S'il est vrai que le développement d'une industrie touristique revêt, aujourd'hui, un caractère éminemment stratégique et tout particulièrement dans la préparation de l'ère de l'après-pétrole, il n'en demeure pas moins, qu'il faille inscrire cette nouvelle dynamique dans une vision de développement durable, préservateur du milieu et des intérêts des générations futures.
Cela veut dire que nous devons donner la primauté à la démarche de l'écotourisme. En effet, parler aujourd'hui d'écotourisme, équivaut à rechercher de nouvelles alternatives au conflit souvent enregistré entre l'exploitation abusive des écosystèmes fragiles dans une logique de subsistance des populations locales et la nécessité de leur préservation dans l'intérêt des générations futures. Il s'agit donc de revisiter l'ensemble des pratiques qui se rattachent à l'exploitation des ressources naturelles, aux activités économiques, au patrimoine, aux us et coutumes, au mode d'habitat, autrement dit, à tous les éléments qui participent à la formulation d'un produit touristique fortement prisé, dès lors qu'on assiste, aujourd'hui, à une prise de conscience à l'échelle internationale par rapport à la question du développement durable. A noter aussi, que la question d'écotourisme en Algérie devrait touver la plénitude de son expression au niveau des régions du Sud, qui disposent d'atouts majeurs leur permettant d'offrir à la clientèle nationale et étrangère des destinations de choix, comme semble le confirmer l'engouement pour les régions du Hoggar - Tasili, du Touat Gourara, de la Saoura et du M'Zab. Au titre de ma contribution à l'émergence d'un pôle d'excellence d'écotourisme à l'échelle de l'espace du Touat-Gourara, les investigations entreprises, au titre de travaux préliminaires de recherche, m'ont amené à considérer cette question au sein de nouveaux rapports qui concilient tout à la fois, les intérêts de la population ksourienne et la préservation du milieu. Cela nous a amenés à nous interroger sur les aspects d'implication de la population locale dans ce projet majeur, porteur d'espoir pour une jeunesse de plus en plus ouverte sur le savoir et les technologies, et dont l'avenir reste intimement lié à la faisabilité d'un tel projet qui requiert cependant :
1. Une adhésion citoyenne correctement encadrée dans les principes de l'esprit communautaire et de la caution morale des zaouias qui régulent habituellement la vie économique, sociale et culturelle à l'intérieur des ksours. Il s'agit en fait, de considérer la population ksourienne à travers les éléments qui souhaitent s'y investir, comme des acteurs d'une entreprise d'écotourisme réussie. Cela veut dire qu'il faille inscrire cette dynamique dans une compétence partagée, où chacun des partenaires trouve à y gagner (population, collectivités, Etat, promoteurs, associations, clientèle...).
2. Une formation appropriée des futurs acteurs et promoteurs de cette nouvelle dynamique touristique, à savoir les jeunes, à travers l'ouverture de nouvelles filières de l'enseignement professionnel et universitaire, et de la formation continue, dans les arts et métiers, l'hotellerie et la restauration, les langues, la maîtrise des cultures du terroir, l'architecture ksourienne, l'irrigation traditionnelle, la gestion des manuscrits, et tout autre élément apprécié d'une clientèle de touristes, avide de curiosités et portée sur l'initiation aux savoir-faire locaux.
3. Une formation spécifique destinée en tout premier lieu aux gestionnaires et personnels des collectivités locales, ayant trait aux écosystèmes oasiens, à la nécessité de leur préservation et à toute la problématique du développement durable. Cette démarche pourrait contribuer à l'orientation des investissements et dans le choix des programmes et des actions qui puissent avoir un impact direct sur la cohésion sociale, la restauration des équilibres écologiques et sur l'effet de croissance déjà amorcé.
4. Une nouvelle approche économique articulée sur la recherche d'une agriculture intelligente qui intègre tout à la fois, le souci de sécurité alimentaire des populations locales et la préservation des ressources. Cela veut dire, qu'il faille concevoir une agriculture du juste milieu par opposition à l'agriculture de subsistance, peu rémunératrice de l'effort, et de l'agriculture intensive fortement prédatrice de ressources rares et porteuses de risques sur le système d'irrigation traditionnelle des foggaras dont elle perturbe le fonctionnement.
5. La prise en charge du phénomène d'ensablement des établissements humains et des infrastructures, à partir de la densification de la composante paysagère, génératrice d'une dynamique de grands travaux forestiers et d'emplois de proximité, dans la perspective d'une amélioration du revenu des ménages.
6. L'observation continue des ressources en eau et en sol, dans le cas d'une prévention du risque de rupture des équilibres, à l'amélioration de la fertilité des sols, au traitement et à la réutilisation des eaux usées qui ne sauraient être indéfiniment rejetées dans des cuvettes fermées sans exutoire.
7. La gestion d'un environnement totalement inscrit dans une dynamique d'écotourisme, qui fait non seulement appel à la gestion des déchets solides, au lagunage, aux espaces verts, à la substitution du plastique, à la constitution de réserves naturelles, à la reconversion des palmeraies bayoudées et non productives en jardins botaniques, en gîtes touristiques, mais aussi, aux actions de salubrité publique qui donnent l'image d'un pays totalement acquis aux principes de l'éco-développement.
8. La préservation de l'habitat et de la vie ksourienne en tant qu'éléments fondateurs d'un produit touristique qui ne saurait s'accommoder des aspects anarchiques d'introduction du parpaing, de la conception habituelle du réseau d'éclairage public, de l'absence de sanitaire, de bornes fontaines, de cybercafés et de bien d'autres commodités de vie.
9. L'élaboration d'une offre de services de qualité à des prix avantageux est un autre moyen pour faire fonctionner le tourisme, comme moteur de croissance et de lutte contre la pauvreté, tout en anticipant les effets négatifs induits par les flux de touristes, aux plans socioculturels et environnementaux qui portent atteinte au maintien des diversités naturelles et culturelles.
10. L'émergence des villes d'Adrar et de Timimoun en tant que pôles régulateurs d'une activité de soutien à la dynamique touristique et de centres de rayonnement à l'échelle de la région sub-sahélienne, ce qui sous-tend bien évidemment, la définition des équipements structurants manquants, de mise à niveau, à hauteur des autres villes similaires du Maghreb de renommée internationale.
11. L'aménagement et la promotion de zones d'expansion touristiques qui font appel au savoir-faire et au professionalisme dans la gestion du management touristique, dans l'architecture ksourienne, dans la maîtrise des langues étrangères et de la culture des terroirs, dans l'offre de services et de l'encadrement des touristes.
12. La mise en place d'un environnement propice au développement d'initiatives privées et communautaires à travers la création de micro-entreprises dans les domaines de l'agriculture biologique, de l'artisanat, de la culture, de l'environnement, des énergies renouvelables, et du tourisme.
Cette approche multidimensionnelle de l'écotourisme, qui ne saurait s'inscrire durablement que dans la promotion des savoir-faire locaux et le professionnalisme, revêt du point de vue de l'aménagement du territoire, le caractère de grands travaux générateurs d'emplois de proximité et de prospérité au bénéfice des populations ksouriennes. Comme doit être recherchée, une adaptation des aides et soutiens de l'Etat dans le cadre de la préservation, de la restauration et de la mise en valeur du patrimoine au titre de la permanence de la mémoire collective, élément déterminant d'une entreprise d'écotourisme durable. Tels sont les axes directeurs d'une dynamique d'écotourisme totalement orientée sur la citoyenneté et l'adhésion des populations locales à un projet porteur d'espoir pour les générations futures, et d'une meilleure distribution des richesses et une prospérité partagée en tant qu'élément fondateur du principe d'égalité des chances, en tout lieu du territoire.
Le Quotidien d'Oran, Halem Massica - 13 février 2008