30 Octobre 2013
Sanhadja (Ben Azzouz-Skikda) est devenu en l'espace de quelques décénies un petit désert à quelques kilomètres des côtes...
Quand une forêt se meurt en Algérie, ce sont également les arbres immatériels qui racontent l’histoire de ce territoire et de son peuple qui se mettent alors à s’éteindre dans le cœur des Algériens. Ceux et celles à qui les anciens ont laissé toute cette luxuriante végétation en héritage, pour témoignage millénaire de leur bienveillance envers les générations futures.
Tous les Algériens ont un arbre de famille. Beaucoup même, ont des arbres dans leur famille, tant ceux de leur quartier, leur jardin, leur douar, leur oasis sont pour eux des repères spaciaux, temporels et culturels. Souvent, quand on abat un arbre dans notre pays, s’il n’y a pas foule pour s’y opposer officiellement, il y a toujours des gens attroupés autour pour verser des larmes ou s’offusquer de les voir disparaître ; comme si on avait attenté à la vie d’un voisin ou d’un membre de leur famille…
J’en connais même un, grand chercheur à l’institut national des recherches forestières, le Pr. Messaouden, qui m’a raconté comment il a pu déterminer l’année exacte de sa naissance en comparant les témoignages de ses parents, à propos du temps qu’il faisait quand il est né, avec ceux laissés sur les sillons des chênes de sa région qu’il a pu étudier.
On lui avait dit qu'il était né une année où l'hiver était particulièrement neigeux et rigoureux. Il pu retrouver la trace de cette saison grâce aux sillons inscrits sur des d'échantillons de troncs d'arbres prélévés dans sa région natale. La largeure de ces derniers dépend notamment des climats saisonniers endurés par un arbre au fil du temps. Le résultat de ses recherches fut sans appel, l'année civique de sa naissance ne pouvait être valide; car les arbres lui ont révélé qu'il n'y avait pas eut de neige l'hiver de sa date de naissance officielle!
Non contents de nous apporter protections, oxygène et eau, les arbres nous racontent. Ils sont les gardiens de biens des trésors en Algérie.
On dit, « quand une forêt meurt, un désert prend vie… »
Il en va de même pour l’esprit d’une société. Quand elle laisse ses forêts en pâtures aux appétits humains, ainsi qu’à la merci des aléas climatiques. Elle s'offre ainsi et elle même au désert.
L’arbre est un élément fondateur de la matrice culturelle algérienne. Beaucoup de nos ancêtres ont vécu dans de vastes et denses forêts. Dans chaque région, tel ou tel douar ou village, il y a ces anciens pour nous rappeler les promesses qu’il ont eux même faites un jour à leurs parents qui eux-mêmes tenaient ces prescriptions de leurs ancêtres : respecter et protéger les arbres de notre pays.
A quoi pourrait donc ressembler les Kabylies de Tizi Ouzou à Skikda sans leurs oliviers ou leur chènes centenaires? La culture des gens d'un Atlas privé de ces cédres et pins endémiques? El Oued ou Biskra sans leurs palmeraies?
Le desert...
Là où une forêt est en péril, en Algérie, il y a heureusement des jeunes et moins jeunes qui se sont organisés pour remédier à un tel désastre ; souvent avec la même passion qui devrait habiter toute personne travaillant à la Direction Générale des Forêts. Il y a aussi des chercheurs passionnés et qualifiés, des forestiers qui tentent, tant bien que mal de faire leur métier, malgré un statut et des conditions encore rarement à la mesure de l’importance de leur travail pour l'avenir du pays. Il ya aussi des journalistes consciencieux pour parler de l’état de grande fragilité de nos forêts…
L’urbanisation anarchique, la spéculation immobilière frauduleuse qu’elle entretien, certains aspects aberrants de la lutte contre le terrorisme dans notre pays, une agriculture de plus en plus toxique pour les sols et exerçant une pression de plus en plus nocive sur les forêts, le changement climatique, la pollution, l’extinction de certaines espèces avec lesquelles ils sont en symbiose, la faible éfficience du système administratif, la liste est longue pour évoquer les origines de la dégradations de nos forêts par le développement économique du pays .
Pourtant, parce ce que, rappellerons-le, « là où une forêt se meurt, un désert prend vie », ce développement économique ne saurait se faire sans une couverture végétale suffisante en qualité et en quantité pour assurer tous ses rôles écologiques de rempart contre le désert mais aussi de stabilisateur climatique et de régulateur des ressource hydriques. Tout cela s’opérant sous l’effet de la photosynthèse, c’est-à-dire grâce au soleil, une énergie renouvelable et propre. Il faudrait un nombre considérable de complexes industriels forts coûteux et énergivores, des technologies très pointus, pour effectuer ce que les arbres accomplissent au quotidien pour le plus grand bien de la vie sur Terre.
Si les bonnes volontés s'activent, les résultats sont encore trop timides face à l'ampleur croissante des préssions anthropiques et climatiques sur nos forêts.
On parle souvent du barrage vert comme le meilleur obstacle contre l’avancée du désert. On en parle seulement?
Mais, au regard de la relation qui existe entre un écosystème et une économie sociale, ce barrage vert doit d’abord puiser sa source dans la Culture. Il faut semer des arbres dans la tête des gens, avec des racines fortes et des ramifications étendues, baignant dans un substrat social où le respect de l’environnement est un droit ainsi qu’un devoir qui incombe à l’ensemble de la société algérienne.
Sinon, sans faire renaître de ses cendres la culture de l’arbre en Algérie, comment semer la bonne essence au bon endroit ? Comment assurer une veille intergénérationnelle pour le maintien et l’optimisation de nos couverts forestiers ? Sans une vrai culture de l’arbre, on plante souvent un pin là où un chêne aurait été plus approprié. On organise la prolifération des eucalyptus, et tout cela sans un véritable suivit scientifique ou programme d’entretien de longue durée. Comment intégrer les changements climatiques dans la gestion de nos forêts ?
La DGF, le monde associatif sont les principaux acteurs capables de cette renaissance encore possible. Il faudrait que l’Etat stimule la rencontre entre ses deux pôles d’actions et de sensibilisations pour que nos forêts reviennent à la vie.
Cette émulation entre citoyens responsables et professionnels de la forêt commence d’ailleurs à se faire naturellement, j’en ai été bien des fois témoin. Mais cela suffira-t-il à protéger et cultiver nos forêts? A la vitesse où elle se fait actuellement, j'ai bien peur que non.
Celui qui plante un arbre sème potentiellement une forêt autour de lui . Ceux qui plantent ensemble une forêt, eux, sèment des générations pour leurs pays. Voilà un autre de ses adages universels qui devrait inspirer un nouveau développement pour notre Algérie.