ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )
30 Avril 2014
Depuis les années 80, les scientifiques se penchent sur l'impact de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes. Perte de rendement, dégradation et érosion de la biodiversité font partie des effets, à long terme, que peuvent subir certains milieux sensibles.
Actu-Environnement : On a beaucoup parlé récemment des impacts sanitaires de la pollution atmosphérique, et notamment du pic de particules. Qu'en est-il des impacts sur les écosystèmes ?
Laurence Galsomiès : Ces derniers jours, l'épisode que l'on a vécu est exceptionnel, d'autant que les particules rendent visibles la pollution qui est généralement impalpable. Mais ce type de pic de pollution n'a pas une forte influence sur l'état sanitaire des écosystèmes. Ils sont sensibles, en revanche, à une pollution de fond, dite aussi chronique, à moyen et long terme, qui peut conduire à leur transformation ou leur dégradation. On a tous en tête encore les images des forêts dans le Triangle noir, en Pologne et en République tchèque, où les dépôts de composés acides et azotés ont conduit, dans les années 70-80, à des paysages fortement dégradés, où seuls subsistaient les troncs des arbres. Il reste des zones où les stigmates sont encore là aujourd'hui : si la dégradation prend du temps, la restauration d'un milieu est longue également, même si les systèmes naturels ont une grande capacité de résilience. Mais on n'en est pas là en France ! Il faut néanmoins rester vigilant sur certains écosystèmes sensibles et fragiles : la pollution atmosphérique est pour eux un facteur de stress supplémentaire.
AE : Comment se caractérisent les effets de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes ?
LG : Il y a plusieurs types de pollution : l'ozone, la pollution acide ou azotée. Les effets seront perceptibles selon la sensibilité des végétaux mais, globalement, la pollution atmosphérique peut dérégler les cycles nutritifs des plantes et entraîner, pour les cultures agricoles notamment, une perte de rendement. L'ozone est un agent extrêmement phytotoxique et oxydant. Cette molécule pénètre dans les stomates et crée des nécroses sur les feuilles. A partir de là, la plante va se dégrader puisque c'est par les feuilles que beaucoup de choses se passent (photosynthèse…). Dans le bassin méditerranéen, le pin d'Alep est particulièrement sensible aux niveaux de fond d'ozone. On peut imaginer que, si elle est fortement impactée, cette espèce disparaisse à terme.
Les dépôts de particules en excès peuvent quant à eux perturber les cycles nutritifs. L'acidification de l'air, liée aux composés soufrés (acide sulfurique, notamment) et azotés (acide nitrique), entraîne une perte de fertilité et une modification de la productivité des écosystèmes. Elle va perturber l'équilibre chimique de la plante, et notamment les apports en magnésium et en calcium, qui sont très utiles à la végétation. Ces éléments vont devenir beaucoup plus solubles, être lessivés et ne resteront donc pas à la disposition du système terrestre. La modification de l'acidité des milieux favorise également l'absorption des métaux par les racines des arbres et végétaux alors que généralement ces éléments sont plutôt stables. D'autres polluants dits organiques persistants (POPs) ont des effets néfastes sur l'environnement car ils ont tendance à se concentrer dans la chaîne alimentaire et ainsi atteindre des doses non négligeables et dangereuses pour la santé.
L'eutrophisation, liée à l'excès d'apport de composés azotés (acide nitrique, ammoniac), peut conduire à une modification de la répartition des espèces et à une érosion de la biodiversité. En effet, les plantes fixent naturellement l'azote. Mais lorsqu'il y a un excès d'azote, certaines espèces, les nitrophiles, vont être très productives, au détriment d'autres espèces.
AE : Où en est-on aujourd'hui dans la mesure de ces phénomènes ?
LG : La première prise de conscience en France de l'impact de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes a eu lieu dans les années 80, avec ce que l'on a appelé les pluies acides. Certaines forêts, notamment dans le Jura et les Vosges, montraient des signes de dépérissement. On s'est alors rendu compte que la pollution atmosphérique n'était pas le principal élément déclencheur mais que, combinée à d'autres facteurs (pauvreté des sols, sécheresse), elle avait conduit à une baisse de fertilité et de productivité des milieux.
A partir de ce moment-là, plusieurs observatoires ont été créés, comme le réseau Renecofor (géré par l'ONF), le dispositif Mera (géré par l'Ecole des Mines de Douai) ou encore Bramm (initié par l'Ademe et géré par le MNHN). Ce dernier s'appuie sur des bio-indicateurs pour estimer la capacité des écosystèmes à accumuler la pollution. Le dispositif Bramm estime par exemple la pollution de fond des dépôts de métaux et d'azote grâce aux mousses. Ces végétaux sont utilisés car ils n'ont pas de racines et on estime ainsi que les apports de métaux sont d'origine atmosphérique. Les trois premières campagnes menées entre 1996 et 2006 nous ont permis d'observer une diminution des apports de certains métaux (cadmium, chrome, plomb, zinc…). En revanche, deux métaux très toxiques sont en augmentation d'un peu plus de 20% (l'arsenic et le mercure) et plusieurs autres sont à surveiller, comme l'aluminium, le fer et le nickel. La charge critique est le seuil de dépassement des dépôts en excès au-delà duquel des effets nocifs peuvent apparaître pour certains végétaux. Près de vingt ans d'observation nous ont permis de constater que le phénomène d'acidification était largement à la baisse, lié aux réductions des émissions de soufre. Mais ce n'est pas pour autant que les impacts sur les écosystèmes ont totalement disparu. Certains territoires sont particulièrement vulnérables à l'acidification, comme les Vosges, les Landes ou le Massif central. En revanche, l'eutrophisation est en hausse, liée aux excès d'azote, notamment d'ammoniac agricole.
Propos recueillis par Sophie Fabrégat© Tous droits réservés Actu-Environn