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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

"Les Compagnons de l'eau de Naciria" par Karim Tedjani

Détail de la fresque ornant la deuxième fontaine de la source Tala Ifri de Naciria

Deuxième visite à Naciria (Boumerdes).

 

 


Quand la soif devient sacrée…

En ce mois de Ramadan, il parait encore plus évident pour chacun et chacune d’entre nous à quel point l’eau est un bien précieux,  source ultime et irremplaçable de vie.

Souvent,  la canicule estivale aidant, bien plus que la faim, c’est la soif qui apparait être la privation la plus éprouvante à endurer pour tous ceux qui jeûnent. Les palais asséchés attisent les imaginations, hantent  les esprits comme si l’on était perdu dans l’immensité du désert, espérant croiser sur sa route une oasis où une eau limpide et rafraîchissante coulerait à flots. Boire de l’eau fraîche devient presque une obsession au point qu’à l’heure de la rupture du jeûne le premier  verre consommé, prend des airs de la plus savoureuse des  libérations…

 C’est sûrement pour cela  que la période du carême est celle où de nombreux citoyens se ruent encore plus qu’à l’accoutumé vers les sources naturelles de leur région afin de faire « le plein » d’une eau aux vertus sanitaires et gustatives malheureusement bien au dessus de la plupart de celles qui jaillissent des robinets  de leurs domiciles.

Car, pendant le Ramadan, il est de bon ton de se faire plaisir, de boire et de manger les meilleures denrées possible.  Or, comme tout le monde le sait,  le nec plus ultra en matière d’eau douce, c’est bien entendu celle qui  coule des sources naturelles !  Chacun  possède, en fonction de sa préférence,   ses adresses coutumières  plus où moins éloignées de sa ville où de son village. Ceux qui n’ont pas de véhicule, solidarité musulmane oblige, peuvent compter sur un membre de la famille ou bien encore un voisin compatissant  pour lui apporter un ou deux bidons de ce précieux breuvage.

C’est dire, à quel point, Mohamed Djazaïri et ses nobles compagnons d’entreprise ont redoublé de courage ainsi que d’abnégation pour finir les travaux des fontaines  de la source Tala Ifri  de Naciria (Boumerdes) avant le début de cette saison sacrée pour tous les musulmans du monde.

 

La deuxième fontaine

Voici la deuxième fontaine érigée par nos Compagnons de l'eau de Naciria...

 

 

 

A Naciria, comme un peu partout en Algérie, l’eau du robinet n’est pas une valeur sûre pour les consommateurs.

Pour ceux ainsi que celles qui suivent l’actualité de ce portail, le nom de Naciria n’est pas  une inconnue.

J’avais, en effet, il ya de cela quelque mois, publié sur « Nouara » un article intitulé « aux sources du volontariat »  témoignant  de la louable initiative de certains habitants de cette ville qui avaient décidé de  s’organiser afin de restaurer le réseau de fontaines de Tala Ifri existant depuis au moins deux siècles dans cette partie de la Kabylie. En ce presque milieu de mois sacré, je suis revenu constater  avec un immense plaisir les résultats de cette belle aventure humaine.

Dès mon arrivée à l’entrée de la route qui mène à la source Tala Ifri, juste au bord de la chaussée j’assiste, envahi par un léger frisson d’émotion, au plus motivant des spectacles .A voir le nombre de gens qui s’agglutine autour de  la deuxième fontaine construite par ces « compagnons  de l’eau » on comprend sans effort que cette entreprise  est  sans conteste un franc succès. Partout des sourires, des petits gestes qui ne trompent pas sur le fait que les habitants de Naciria sont heureux de pouvoir profiter d’un tel service. D’autant qu’à regarder cette fontaine,  la belle fresque peinte  sur  un carrelage impeccablement posé, dont Abdelaziz Idres, un artiste de Tizou Ouzou est l’auteur, la citation de Albert Einstein  inscrite sur l’édifice ainsi que les nombreux robinets à la disposition des usagers, on ne peut que respecter le travail bien fait.

 A Naciria, comme dans beaucoup de communes  qui ont gardé une empreinte encore rurale, l’eau se boit  de préférence   directement  à la source. Il faut dire que la plupart des algériens, s’ils en ont les moyens, préfèrent éviter de boire l’eau du robinet.

 A Boudouaou,  par exemple, dans la même wilaya, celle du réseau domestique  a  plus le goût de la  javel qu’autre chose. Je me souviens du témoignage d’une mère de  famille dans le quartier très populaire  de « L’Eria » à Oued Znati (Guelma) qui m’expliquait éviter cette dernière  suite à de nombreuses maladies qu’elle et ses enfants avaient éprouvées en la consommant. A vrai dire, lors de mes nombreux déplacements à travers  toute la zone tellienne du pays, j’ai rarement pu constater que les gens s’abreuvaient de l’eau du réseau domestique.

Si la politique hydraulique de notre pays semble avoir misé sur la quantité, il parait évident que l’aspect qualitative a été négligé. Lors d’une rencontre avec un ingénieur en hydraulique à Annaba, j’ai été étonné d’apprendre que, si notre pays avait largement investi dans la construction de grands barrages, le plus souvent, les stations chargées d’épurer l’eau collectée  n’ont pas été suffisamment renouvelées. Elles  ont des capacités bien inférieures au débit accusé par ces immenses réservoirs. Ce paradoxe surréaliste  est à vrai dire souvent à l’origine des coupures récurrentes d’eau dont beaucoup d’entre nous sont victime au quotidien.

En ville, il est de bon ton de boire de l’eau minérale vendue en bouteille. Si cette tendance fait les affaires des distributeurs d’eaux minérales, elle pèse largement sur le budget de nos concitoyens ; surtout quand on sait que dans notre pays, un litre d’eau est, au mieux, aussi cher que celui d’essence ! Pour notre environnement, c’est un désastre car des millions de bouteilles non recyclées ont envahi la voie publique ainsi que nos plages et nos campagnes qui se dégradent à vue d’œil sans que la société algérienne ne semble vraiment réagir ou bien encore ne cherche de véritables solutions.

Disposer d’une source naturelle à la périphérie de son domicile est donc un avantage précieux, une chance inestimable qu’il serait dommage de ne pas saisir, encore moins de gâcher. C’est en adhérant à ce postulat que Mohamed et ses amis ont rendu un des plus fiers services à leur communauté.

Sur le chemin qui mène  à notre point de rencontre, la grotte Ifri, je croise de nombreux habitants qui se dirigent où reviennent de la première fontaine construite par Mohamed et ses amis.  Cette affluence illustre parfaitement ce manque de confiance envers l’eau du réseau publique. Si cette dernière était digne de confiance  je pense que de telles fontaines n’auraient pas un tel succès…

A chaque fois, je suis accueilli par de grands sourires et des « bienvenus » venus du fond du cœur. Même si, au grand regret de Mohamed, les finitions décoratives de cet ouvrage n’ont pas pu être achevées  avant le début du Carême, ce point de distribution n’en reste pas moins tout à fait opérationnel. La joie, la bonne humeur  que je devine sans difficulté sur les visages de tous ceux qui sont venus  ici pour chercher de l’eau, témoignent de l’importance  d’une telle  réalisation.

 

Première fontaine 1

La première fontaine de la source Tala Ifri à Naciria...

 

 

Les "compagnons de l’eau" de Naciria.

Cette fois-ci, Mohamed s’est arrangé pour me présenter  les principaux  acteurs de cet acte de bienfaisance   dont l’exemplarité devrait, à mon humble avis, rayonner bien au-delà des limites de cette commune si accueillante. Nous avions convenu de nous retrouver en fin d’après-midi, un peu avant la rupture du jeûne.

Me voici donc en présence de ceux que je considère comme des héros du quotidien, des compagnons de l’eau dont le seul intérêt dans cette démarche a été la satisfaction d’avoir œuvré pour le bien fondé de toute la communauté et d’avoir veillé au bien-être des jeunes générations.

Après de brèves présentations, Mohamed Djazaïri m’invite à visiter la deuxième grotte qui se trouve au bout d’un couloir naturel que nous empruntons tous ensemble. Une fois, ce couloir naturel traversé, nous nous retrouvons  dans un très bel  endroit qui ressemble beaucoup à un théâtre antique. Mohamed, m’informe d’ailleurs que c’est ici   qu’avant  se déroulait, entre autre,  des joutes amicales sous le regard amusé des habitants de Naciria.  Il me rappelle, une fois de plus et avec d’ailleurs beaucoup de pertinence que ce genre d’endroit, parce qu’il réunissait régulièrement toutes les générations du village, jouait un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale ainsi que dans la transmission  du savoir et des valeurs auprès des jeunes. Pour Mohamed, c’est une chose qui s’est malheureusement perdue à travers tout notre pays. Cette négligence est à l’origine, à mon humble avis ,  de la progressive dégradation de la Nature Algérienne, qu’elle soit  au sens propre ou  au figuré.

« Construire ces fontaines a coûté environ un milliard de centimes de dinar (90 000 euros environs) sans compter les heures de travail fournies. Même si elle a tardé à être réactive et retardé ainsi notre progression, l’APC, nous a fait confiance en investissant dans notre projet. Aujourd’hui,  selon mes calculs, nous pouvons offrir jusqu’à  plus de 1000 litres quotidiens à chacun des habitants de notre communauté. C’est un gain énorme et durable  pour la santé publique, le développement de l’agriculture locale et, nous allons à présent œuvrer pour que cela concerne aussi la culture, l’éducation et pourquoi pas l’écotourisme… »

Un de ces nobles personnages, Belmokhtar Ahmed, me répond, quand je l’interroge sur ce qui a motivé sa participation à ce projet : « Faire du bien autour de moi, contribuer à l’amélioration des conditions de vie des  gens de  ma commune est  pour moi une source intarissable de satisfaction. Agir chaque jour que Dieu fait dans ce sens, c’est ainsi que je fais ma  prière ! » me répond-t-il  en affichant un sourire rayonnant de bonté ainsi que d’une profonde sagesse.

Amirat Arezki, en me lançant des regards malicieux  se met à arroser une botte d’une herbe  dont je n’ai pas la connaissance : «  Vous voyez M. Tedjani, cette herbe  quand on l’asperge, elle ne se mouille pas… Elle ressemble en quelque sorte à ce que nos concitoyens sont en train de devenir. Ils veulent que les choses avancent mais ils ne se laissent  plus vraiment pénétrer par l’esprit d’initiative, et surtout, ils ne veulent pas se mouiller ! ». Toute l’assemblée éclate  d’un rire approbateur …

Pour Bouroubi Rabah et Hamoudi Rabah, le discours est le même : tous ces « compagnons  de l’eau » ont choisit de s’investir dans la construction de ces deux fontaines avant tout par soucis de montrer l’exemple et de délivrer ainsi un message d’espoir à leur concitoyens. Sans autre intérêt que la satisfaction d’avoir œuvré pour le bien de toute une commune, ces hommes ont consacré beaucoup de leur temps ainsi que de leur énergie afin que la source de Tala Ifri soit réhabilitée. A constater  la  constance de la fréquentation de ces fontaines jusqu’à une heure tardive, on  comprend qu’il suffit de  vraiment vouloir se prendre en main pour espérer  obtenir des résultats probants.

 En  Algérie, il y a ceux qui, en majorité,  ont baissé les bras, se contentent d’attendre un hypothétique changement ; et puis, une poignée d’homme et de femmes inspirés ont pris plutôt le parti de « se mouiller », de tenter des choses avec une motivation inébranlable. Les résultats obtenus par   Mohamed et ses amis sont la preuve par A plus B qu’une poignée de gens organisés et motivés peuvent changer la vie de milliers de gens …

C’est pour cela que j’aimerais lancer un message à tous les habitants de Naciria qui prendront le temps de lire ce récit : A présent c’est à vous de soutenir ces hommes, de les porter encore plus loin car « Tout seul on va beaucoup  plus vite, Ensemble on va beaucoup  plus loin… »

 

Photo de groupe...

Mohamed au centre entouré de ses amis et partenaires ainsi que de certains membres de sa famille et de personnes présentes à ce moment sur le site. Cette photo a été prise devant la source Tala Ifri.

 

 

Des projets pour l’avenir…

Après un délicieux repas  en compagnie de ses fils ainsi que de ses beaux frères, nous nous rendons en ville pour  parler d’avenir autour d’une boisson fraiche. Ghiat Mustapha nous a rejoints et participe activement à la discussion.  Je propose à Mohamed de créer à présent une association afin de pouvoir aller encore plus loin dans les ambitions de ces « Compagnons de l’eau ». Il y a tout d’abord la nécessité de fournir un éclairage et de disposer des poubelles tout autour du parcours qui mène à la grotte Ifri qui pourrait avec peu d’aménagements, retrouver sa fonction de pôle culturel  et  de cohésion sociale. Avec ses allures de d’amphithéâtre, cette grotte pourrait accueillir des spectacles, des conférences, des expositions  et tant d’autres événements.   La restauration d’un ancien moulin à eau pourrait notamment fournir de l’énergie pour alimenter les ampoules… Mohamed aimerait aussi construire une horloge hydraulique.

Une des choses qui tient énormément à cœur à cet homme plein d’ambition pour sa région, est la création d’une cartographie détaillée de toutes les sources qu’abrite cette commune au patrimoine aquifère très important.

Bref, quand on voit comment avec peu, ces hommes ont accomplis beaucoup, on ne peut que souhaiter voir toute la société civile soutenir leurs actions. C’est aux représentants de l’Apc, aux médias ainsi qu’à tous les habitants de Naciria de porter à présent tous ces projets et de ne pas se contenter de puiser de l’eau sans donner quelque chose en échange….

 

 

La relève...

Inchallah, la relève...

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D
<br /> Tout comme les poètes, les scientifiques , les écrivains et les grands artistes ,les bienfaiteurs  représentent des repères  indéniables dans la société quand ils sont suffisamment bien<br /> compris. Car ils donnent sans compter ,ils ont pour unique soucis l’avenir des générations car ils s’efforcent à voir au-delà de tout les obstacles afin de prévoir des situations les plus<br /> contraignantes ,enfin ils œuvrent pour le meilleur savoir vivre et une parfaite  éducation .Ce que mes amis et moi nous avons initié et concrétisé s’inscrit dans le même sillage et le<br /> résultat est là .Jusqu’à la fin des temps aucune force ne pourra effacer de la mémoire collective une œuvre, une source de vie qui aurait servi gracieusement la communauté et ça fait aussi à mon<br /> sens l’histoire des hommes qui gèrent les affaires de la société qui avance. Retrouvez vos repères , sachez qui vous êtes et ce que vous valez. Le meilleur salaire pour le groupe sont ces<br /> torrents de remerciements qui nous fait un immense plaisir à chaque carrefours .<br />
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