30 Août 2012
Alors que la France est un des plus gros consommateurs de médicaments en Europe, les pistes pour réduire l’impact de ces derniers sur l’environnement sont nombreuses. À suivre, car environnement et santé sont profondément liés…
De la production de médicaments moins polluants aux conditions de recyclage, il existe des solutions pour réduire l’impact des traitements médicamenteux sur notre environnement. Pourtant, de nombreux efforts restent à fournir de la part des particuliers, des laboratoires mais aussi des structures hospitalières et des centres de recyclage. Explications et petit tour d’horizon des actions à mettre en œuvre.
La question du recyclage des médicaments est essentielle car les médicaments non traités spécifiquement peuvent se retrouver indirectement dans l’eau potable ou dans notre alimentation quotidienne ! Des résidus de médicaments vétérinaires ont ainsi été retrouvés dans des petits pots pour bébé à base de viande en Espagne¹, en dépit de la "tolérance zéro" prônée par la Commission européenne. Comment est-ce possible ? Concrètement, les médicaments périmés ou non utilisés qui sont jetés aux ordures ménagères sont incinérés ou enfouis selon le traitement des déchets de votre région. Lorsqu’ils sont enfouis, les résidus de médicaments passent dans les nappes phréatiques et se retrouvent dans les sols et l’eau.
"Aujourd’hui, le grand public comme les structures hospitalières restent peu sensibilisés à l’impact des médicaments résiduels dans l’eau, l’air et les sols. Le recyclage chez le pharmacien n’est pas automatique et aucun consensus n’a été trouvé au niveau national pour recycler les médicaments périmés des structures hospitalières, en dehors d’une élimination avec les DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux) qui est onéreuse", explique Olivier Toma, président de l’association C2DS, Comité pour le Développement Durable en Santé.
La solution ? Produire des contenants et des quantités de médicament en fonction de leur utilisation réelle, afin d’éviter le gaspillage. Pour Olivier Toma, il s'agit d'une mesure phare et urgente. "La Rifamycine injectée en collyre dans les yeux des bébés à leur naissance et jetée après utilisation n’est toujours pas proposée en uni-dose. Quant aux flacons de Bétadine utilisés avant les interventions chirurgicales, ils sont proposés en format 100 ml alors que l’expérience montre que seul 30 ml sont utilisés par les patients".
La question des traces de médicaments dans les excréments pose aussi problème. En effet, qu'on le veuille ou non, une part des médicaments que l'on ingère se retrouve dans nos excréments. L’eau des toilettes passe dans les égouts puis dans les stations d’épuration, mais ces dernières ne peuvent pas traiter tous les résidus de médicaments. "De plus en plus de traitements de chimiothérapie peuvent s’effectuer à domicile. Un confort pour les patients mais des traces de ces médicaments se retrouvent dans l’eau et y restent ! C’est un vrai problème, non solutionné à ce jour", déplore Olivier Toma.
Le bon sens nous invite à penser que consommer des résidus de médicaments à travers la nourriture et l’eau est néfaste pour la santé. D'un point de vue strictement scientifique, les effets directs et indirects restent cependant difficiles à analyser. Le PNRM 2011 (Plan National sur les Résidus de Médicaments) s’est emparé du sujet mais conclut seulement à la nécessité de faire des études plus approfondies¹…
En matière de santé environnementale, le modèle suédois est original. Depuis 2005, ce pays scandinave a mis en place un outil qui permet aux prescripteurs, à effet thérapeutique équivalent, de choisir des médicaments moins persistants dans l’environnement, moins bio-accumulables et moins toxiques.
Si l'amélioration du système de reprise des produits pharmaceutiques inutilisés ou périmés -pour atteindre au moins 90 % de récupération- reste un véritable défi, les solutions sont donc aussi du côté de la recherche : les laboratoires ont intérêt à concevoir des produits moins toxiques².
Enfin, le bon sens reste le meilleur allié de l’environnement. En effet, la première chose à faire pour réduire l’impact des médicaments sur l’environnement est tout simplement de repenser à la baisse, quand cela est possible, la prescription de médicaments et l’automédication.
Delphine Bourdet, juillet 2012
Sources
- Entretien avec Olivier Toma, Président de l’association C2DS, Comité pour le Développement Durable en Santé, juin 2012.
- Dossier de presse C2DS l’impact environnemental des médicaments, 7 juin 2012, Paris.
1. Multiclass method for fast determination of veterinary drug residues in baby food by ultra-high-performance liquid chromatography–tandem mass spectrometry. Food Chemistry, Volume 132, Issue 4, 15 June 2012, Pages 2171–2180 (résumé accessible en ligne).
2. Médicaments et environnement : Recommandations de l'Académie nationale de pharmacie(pages 11 et 12 en particulier).