ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )
19 Août 2013
jeudi, 15 août 2013 09:16
L'Algérie n’est pas contrainte d’aller vers le gaz de schiste parce qu’elle peut basculer directement vers les énergies renouvelables, estime dans cet entretien Kamel Mostefa-Kara*, directeur de l’Agence nationale des changements climatiques.
Où situez-vous l’Algérie dans le débat mondial sur les changements climatiques ?
Je pense que l’Algérie a donné une dimension politique à cette problématique scientifique. Notre pays ne devrait pas ménager la Chine à qui on devrait demander de réduire ses émissions en gaz à effet de serre. Et c’est la même attitude à adopter avec les États-Unis et tous les autres pollueurs parce que c’est l’Afrique et les pays comme le nôtre qui font les frais de cette pollution. L’augmentation des volumes des gaz à effet de serre perturbe la chimie de l’atmosphère des suites de la combustion des énergies fossiles : le charbon, le pétrole et le gaz.
Le volume du gaz à effet de serre a augmenté de 40 % par rapport à la période préindustrielle. Historiquement ce sont les pays industrialisés qui sont à l’origine de cette pollution. Mais il se trouve que l’atmosphère est indivisible. C’est un bien commun. Il faut qu’on stabilise les gaz à effet de serre pour empêcher un dérèglement qui pourrait être fatal pour toute la planète.
Des spécialistes et des officiels algériens considèrent que les réserves en gaz de schiste de l’Algérie constituent une bonne alternative pour les gisements conventionnels en déclin. Quel est votre avis ?
L’exploitation du gaz de schiste pose des problèmes écologiques colossaux. Nous avons eu une expérience catastrophique dans ce domaine dans le gisement d’In Salah qui est un gisement à la limite du gaz de schiste et du gaz conventionnel parce que, pour vendre ce gaz, il fallait lui enlever une grande quantité de CO2 qu’on transporte et qu’on stocke en sous-sol. En 2006, un forage mal cimenté a provoqué un affaissement de terrain qui a créé un cratère de plusieurs centaines de mètres de diamètre. Et depuis, la nappe phréatique qui alimente la ville voisine de Ouargla a été polluée. Le problème n’est pas réglé à ce jour.
L’exploitation du gaz de schiste semble avoir réussi aux États-Unis…
Nous ne sommes pas obligés de suivre le même modèle de développement des États-Unis, adopté depuis la révolution industrielle. Il n’y a rien qui nous empêche de sauter l’étape carbone et de basculer directement vers les énergies renouvelables. Nous n’avons pas comme les pays industrialisés beaucoup d’installations à reconvertir. Nous avons un gisement solaire considérable et on peut couvrir l’ensemble de nos besoins énergétiques avec des ressources vertes dans 20 à 25 ans. Mais il faut tout d’abord une réelle volonté politique pour atteindre cet objectif.
L’Algérie ambitionne de produire 40 % de ses besoins en électricité à partir de ressources renouvelables à l’horizon 2030…
L’Algérie avait cette ambition depuis les années 70. Mais sur le terrain, on continue à construire des centrales qui fonctionnent à l’énergie fossile. L’aspect du dérèglement climatique n’est pas pris en compte par le pouvoir politique. Ce n’est pas avec la centrale hybride de Hassi R’mel qui produit 150 MW, dont 20 seulement sont d’origine solaire et le reste avec du gaz fourni gratuitement, qu’on va réussir le passage aux énergies renouvelables.
Les Européens nous proposent actuellement la technologie du photovoltaïque et celle du miroir (solaire thermique) qui ne conviennent pas à notre pays. Ce sont des technologies complexes, chères et intermittentes. Des technologies hybrides dont 60 % de leurs énergies proviennent d’énergies fossiles. D’ailleurs pourquoi le projet Desertec ne marche pas ? Parce qu’il prévoit de produire 30 % de l’électricité verte avec du gaz presque gratuit.
Quelle est donc, selon vous, la technologie qui convient le mieux à l’Algérie ?
C’est la technologie de la tour à courant ascendant aérien. C’est une technologie simple qui maitrise la force de l’ascendance de l’air chaud. Ces tours ont été expérimentées et exploitées en Espagne et en Chine. C’est une force maitrisable qui utilise la lumière et la chaleur du soleil et qui n’a aucun impact sur l’environnement. En plus de tout cela, elle coute moins cher que le photovoltaïque et les énergies fossiles. Cette technologie dérange partout dans le monde. En Allemagne par exemple, ça dérange parce qu’ils ont investi beaucoup dans le photovoltaïque et la technologie du miroir et ils veulent vendre pour rentabiliser leurs investissements. Chez nous aussi ça dérange parce qu’il y a des gens qui sont impliqués avec des lobbies internationaux. Ce sont des questions d’intérêts.
*Kamel Mostefa-Kara est auteur de l’ouvrage « État des lieux, bilan et perspectives du défi des changements climatiques en Algérie », paru aux Éditions Dahlab en 2013.