16 Mai 2012
La planète souffre et sa guérison semble compromise. La pression exercée par l'humanité sur les écosystèmes est telle que nous consommons chaque année moitié plus de ressources que la Terre n'en fournit. A ce rythme, il nous faudra deux planètes pour répondre à nos besoins en 2030, s'alarme le WWF (Fonds mondial pour la nature) dans son rapport Planète vivante 2012, publié mardi 15 mai.
PERTE DE BIODIVERSITÉ SOUS LES TROPIQUES
Réalisé tous les deux ans, cet état des lieux de la planète - qui ne présente pas de différence notable par rapport à 2010 - se base sur deux indicateurs. Le premier, c'est l'indice planète vivante (IPV), qui mesure les variations de la biodiversité àpartir du suivi de 9 014 populations appartenant à 2 688 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons. Cet indice confirme une diminution de 28 % de la biodiversité entre 1970 et 2008 (dernières données disponibles).
Des différences existent toutefois entre les régions : l'IPV a ainsi chuté de 60 % dans les pays tropicaux, alors qu'il a progressé de près de 30 % dans les pays tempérés. Les pays tempérés, qui recoupent souvent les pays industrialisés, ont entrepris des mesures de conservation après avoir largement dégradé leur environnement au cours des siècles passés - ce que ne permet pas de voir l'échelle restreinte du graphique. Les pays tropicaux, eux, en accélérant leur développement économique, rejoignent en réalité le même niveau de destruction des écosystèmes.
FORTE EMPREINTE DANS LES PAYS RICHES ET LES BRIICS
Le second outil d'analyse, l'empreinte écologique, mesure quant à lui la surface de terre et le volume d'eau nécessaires pour produire les ressources consommées par la population chaque année et absorber le dioxyde de carbone rejeté. Selon le WWF, l'empreinte écologique de l'humanité atteignait en 2008 18,2 milliards d'hectares globaux (hag, hectares de bioproductivité moyenne), soit 2,7 hag par personne. L'empreinte mondiale, qui a doublé depuis les années 1960, excède donc de 50 % la biocapacité de la planète, c'est-à-dire sa faculté à régénérer lesressources naturelles et absorber le CO2, qui elle, s'élevait à 12 milliards de hag (1,8 hag par personne).
Au final, en 2008, l'humanité a utilisé l'équivalent d'une planète et demie pour vivre, et a donc entamé son "capital naturel". Cette surconsommation est majoritairement imputable aux émissions de gaz carbonique (55 %), devant les cultures et pâturages.
Comme on pouvait s'y attendre, les pays aux revenus les plus élevés exercent une pression plus grande que les pays moins développés. Ainsi, l'empreinte carbone record est détenue par le Qatar (11,5 hag nécessaires par habitant), suivi du Koweït, des Emirats arabes unis, du Danemark et des Etats-Unis, qui se situent entre 8 et 10 hag par habitant. La France se classe à la 23e position, avec 5 hag, soit le double de la moyenne mondiale (2,7). Le Bangladesh, l'Erythrée,Haïti, l'Afghanistan et le Timor oriental possèdent quant à eux l'empreinte la plus faible, avec environ 0,4 hag par habitant.
Entre ces deux extrêmes, les BRIICS (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine etAfrique du Sud) sont les pays dont l'empreinte écologique progresse le plus vite, avec celle des pays européens. Ramenée par habitant, l'empreinte de la Russiereprésente ainsi maintenant 61 % de celle des Etats-Unis, le Brésil 41 %, l'Afrique du Sud 36 % et la Chine 30 %. Au Brésil, en Inde et en Indonésie, la nourriture compte pour la moitié de l'empreinte nationale.
PRESSION SUR LES RESSOURCES DES PAYS PAUVRES
Cette consommation accrue de ressources pose nécessairement la question de la compétition pour leur contrôle. Si certains pays, comme la Bolivie, ont une empreinte par habitant faible par rapport à leur biocapacité (respectivement 2,6 hag contre 18 hag), d'autres, au contraire, consomment beaucoup plus que leurs ressources nationales ne peuvent le supporter. C'est le cas des Emirats arabes unis, dont l'empreinte par habitant a atteint 8,4 hag alors même que le pays présente une biocapacité des plus réduites (0,6 hag). En d'autres termes, les habitants des Emirats arabes unis dépendent de ressources d'autres nations, via les importations, pour satisfaire leurs besoins.
Conséquence : la pression sur les ressources naturelles des pays les plus pauvres s'aggrave, qu'il s'agisse de produits alimentaires, biocarburants ou de matières premières. Du côté des terres, les acquisitions foncières ont ainsi atteint, depuis le milieu des années 2000, une superficie équivalente à celle de l'Europe orientale.
La réalité est la même pour l'eau. Plus d'un cinquième de l'or bleu consommé sur la planète (9 087 milliards de mètres cubes par an) est englouti par des produits destinés à l'exportation, agricoles ou industriels. En important de la sorte des biens intensifs en eau, les pays développés augmentent les pressions sur des zones fragiles souvent dépourvues de politiques de conservation de cette ressource rare. Aujourd'hui, 2,7 milliards de personnes se trouvent dans des zones touchées par une sécheresse pendant au moins un mois de l'année.
Lire : Qui consomme vraiment l'eau de la planète ?
TENSIONS D'UNE POPULATION CROISSANTE
Le problème est que cette tendance devrait aller en s'aggravant avec l'augmentation de la population, qui a déjà doublé depuis 1950, pour atteindre 7 milliards en 2011, et devrait encore croître à 9,3 milliards en 2050. D'après les scénarios du WWF, si aucune mesure n'est prise pour enrayer la tendance, la pression sur les écosystèmes va se poursuivre et empirer, pour atteindre deux planètes nécessaires à la survie de l'humanité en 2030 et 2,9 planètes en 2050. Des chiffres insoutenables à long terme.
Alors que la Conférence des Nations unies sur le développement durable, Rio +20, s'ouvre dans un mois, le WWF fournit cinq pistes d'actions afin d'infléchir la tendance :
Audrey Garric