au gré de la générosité de la nature, ils se sont progressivement transformés en agriculteurs-éleveurs sédentaires capables de produire des surplus alimentaires. Ainsi, ils disposèrent suffisamment de nourriture pour entretenir guerriers, artisans, religieux, scientifiques et même fonctionnaires, donc pour passer du stade de tribu à celui de civilisation liée par pacte millénaire. Celui qui uni un peuple à une terre...
Mais, pour autant que cette maîtrise fût développée, elle n’en a pas moins toujours été encore assujettie à la nature de l’environnement où ces nations se sont installées… Voilà la première, au sens primordiale, des inégalités entre les hommes de cette planète : la richesse naturelle de leur territoire.
Une nature humaine influencée par son environnement
La nature d’une terre forge celle d’un peuple, lui offre le meilleur terreau pour semer les fondements d’une nation. Cette nature humaine, à mon humble avis, est plus profonde, endémique que l'indentité, même nationale...
Mais, quand la nature d’un peuple se dégrade, au point qu’il en oublie de veiller à son essentiel, sa Terre mère, alors il se met à en détruire la nature, la maltraite, l’exploite outrageusement… Beaucoup d’autres ethnologues que Jarred Diamond ont insisté sur le fait que la plupart des déclins des grandes civilisations précédentes se sont ébranlés suite à une grave crise écologique.
Un monde menacé de s'éteindre
A bien des égards et dans la majeure partie de ce monde, le vingt et unième siècle apparait comme le paroxysme de cette fatalité qui veut qu’aucune civilisation n’a encore été capable de relever le défi de se développer tout en respectant l’intégrité de son environnement.
L’agriculteur-éleveur est devenu entre temps un sur consommateur-producteur industriel. Il ne jure que par les machines et les produits dérivés du pétrole. Il adore la vitesse, le gigantisme et les choses futiles qui se consomment facilement. Il produit, de même, des milliards de tonnes de déchets que la nature n’arrive plus à recycler. Elle étouffe de plus en plus sous le poids de tant de toxités mortifères accumlées.
La nature, le sol, la biodiversité, ainsi, devient non plus un temple sacré, le ventre nourricier de notre Terre , mais un vulgaire outil de production que l’on ne sait plus que saturer d’intrants chimiques au point de la rendre malade, fatiguée. Imaginez que seulement à peine un pour cent des molécules présentes dans la plupart des pesticides utilisés dans le monde n’atteignent leur cible ; le reste part sans vergogne contaminer « ce qui nous entoure et nous influence ». Plus de cent milles à vrai dire, ont déjà ainsi été introduites dans notre environnement mondial!
A force de vouloir plus de gain, on en est arrivé à obtenir de moins en moins de bénéfices à bousculer nos récoltes, à forcer la terre à produire plus qu’elle n’en a envie. Et, qui dit environnement vicié, dit forcement aussi santé publique en danger. Le cancer, mal du siècle précédent, fléau apocalyptique de celui-ci, s’est imposé dans nos quotidiens de citadins, à mesure que l’industrie agro alimentaire s’est tournée vers le tout chimique, tout conditionné.
Pour une autre façon de cultiver
L’Homme des temps moderne mange plus, mais beaucoup moins bien qu’avant. Cet « hyper plus », et non plus « sur plus », n’a même pas été capable d’endiguer la famine sur Terre, pire, proportionnellement, on peut considérer qu’elle la accentuée, à mesure que les inégalités entre les peuples s’est accélérée avec l’industrialisation et la mondialisation de l’exploitation de nos res
Certes, c’est aussi peut-être la première fois où nous disposons d’autant de ressources technologiques à même de nous mener vers cette transition écologique, ce changement de cap vital tant invoqué, même dans les officines des Nations Unies. Tous les pays qui voudront continuer à avancer sereinement à travers les siècles doivent changer de système de production autant que de consommation… A ce propos l’agriculture de ce millénaire, qui est la principale source de pollution dans le monde, de gaspillage d’eau et d’énergie, sera écologique ou ne sera pas…
Loin des laboratoires ultra perfectionnés, des équations de la Bourse, du fanatisme de la rentabilité, un peu partout à travers la planète, des hommes et des femmes de bonnes volonté ont décidé un autre postulat de vie pour ce faire. Afin d’aider l’Humanité à effectuer ce bond en avant, fait de petits pas sereins et patients, vers la vraie modernité,. Ils ont misé, non plus seulement sur la technologie, l’industrie de masse, mais plutôt sur la nature de la Terre et celle des Hommes. L’agro écologie est née dans le cœur d’amoureux de la nature soucieux de continuer à nourrir leurs pairs, juste un peu moins, mais vraiment beaucoup mieux.
Une agriculture qui, en les associant sur la même parcelle, rend les cultures non plus compétitives, mais complémentaires. Elle reconnait les bienfaits de la diversité, n’aime pas labourer en profondeur, ne s’interdit pas d’être productive, consciente que notre planète abrite plusieurs milliards de bouche à nourrir et que l’on ne va pas seulement le faire avec de belles intentions écologiques. Produire suffisamment tout en ménageant nos ressources naturelles, laisser faire la nature, réapprendre à lui faire confiance…Voilà le vrai pari gagné à l’échelle locale par nos nouveaux « prophètes » de l’agro écologie…
Pierre Rabhi, le franco-algérien qui a révolutionné l'agriculture
Parmi eux, un nous est à bien des égards très proche. Tout d’abord parce qu’il vit dans les Cévennes, en France, à moins de deux heures d’avion de notre pays. Mais surtout parce que dans les veines de cet homme universel, coule un sang Algérien. En effet, Pierre Rabhi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est né dans la wilaya de Bechar avant de quitter, enfant, l’Algérie pour s’installer en France et y révolutionner l’agriculture. Il est devenu, au fil de ses réussites et du succès de ses livres, une des sommités nationale et internationale de l’agro écologie, au point même d’être un consultant pour l’ONU en matière de sécurité alimentaire…
« La sobriété heureuse », voilà une formule à la fois simple à appréhender qu’elle est devenue compliquée à pratiquer au quotidien dans nos villes polluées…
C’est pourtant, à mon humble avis la substantifique moelle du message de ce vieux sage humble et serein face à toutes les difficultés. Un citoyen du Monde qui affirme que l’acte le plus positivement politique, de nos jours, c’est de « cultiver son jardin ». Un homme qui su faire des miracles dans plusieurs contrées africaines, dont le Sahel , qui est écouté avec beaucoup d’attention au Maroc, en Tunisie…
A l’heure où tout le monde s’accorde à dire que l’Algérie est au carrefour de sa destinée, qu’elle doit s’extirper de sa dépendance aux exportations pétrolières autant qu’aux importations de tout ce dont elle a besoin, il apparait qu'une telle ressource humaine devrait être sollicitée avec beaucoup plus d’insistance !
L'Agriculture en Algérie en devenir ne doit pas être celle des erreurs du passé
L’agriculture en Algérie, si elle se développe lentement, a déjà pris un mauvais chemin en cours de déroute, et non de route. Celui de la modernité à rebours, des pesticides, de la mono culture intensive, des apprentis sorciers de l’industrie pétrochimique. Une Algérie pauvre en eau et, il faut le rappeler, qui n’a pas beaucoup de terre cultivable à sa disposition. Une nation qui maltraite ses arbres à une échelle préoccupante, qui fait ainsi le jeu de l’avancée du désert et du réchauffement climatique. J’en ai été le malheureux témoin à travers tout pays, plus particulièrement dans ma région, Guerbes (Skikda), où la culture abusive de la pastèque est en train de la transformer en désert…
Pierre Rabhi ne va pas sauver l’Algérie, s’il y revient un jour… Car seul l’ensemble des Algériennes et Algériens pourront le faire en décidant enfin d’être plus qu’un peuple, mais bien une nation unie autour d’un projet cohérent de société…
Mais il a peut-être, entre ses doigts d'alchimiste agronome, beaucoup de cartes qu'il pourrait partager avec les Algériens. Nous aider à entamer une véritable révolution agricole algérienne, il ne faut point en douter...
Voilà pourquoi j’ai répondu à l’appel du Collectif « Les Amis de Pierre Rabhi en Algérie » qui s’est lancé le louable défi d’inviter cet homme à renouer des liens solides avec son pays d’origine. J’ai toujours considéré que beaucoup de ce que M. Rabhi partageait en Europe dans sa rayonnante littérature, avait pour essence, la philosophie de nos ancêtres maghrébins. Lui-même, n’est pas né de la dernière pluie, c’est un sénior plus proche du crépuscule que de l’aube de sa vie…
Ne dit-on pas qu’à chaque fois qu’un ancien s’en va, c’est un livre vivant qui s’enfuie de nos mémoires ? Pierre Rabhi, lui, notre grand frère aîné, a eu l’intelligence d’écrire, de s’écrire, pour que son message lui survive. A notre génération de profiter d’un tel trésor, d’autant que l’homme est bien vivant, dans tous les sens du terme…
"Manifeste pour la Terre" un des derniers ouvrage de Pierre Rabhi