22 Octobre 2011
Parmi les initiatives écologiques les plus courantes en Algérie, les journées collectives dédiées au nettoiement d’un site naturel sont sans contexte en première position.
Il faut dire que ces dernières sont, à court terme cependant, des actions qui ont de nombreux aspects positifs. Tout d’abord ce genre d’événement est très fédérateur et ne demande que du courage et de la disponibilité de la part des bénévoles acquis à cette initiative.
Nettoyer une plage, un coin de forêt, une zone humide (ect…) est presque devenu dans certaines régions un rendez-vous annuel pour les amoureux de la nature algérienne. C’est un bon moyen de sensibiliser les gens qui, en nettoyant, doivent prendre conscience de l’énorme quantité de déchets que génère leur nouveau mode de vie, celui de consommateurs de masse. Dans les années 80, encore, ce n’était pas du tout le cas…
Un des autres points positifs d’une telle entreprise collective est, sans conteste, que le résultat est visible rapidement. Après une bonne journée de travail, on a la satisfaction de contempler la propreté des lieux…C’est un bel élan civique qui peut servir aussi de message fort auprès des autorités quant à la volonté des citoyens de se prendre en main et de réclamer un cadre de vie qui ne mettra pas en péril leur santé.
Mais, ce résultat rapide, n’est-il pas aussi éphémère ?
Est-il « durable » ne laisser pourrir un lieu 364 jours par an pour ne le nettoyer qu'une seule journée dans l'année?
Le citoyen lambda, à force, ne se dira-t-il pas qu’il n’a pas d’effort à faire le restant de l’année pour respecter les lieux, puisque il y aura un nettoiement de prévu un jour ou l’autre de toute façon. Les collectivités penseront inévitablement, si ce genre d’initiative devient trop récurrentes, qu’ils n’auront pas à investir dans les services de propretés puisque les citoyens s’en charge eux-mêmes. J’aimerais prendre plus particulièrement l’exemple des plages en Algérie, parce que, non seulement elles sont les plus sujettes à ce genre d’initiatives, mais aussi parce qu’il me semble facile de comprendre pour ce cas le process dont ces journées de nettoiement ne doivent être que l’élément déclencheur.
Il faut voir comment les services de nettoyage de certaines plages sont ridicules par apport à la quantité de déchets que rejettent sur le sable de nos baies la mer ainsi que les touristes . Alors que ces plages génèrent des revenus conséquents parfois, personne parmi les bénéficiaires de ce marché ne semble vouloir investir plus dans la gestion de la propreté des lieux. Pourtant, sur le moyen terme, ne seront-ils pas les premiers touchés, si plus personne ne vient sur leurs plages tellement elles sont abîmées ? Les touristes pourront aller polluer ailleurs, mais eux, les commerçants locaux, ils perdront leurs affaires pourtant si juteuses.
Je connais un homme à Guerbes (wilaya de Skikda) qui a une affaire de location de parasols et qui investit un salaire pour payer quelqu’un afin de nettoyer quotidiennement son aire de travail. Les résultats qu’il obtient dans ce domaine jouent un grand rôle dans le succès de son entreprise qui a choisi d’investir sur la propreté des lieux. Son raisonnement « local » me parait porteur de beaucoup d’enseignements pour une gestion plus nationale du problème.
Il faut intéresser les commerçants au problème que génèrent leurs clients sur l’environnement des lieux où ils gagnent honnêtement leur vie. Ils doivent soutenir financièrement un projet collectif, en partenariat avec les associations locales pour que plus de poubelles soit crées et moins de déchets produits. Par exemple, on pourrait imposer au commerçant de ces plages de revenir au système de la consigne en verre et de faire payer une taxe écologique (très faible à l’unité) à ces derniers pour tout emballage à emporter qu’ils vendront. Favoriser la création de marques d’emballages spécialisés dans ces secteurs et leur imposer des normes de biodégradabilités suffisantes pour endiguer le problème.
Il Faudrait, de même , instaurer leur investissement à veiller à la propreté des lieux dans les critères de renouvellement de leurs licences commerciales.
Les associations auraient à charge de s’occuper d’organiser le maintien de la propreté des lieux en partenariat avec les collectivités locales. La gestion principale resterait à la collectivité, les associations fourniraient des « renforts en période estivale ».
Ces renforts seraient de plusieurs natures.
Premièrement, la création d’un «pôle jaune » de sensibilisation et de prévention à la pollution serait très intéressante à bien des égards. Des jeunes sincèrement motivés par l’écologie seraient payés pour effectuer des campagnes de sensibilisations auprès des estivaux. Ils auraient aussi à charge d’organiser des ateliers avec les enfants des plages afin de les encourager à respecter l’environnement tout en s’amusant.
Un « pôle vert » de jeunes étudiants ingénieurs en environnement, encadrés par des professionnels aguerris au sujet, seront chargée d’organiser , chaque été , le tri sélectif des déchets et leur conditionnement afin de faciliter leur rapide transit vers les points de recyclages régionaux. Il sera chargé de veiller aussi au maintien d’un parc de poubelles suffisant ainsi que de son entretien régulier. Là aussi, la place doit être donnée aux jeunes chômeurs locaux qui ont été prés à le faire bénévolement. La création d'espaces verts entretenus sera aussi une des préocupation de ce pôle.
Un « pôle bleu » sera chargé de mettre en place l’installation de centrales de production d’énergies renouvelables dans les plages, de gestion de l'eau comme Guerbès qui ne disposent pas déjà d’une installation électrique. Le vent, la force des courants marins, le soleil, le biogaz obtenu avec les algues, il ya vraiment de quoi faire…
Il y a des expériences pilotes à réaliser comme à la plage de Madagh (Oran) ou bien à Guerbès, par exemple, et à appliquer sur tout le territoire par la suite.
L’état et les associations collectent et redistribuent les fonds, les professionnels mettent la main à la poche dans leur intérêt, les entreprises algériennes sponsorisent le projet et travaillent leur image de marque, des emplois et des centres de formations pratiques sont crées et surtout nos plages resteront propres et cela pour longtemps.
Dans un tel système de gestion, les jeunes peuvent à la fois se former à un métier, mais aussi gagner de l'argent tout en ayant la possibilté de passer du temps au bord de la mer.
C'est un exemple pour les plages dite encore "sauvages" qui commencent à être victimes de leur succès et qui ne disposent pas encore de beaucoup d'infrastructures (electricité, eau courante). On peut penser d'autres schémas pour des aires de repos en forêts et autres sites naturels beaucoup visités . Ecologie, rentabilté, qualité de service, pédagogie, sont les critères indispensables pour évaluer de tels projets.
Si les journées spontanées de nettoiement sont de superbes initiatives, sur le court terme, notamment afin de réunir des gens autour de la préservation d’un lieu, j’ai voulu ici évoquer le fait qu’à long terme, elles pouvaient s'avérer être , au contraire, un facteur d’inertie . Je me suis ainsi permis de vous soumettre une idée de projet pilote « bleu, vert, jaune » délibérément simplifié pour laisser à chacun la possibilité de l’accorder à son action locale ainsi qu'avec ces propres idées.
St denis le 22 Octobre 2011
Karim Tedjani pour "Nouara"