ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )
28 Novembre 2013
Ce matin, un internaute a publié sur le mur de ma page « facebook » une vidéo où l’on peut voir des agents de la propreté municipale déverser, en plein jour, leur benne à ordure dans les gorges de Kherrata, situées dans la wilaya de Bejaïa. Un véritable scandale écologique commis apparemment avec le consentement des autorités locales, puisque leurs auteurs n’ont même pas pris la peine d’accomplir leur sinistre besogne à l’abri des regards !
Il me parait tout d'abord important, avant d’évoquer toute la morbidité d’une telle entreprise, de féliciter les auteurs de cette vidéo amateur. Il serait bon qu’un nombre grandissant de citoyens prennent l’initiative de dénoncer ainsi sur le net de tels actes criminels et pour la nature, et pour la santé publique dont ils sont témoins. Une telle veille citoyenne est à vrai dire incontournable, car il est évident que rien n’est plus parlant qu’une vidéo ou une photo pour mettre les doigts sur les faire-semblant, les outrages à l’intérêt commun, les irresponsables petits trafics qui dégradent chaque jour un peu plus nos paysages ainsi que la biodiversité qu’ils abritent. Il faut mettre toutes les autorités locales, la presse ainsi que les hautes instances nationales devant le fait accompli, ainsi que face à leurs responsablités respectives: les choses ne peuvent et ne doivent pas durer ainsi.
Revenons à nos ordures. Il n’est pas rare de lire ou d’entendre dans la presse nationale que l’incivisme des citoyens algériens, en matière de déchets, est la principale cause de l’extrême saleté de nos villes. Certes, qui oserait , en partie, le nier ?
Pourtant, dans ce podcast , le triste spectacle d’une benne à ordures soulagée de ses tonnes de détritus dans de magnifiques gorges naturelles n’est pourtant pas l’œuvre de citoyens à part entière. Ce sont des agents professionnels de la propreté publique qui ont agi de la sorte. Des gens payés par le gouvernement, gérés par des élus locaux ainsi que des fonctionnaires, et cela en bafouant outrageusement la législation algérienne en matière de gestion des déchets. A la triste vue d’une telle offense à la loi algérienne, commise de plus est au nez et à la barbe des autorités locales ainsi que de la société civile, on se demande que peuvent vraiment valoir, dans un tel contexte, toutes les bonnes intentions affichées par le M.A.T.E et son nouveau Ministre qui parait pourtant si prometteuse au regard de ses discours et de sa grande expérience dans le domaine de l’environnement.
Certes, la vidéo est antérieure à la mise en place de cette nouvelle équipe ministérielle puisque mise en ligne le 8 août 2011. Mais, de même que l'on dit que la muraille de Chine n'a pas été bâtie en une nuit, doit-on s'attendre à ce que ce genre de mauvaise habitude soit devenue depuis marginale? Alors qu'elle a été pendant de longues années la triste norme...
Que s’est-il passé à Kherrata? Est-ce simplement le manque de conscience professionnelle de ces agents dont il a été question ? Est-ce un fait exceptionnel, ou bien, plutôt et malheureusement une morbide routine bien rodée qui persiste parmi les professionels de la proprété publique?
J’aimerais avoir la naïveté de croire que les gorges de Kherrata, située dans une des plus belles nature tellienne du territoire algérien, ne sont pas devenues ainsi une véritable décharge publique à "oued ouvert" et que, ce qui a été commis ici, n’est qu’un cas rare et isolé. Je serais encore plus étonné d'apprendre que de tels dégâts ont été depuis réparés et que les coupables ont été sanctionnés.
Malheureusement, mon expérience du terrain m’a définitivement immunisé contre de telles utopies. Bien au contraire : partout à travers le pays, et ce de diverses façons, de telles entreprises malhonnêtes sont encore accomplies régulièrement. Cela ne concerne pas seulement les déchets d’ailleurs, mais également l’entretien des forêts, les maintenances des canalisations, la construction des routes etc. Le plus souvent, il s’agit d’acteurs privés qui ne remplissent pas correctement leur part de contrat, pire, parfois, se sont des fonctionnaires ou certains élus locaux qui sont leurs plus fervents partenaires et complices. A chaque fois, les principales victimes de ces défaillances de gestion sont la nature algérienne ainsi que les Algériens.
Imaginez, des tonnes et des tonnes de détritus saturant des gorges, c’est-à-dire un passage saisonnier pour un oued qui va parcourir une partie du pays pour se déverser dans la mer… Doit-on rappeler aux internautes que le meilleur vecteur d’épidémies et de pollution c’est l’eau ? Ainsi, quand le fleuve éphémère aura repris ses droits saisonniers sur ces splendides gorges , avec ses torrents et courants, il transportera des myriades de déchets dont on ne sait même pas s’ils sont toxiques ou non. N’oublions pas que, dans certaines localités d’Algérie, les déchets hospitaliers, très dangereux et contagieux, sont jetés tout simplement à la poubelle ! Qu’y avait-il dans cette benne ?
Des cours d’eau, des puits, des nappes phréatiques seront ainsi concernées par de terribles risques de pollution. La santé des animaux domestiques et de la faune et la flore sauvages, celle des populations locales, et, cycle de l’eau oblige, la mer Méditerranée sera encore plus polluée qu’elle ne l’est déjà. Dans nombre de régions parcourues par cet Oued, les sols seront également dégradés, l’eau des champs irrigués menacée d'être polluée…
Kherrata , à l'instar de ses gorges est un des plus beaux joyaux de la nature algérienne. Bejaïa possède un charme incomparable, une de ces régions d'Algérie qui m'a fait oublier, le temps d'un séjour , celle de Guerbes Sanhadja mon petit coin de paradis naturel à Skikda . Pourtant c'est également une des plus polluée, notamment parce qu'elle est victime de son succès touristique.
J’aimerais insister sur le fait que, si j’ai délibérément choisi un ton qui pourrait sembler alarmiste quant aux conséquences d'un délit constaté localement, c’est parce que je n’oublie pas que c’est malheureusement un cas d’école à travers toute le Maghreb, pour ne pas dire une grande partie des pays de la zone méditerranéenne. Ce n’est pas seulement un acte isolé qu’il faut condamner, mais bien la récurrence d’un tel état de fait et, encore plus son impunité non moins récurrente de la part des autorités locales.
Le sujet n’est pas anodin, il est même grave et soulève une légitime interrogation : nos dirigeants sont-ils vraiment bien conscients que « la tolérance zéro » est une des clefs pour lutter efficacement contre la pollution ? Comment ne pas casser d’œufs dans un panier percé ?
Si la responsabilité du citoyen est à souligner dans un tel volet, le manque de rigueur ainsi que les maillons faibles dans tous les process locaux de la gestion des déchets en Algérie doivent être identifiés, corrigés voire, quand il le faut, remplacés.
A leur décharge, les agents impliqués dans ce délit savaient-ils vraiment quel crime ils étaient en train de commettre ? Ont-ils été suffisamment formés pour cela ? Que dire des élus locaux et de leur laisser-faire ? Quel est leur degré de connaissance des conséquences environnementales et économiques d’une telle inconscience ? Pourquoi , en regardant cette vidéo, a-t-on l’impression que les auteurs de cette pollution ont agi sans la moindre crainte d’être un jour sanctionnés ?