6 Septembre 2012
«Le concept a été introduit dans les années 80. Les rapports de certaines ONG comme l’IUCN, basée à Gland, ont commencé à en parler», indique Jorge Viñuales.
«Des institutions comme la Banque mondiale se sont emparées de la notion de ‘soutenabilité’, de durabilité dans la croissance, pour éviter d’enterrer ce souci de la croissance.»
«Le terme de développement durable a été consacré par le Rapport Brundtland en 1987. Puis a été repris dans la Déclaration de Rio en 1992.»
Le développement durable est mort, vive la démocratie environnementale! Ainsi pourrait-on résumer le propos de cet ancien de Sciences Po Paris et de Harvard.
Le Matin - Selon vous, le concept de développement durable se meurt. Qu’est-ce qui vous permet de le dire?
Jorge Viñuales – Il existe différentes manières de mesurer la santé d’un concept. Si on prend ses fréquentes apparitions dans les textes officiels, le développement durable n’est pas en train de mourir. Au contraire. En revanche, à l’aune de ses résultats, la meilleure preuve qu’il est en train de mourir, c’est qu’il est mis à toutes les sauces. Le développement durable meurt parce qu’il met tout le monde d’accord. Si tout le monde est d’accord, c’est qu’il ne signifie pas grand-chose. Soyez certain qu’il continuera à être utilisé longtemps. Mais les vraies avancées se feront ailleurs. Son seul avantage est d’être rassembleur. Aujourd’hui sans grands résultats. Il faudrait peut-être se rassembler un peu moins ou alors autour de thématiques plus ponctuelles et plus précises.
Comment expliquer sa popularité?
Un démon hante les efforts de protection de l’environnement depuis le début: la croissance. On a essayé de réduire cette tension entre développement économique et protection de l’environnement en créant un mensonge. Le développement durable est une astuce diplomatique qui consiste à dire que développement et environnement vont entièrement de pair. Or, ce n’est qu’à moitié vrai. Dans un certain nombre de domaines, la protection de l’environnement a un prix en termes de transition et de croissance. Je ne dis pas qu’il faut sacrifier la protection de l’environnement. Au contraire. Mais je dis qu’il faut établir des priorités stratégiques claires. C’est justement ce que le concept de développement durable ne permet pas de faire.
Cette tension entre croissance et nécessité de préserver la biosphère apparaît plus aigüe que jamais. Comment aborder le problème?
Croissance et développement économique sont exigés par les populations. Il n’est pas possible de dire à un Chinois ou un Indien de ne pas manger de viande ou de ne pas faire progresser son niveau de vie. De manière générale dans le monde, les populations lient bien plus leur qualité de vie à la croissance économique qu’à la protection de l’environnement. Mais cette manière de voir change très lentement. Le rapport à l’environnement est en train de se modifier. Cela débouchera sur une demande de produits environnementaux, de croissance réduite, de responsabilité environnementale. Ce processus est très lent mais il est à l’œuvre. Dans différents pays, les plus jeunes générations respectent beaucoup plus l’environnement, de manière totalement naturelle. Pour accélérer ce processus, il faut garantir l’accès à l’information environnementale, la participation à la décision environnementale et le recours aux tribunaux quand ces deux droits ne sont pas respectés.
Créé: 06.09.2012