23 Janvier 2014
Les industriels tels que le géant de l'agronomie Monsento sont considérés comme les nouveaux maitres du monde, pour le meilleur et pour le pire... Mais pour "qui" travaillent-ils vraiment?
On a coutume de décerner la palme du maître incontestable du monde à notre espèce. Mais, n’est-ce pas aller un peu trop vite en besogne ? L’Homme moderne, en passe de devenir « homo sapiens cyber » est-il vraiment aussi maître de son destin et de son environnement qu’il veut bien le prétendre ? Peut-il mériter un tel titre ? Il suffit, à mon humble avis, d’être un peu curieux des miracles de la nature pour envisager les choses sous un angle beaucoup moins absolu…
Certes, a bien des égards, l’Humanité a su, pour le meilleur autant que pour le pire, imposer sa loi à la quasi-totalité de la biodiversité mondiale. Au point même, d’en être devenue le principal prédateur, pour ne pas dire éradicateur. Notre millénaire annonce en effet, aux dires de tous les experts, une sixième extinction massive des espèces vivantes sur Terre. La plus cuisante et surtout la plus fulgurante jamais observée sur la planète bleue. Un seul suspect qui, d’ailleurs, plaide coupable depuis peu : l’être humain et sa manie séculière de tout industrialiser autour de lui.
L’Homme « pense, donc [il est] », selon le philosophe Descartes. L’Homo sapiens sapiens, peut-être…Mais il est difficile de ne pas proposer une autre formule pour définir la nature de son descendant, l’homo sapiens cyber. « Je possède, donc j’existe » ne serait-il pas plus approprié ?
L’homme moderne est un animal social, industrieux, qui n’a également de la fourmi que les défauts. Il aspire à croitre. Il n’envisage son développement qu’en parasitant tout ce qui l’entoure. Il vénère la propriété comme un droit universel inaliénable ; surtout celle de ceux qui possèdent déjà. Il domine pour survivre, c’est un Darwiniste convaincu par sa suprématie. Mais contrairement à son principal « challenger », champion du micro univers, il n’a pas fait de l’altruisme et de l’intérêt commun les principes ultimes de son système de vie. La fourmi, elle, en a été capable. En cela, son mode de société, bien plus démocratique que l’on ne le pense, est largement plus moderne que le nôtre. Mais, ce n’est pas de cet insecte dont je voudrais parler pour remettre en question le titre de champion du monde toutes catégories. Il faudrait écrire autre un article totalement dédié à ce sujet…
Cet Homme, que j'incrimine, d'ailleurs, ce n'est pas vraiment vous et moi. C'est le monstre que nous avons engendré à force de chercher à assouvir instantanément toutes nos envies, même les plus folles. C'est une créature, un pur produit des laboratoires de l'Industrie et de la société de consommation de masse.
Non, le véritable Pouvoir n’est pas d’origine animale. Ni homme, ni insecte. La piste est ailleurs…
C’est dans le monde végétal qu’il faut aller chercher « celui » qui domine le globe terrestre et, plus particulièrement notre pays, l’Algérie. Après avoir été pendant des siècles son principal producteur dans le bassin méditerranéen, elle en est à présent le premier importateur au monde. Je pense que vous avez deviné de « qui » je voudrais à présent vous parler : du blé, cette céréale pour qui l’homme est près à tout… Jamais aucun organisme vivant n’aura autant parié sur les faiblesses et les qualités de l’Humanité pour se développer. Un fin stratège, comme la plupart des végétaux, d’ailleurs.
Prenez l’exemple d’un arbre, ou d’une fleur…
Comment expliquer que, s’ils n’ont pas de pattes ni d’ailes pour se déplacer, malgré qu’ils soient enracinés au sol, les végétaux n’en colonisent pas moins la planète depuis la nuit des temps. Comment ? C’est très simple : ils utilisent la synergie des autres espèces pour se reproduire. Ils manipulent littéralement la faune pour prospérer à travers le monde.
Un arbre produit un fruit pour qu’il soit digéré par un autre organisme vivant. Par une étrange magie, il s’avère que ce fruit a été conçu en fonction des goûts et des habitudes de certaines catégories d’espèces. La fleur, elle, offre du nectar à tous les insectes qui viennent la butiner, en échange, elle déposera sa semence sur leur corps, qui ira ensuite se mêler à une autre fleur de la même espèce que ces derniers iront déguster bien plus loin. La couleur du fruit, des pétales d’une fleur, les flagrances olfactives qu’ils dégagent, le goût de leurs fruits, de leurs nectars, leur morphologie, tout cela a été étudié pour attiser la convoitise d’un animal, d’un insecte. Les pépins des fruits, jouent, à ce propos, le même rôle que les pollens. Un fruit ingurgité par un animal, ce sont des graines introduites dans son estomac qui, ne pouvant les digérer, les rendra à la terre, bien au chaud dans leurs fumiers… Une fois piétinées, ou bien encore déplacées par le vent ou les ruissèlements de la pluie, elles vont être semées plus ou moins loin. Certaines noix, comme celle du cocotier, s’offrent même aux fleuves ou à la mer pour parcourir des milliers de kilomètres !
« Végéter », ce n’est être si statique et passif que cela, à y regarder de plus près… C’est utiliser l’énergie solaire, une énergie renouvelable, par le biais de la photosynthèse. Utiliser la force des autres. Toujours proposer un service en échange d’un autre, un pacte « gagnant-gagnant » avec son environnement.
Revenons-en à notre chère amie la fourmi. Certaines espèces ont poussé la symbiose bien au delà d’un simple échange de service culinaire contre une assistance à la reproduction. Elles ont tissé des liens très intimes avec certains végétaux. La plupart du temps, en échange d’un gîte, sûr et nourricier, nos intrépides insectes sont « engagés" comme gardes du corps contre tous les animaux mal intentionnés. Beaucoup d’entre nous, en lisant « Les Fourmis » de Weber, ont entendu parler de l’Acacia et de son armée de fourmi. A noter que, si par malheur, ces dernières décidaient de ne pas respecter leur part du contrat établi avec ses végétaux, ces derniers disposent de nombreux moyens de pression pour obtenir réparation…Ils sont les propriétaires, non des colonisés, les fourmis ne sont que locataires.
A ce jeu de gourmandise et de reproduction, le blé a été de loin le plus ingénieux…
Imaginez, il y a de cela 10 000 ans, une graminée sauvage (égilope), qui poussait dans la plus ancienne antiquité en Mésopotamie. Elle rencontre l’Homme. Elle, son pari pour conquérir le monde, ce sera de croire en la formidable ambition de ce bipède à deux mains qui, s’il n’a pas encore imposé sa loi au reste du monde vivant, n’en demeure pas moins un champion plein d’avenir. Son principal atout pour cela réside dans incroyable facilité de mutation. Tout est, en apparence, malléable chez le blé. Sa forme, son ergonomie, son cycle de culture, les services alimentaires et logistiques qu’il peut rendre à l’Homme ; tout a été fait pour se rendre indispensable auprès de nous.
Bingo ! A présent, il règne sur des millions et des millions hectares et des hectares de terres cultivés à travers toute la planète. Et, quand là où il pousse avec du « round-up », pas un milligramme d’autre chose de vivant ne peut y persister. Dans le site Wikipédia, on peut lire à propos du blé qu'il partie des trois grandes céréales avec le maïs et le riz. C'est, avec environ 600 millions de tonnes annuelles, la troisième par l'importance de la récolte mondiale et, avec le riz, la plus consommée par l'homme."
Comme tous les seigneurs, il a ses rivaux millénaires. Le maïs, le riz, et depuis peu le soja…Ces végétaux ont également « touché le gros lot » en s’adaptant aux besoins de l’Homme et des animaux qu’il domestique. Sa suprématie n’est pas immuable.
Le blé et ses dérivés (dont l’amidon) sont partout. Dans nos assiettes, nos pains, dans de nombreux produits industriels, d’autant qu’il s’est aussi appliqué, au fil de ses mutations, à produire pendant une des dénrées les plus pratique et incontournable pour assouvir un des autres « péché mignon » de notre espèce : la viande... Le blé nourrit nos animaux domestqiues depuis la nuit des temps.
Les céréales ont conquis le monde grâce à leur emprise sur l’Humanité. C’est indéniable. Mais est-ce pour autant pour la meilleure des conclusions ? Là, il est permis d’émettre des réserves sans grand risque d’être taxé de mauvaise foi.
Non, parce que, telles que nous les pratiquons industriellement, la culture du blé, celle du maïs, du soja ou bien encore du riz sont invasives, polluantes et mortifères. Toutes ces cultures, et leurs semences souvent OGM consomment de très grandes quantités d’eau, quand elle vient à se faire rare à travers la planète. Les pesticides, les engrais chimiques tuent les sols ainsi que les environnements. Leur mono culture intensive provoque de terribles et récurrentes déforestations à travers toute la planète. Près d’une centaine de millier de molécules chimiques ont été introduites depuis la seconde guerre mondiale dans l’environnement planétaire. L’Homme, au sommet de la chaine alimentaire, est la cible la plus concernée par l’accumulation de pollutions provoquées par l’agriculture industrielle. Autant dire, nous nous auto empoisonnons à nos frais.
En Algérie, le blé est le seul maître. Pour le plus grand bien, d’ailleurs des grands céréaliers français, puisque ce pays qui est le numéro un des acheteurs de blé dans le monde, fait appel au blé français à hauteur d’au moins 80%. Mais pour la santé des agriculteurs français et pour les terroirs français, est-ce vraiment une bonne affaire sur le long terme ? Dire qui est, dans cette affaire la victime immédiate ou le bourreau à petit feu, autant désigner qui de l’œuf ou de la poule est apparu en premier.
L’Algérie, ancien grenier à blé de Rome, premier créancier dans ce domaine de la jeune République française révolutionnaire. Le destin des Algériens est intiment lié à cette céréale. Ne dit-on pas que c’est à cause d’un soufflet jeté à un haut fonctionnaire français, pour une dette de blé qui avait trop tardé à être payée, que la France entra en guerre avec notre pays ? Si le prétexte est un peu réducteur, il n’en demeure pas moins historique.
Rarement, un art culinaire n’a été aussi imprégné par le blé que la cuisine berbère où sa semoule règne en reine absolue. Le couscous est emblématique, à ce sujet. Mais, il ne faudrait pas oublier d’ailleurs, à ce propos, l’orge et d’autres céréales, qui ont souvent été systématiquement remplacés par le blé dans les recettes actuelles… Il existe de nombreuses variétés de couscous à bases d’autre chose que du blé.
La différence avec l’époque où les fiers Amazighs peuplaient la terre qui allait un jour s’appeler l’Algérie, et la nôtre, c’est que le blé n’est plus cultivé dans les même proportions. Le blé d’aujourd’hui consomme bien plus d’eau et, cette dernière tant à se faire de plus en plus rare dans notre partie du globe. La population n’est plus la même…Elle a littéralement explosé et elle consomme des quantités astronomiques de pain, avec la fâcheuse tendance d’en gaspiller le plus souvent la mie. Pâtes, pizzas, pâtisseries, volailles, tout cela, et tant d’autres choses, c’est du blé virtuel. Et le régime alimentaire algérien, très enclin à la mal bouffe, risque d’être encore et toujours plus demandeur en blé importé.
Aussi, il serait bon de se demander si le blé est une céréale vraiment adaptée à notre pays ? Doit-on, l’intégrer autant dans notre régime alimentaire ? Un blasphème ? Je ne peux qu’acquiescer, j’en frémi de honte moi-même en écrivant ces dernières lignes ! Mais le blé nous a rendus dépendant des autres. On importe plus de blé que l’on exporte de pétrole, nos besoins sont supérieurs à nos moyens. L’issue est indiscutable dans une telle systèmie suicidaire.
Il y une autre question à se poser, qui, je l’espère pourra amener un consensus : le blé Algérien, d’une grande qualité, profite-t-il aux Algériens…Pas toujours, pour donner dans l’euphémisme. Il semble trop cher pour nos consommateurs, pour ne dire trop bien, apparemment. Le blé qui a fait la gloire de l’Algérie, en des temps anciens, est-il le même que celui qui est cultivé en Algérie ? Est-il autant adapté à nos climats ? Ces derniers tendent à se faire de plus en plus arides, au fur et à mesure, notamment, que l’agriculture participe activement à favoriser la disparition des forêts en Algérie.
Est-ce que nous consommons bien ce Blé qui régit nos vies ? Cela voudrait dire privilégier la qualité à la quantité. Consommer seulement un blé national, dans le contexte actuel, et du système agronomique industriel, et des réalités du marché algérien, cela reviendrait à provoquer un véritable suicide écologique. Les français n’ont pas de pétrole sous leur terre et nous pas assez de terre pour cultiver… Ce n’est pas une bonne façon de penser non plus, parce que, l’un dans l’autre nous échangeons avec le reste du monde du blé de haute qualité contre du blé moyen acheté avec l’argent de notre pétrole vendu à nos fournisseurs en céréales. A ce « petit » jeu de troc l’économie algérienne est-elle à ce point gagnante ? Qui sont les vrais bénéficiaires de ce paradoxe qui fait de l’Algérie à la fois un grand producteur de blé, au regard de la qualité, mais aussi le plus grand acheteur de blé, en quantité ?
Cherchez le vrai maître du monde, et vous trouverez sûrement le blé derrière l’Homme ; cherchez les vrais maîtres du blé et, vous trouverez, à coup sûr, quelques « seigneurs » insoupçonnés de l’Algérie... Pourqui rêve de changement planétaire de fond, il ne serait pas inopportun de ce pencher sur une révolution alimentaire et agraire, celle qui détrônera, entre autres, le Blé de nos systèmes de production et de consommation.
Je m’excuse d’avance auprès de mes lecteurs les plus avertis sur le sujet de ne pas avoir été plus scientifique dans mon approche. Je n’ai pas argumenté avec des chiffres ou des références que ces derniers doivent déjà sûrement connaître. Je n’ai pas la formation universitaire pour satisfaire leur expertise, j’espère qu’ils n’auront pas trop à me corriger. Même si je les en remercie d’avance. .
Cette chronique est avant tout destinée à stimuler la curiosité de simples citoyens qui, comme moi, ont tout simplement envie de se poser les questions les plus pertinentes possibles et d’y répondre avec non moins de simplicité. Je lis beaucoup, je parcours un grand nombre de wilayas, j’interroge tous ceux qui savent et qui agissent quand il s’agit d’Environnement et d’Ecologie en Algérie. Je mets ma plume et mon appareil photo au service de ce réseau de bonnes volontés, j'essaie de me faire la voix de toutes celles et ceux qui sont trop affairés sur le terrain pour prendre la parole en public. Souvent ceux qui agissent le mieux ne sont pas les plus doués pour l'élocution. C'est pour cela que j'ai choisi d'être un média pour tous les protecteurs de la nature en Algérie...
Mon modeste travail est semblable, en quelque sorte, à celui d’un petit animal qui mange les fruits de ces « arbres » humains de la connaissance environnementale et qui porte en lui la graine qu’il faudra semer plus loin. La fourmi qui s’active sans relâche pour que la fourmilière survive. Le colibri qui fait sa part, dirait un autre Algérien, lui, très connu en France...