27 Mai 2014
Plusieurs dizaines de jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, sont partis, vendredi dernier, à la découverte du site dit Agoulmime Averkane (Lac noir) dans la commune d’Adekar.
Une randonnée pédestre a été organisée dans le cadre d’un festival national des sports de montagne à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la biodiversité, sous le thème « Biodiversité insulaire », par l’association Assirem Gouraya et la Conservation des forêts de Bejaïa, sous l’égide de la FASSM, le soutien de l’APW, des APC et directions (environnement, jeunesse et sport, tourisme…), et la participation de plusieurs associations, dont celle des journalistes et correspondants de Bejaïa (AJCB).
Cette expédition pédestre avait été précédée de l’organisation de conférences, d’expositions, et d’un gala musical au TRB. Si l’objectif social de la randonnée pédestre au Lac noir était de vulgariser une certaine culture environnementale au sein de la population et surtout de la jeunesse, le but principal consistait à rappeler, aux autorités concernées par la protection de l’environnement, la nécessité d’ériger le massif forestier de l’Akfadou en parc national, un statut qui rendra possible le déploiement d’un dispositif de protection et, par contrecoup, de développement touristique de ce site au bénéfice de la commune d’Adekar et de toute la région. L’initiative n’a pas été du goût de tout le monde.
L’association « les amis de la nature d’Adekar » a mobilisé ses adhérents et s’est opposé au passage des véhicules jusqu’au site du Lac noir, estimant qu’il s’agissait d’une randonnée pédestre et qu’un tel déploiement de moyens mécaniques ne rendait pas service à la nature. Il a fallu plusieurs minutes de palabres, quelques fois pas très amènes, pour que la situation se dénoue. Si certains ont été sensibles aux arguments des animateurs de cette opposition, d’autres, plus critiques, les accusent de n’être qu’une association de blocage, à défaut d’être réellement présente sur le terrain pour défendre la forêt contre les bûcherons qui ravagent le massif.
Quoi qu’il en soit, cette action aura empêché les présents de s’imprégner de quelques informations à caractère historique. Le président de l’association Assirem Gouraya a dû, en effet, annuler, au grand regret des randonneurs, une partie de son programme, à savoir la visite d’un site témoignant de la présence romaine à l’endroit et, surtout, la visite du PC du Colonel Amirouche. Les groupes de randonneurs s’ébrouèrent, enfin, s’étirant bientôt en une longue file sur cette étonnante RN34. Réalisée durant la colonisation, et récemment réaménagée par la Conservation des forêts dans le cadre de la préparation du dispositif anti-incendie, ce qui avait l’apparence d’une simple piste, est en fait une route nationale, du moins est-elle classée comme telle. Des deux côtés de la piste, la forêt est dense.
C’est cette zone de l’Akfadou qui a été choisie pour accueillir le cerf de Berbérie, présent uniquement en Afrique du Nord, dans le cadre d’un plan de réintroduction dans son milieu naturel de cette espèce pour sa préservation. Sa chasse est strictement interdite. Il n’en subsisterait, à l’état sauvage, que quelques individus dans les forêts de l’Est algérien et environ 2.000 bêtes en Tunisie. Malheureusement, ce sympathique animal restera invisible pour les visiteurs du jour, ce qui aurait pu les distraire quelque peu de leur fatigue. Une marche d’une douzaine de kilomètres, cela donne aussi forcément soif. Les imprévoyants qui ne se sont pas pourvus d’une gourde d’eau, pouvaient toutefois se désaltérer en chemin.
A condition de savoir qu’aux alentours de la bâtisse désaffectée devant laquelle ils passaient, une ancienne maison forestière, ils pouvaient étancher leur soif à une source bien fraîche. Des camions viennent régulièrement remplir leurs citernes pour approvisionner un commerce de l’eau florissant pour ses animateurs.
Joie et farniente
Arrivés au bout de leur peine et d’une dernière petite pente, les randonneurs ont le souffle coupé par la beauté du site qui se déploie devant leur regard médusé et s’empressent de rejoindre le bord de l’eau où ils sont accueillis par un récital de coassements de grenouilles qui pourrait être interprété autant comme un souhait de bienvenue que d’une désapprobation pour avoir perturbé la sérénité de l’endroit. Une pierre jetée à l’eau par un gamin espiègle les fit taire un moment.
Les visiteurs, jouant sans relâche de leurs caméras, s’égayèrent autour du lac, qui s’installant à l’ombre d’un arbre pour mieux apprécier ce surprenant et agréable paysage, qui s’engouffrait plus profondément dans les fourrés à la découverte des lieux. D’autres, derbouka et guitare dégainés, s’improvisent en orchestre et offrent, dans une ambiance bon enfant, la joie de chanter en groupe et d’entamer quelques pas de danse sous les acclamations d’un public des plus indulgents. Le grand air, ça creuse et les organisateurs n’ont pas oublié cet aspect biologique. Certains randonneurs, prévoyants, se sont munis de quoi faire un agréable pique-nique.
La fatigue passée, la faim apaisée et le regard rassasié de nature, place à une autre nourriture. Ali Mahmoudi, conservateur des forêts de Bejaïa, dans une conférence improvisée, explique que cette sortie pédestre était une illustration, une leçon pratique des conférences et de l’exposition organisée l’avant-veille, pour que tout un chacun comprenne que cette beauté, qui les avait autant subjugués à sa découverte, est fragile et doit être préservée. Il rappela que la forêt de l’Akfadou, durant la colonisation, bénéficiait d’un statut de parc naturel, précisant que les parcs naturels avaient été créés en Algérie bien avant ceux de France. Toutefois, après l’indépendance, l’Akfadou n’a pas été érigé en parc national. Tout en évoquant les efforts déployés pour que le Lac noir, mais aussi Agoulmime Ikher et Agoulmime Alma soit intégrés à la convention Ramsar sur les zones humides, il a émis le souhait que ce massif forestier, qui était un des bastions de la Révolution, soit bientôt classé comme zone protégée.
De son côté, Mohand Messaoudène, chercheur à l’INRA, face à une assistance attentive, a indiqué que ce site exceptionnel s’enorgueillit d’abriter quelque 480 espèces végétales, dont plusieurs à caractère médicinal. Il a également brièvement abordé l’histoire de ce massif forestier en rappelant que sa richesse sylvestre a été rudement exploitée et exportée en métropole par l’occupant français, qui a par ailleurs tenté de transformer le site du Lac noir en arboretum par l’introduction de nouvelles espèces. Agoulmime Averkane est un plan d’eau saisonnier. D’une superficie d’environ un hectare, ce lac se dessèche en été.
La Conservation des forêts a procédé à quelques aménagements pour augmenter sa réserve d’eau et rendre le lac pérenne. L’endroit garde toutefois intacte sa beauté et mérite d’être visité en toute saison. C’est la fin de l’après-midi et les randonneurs, reprenant leur courage, s’apprêtent à rebrousser chemin. Certains bivouaquent sur place avant de prendre, le lendemain, le chemin de Toudja. Une trotte de découverte ponctuée par un challenge national d’escalade. A cœur vaillant…
Ouali M.