19 Mai 2012
Les amphibiens traversent une crise sans précédent. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), plus de 120 espèces se sont éteintes depuis trente ans, 435 ont fortement régressé, et près d'un tiers des 6 000 espèces recensées dans le monde sont menacées d'extinction. Un taux plus élevé que chez les oiseaux (une espèce sur huit en danger) ou que chez les mammifères (une sur quatre).
Les raisons de cette vulnérabilité ? En 2004, une étude de l'UICN montrait que la dégradation des habitats et la surexploitation des amphibiens, que ce soit pour laconsommation ou la terrariophilie, étaient responsables de 54 % des déclins de population observés depuis 1980. Mais les 46 % restants demeuraient d'autant plus énigmatiques qu'ils touchaient des zones où aucune atteinte à l'environnement n'avait été notée, comme les forêts tropicales montagneuses d'Amérique centrale ou d'Australie.
Jusqu'à ce qu'on découvre que nombre de ces extinctions avaient pour point commun une pathologie émergente, la chytridiomycose. Provoquée par le champignon Batrachochytrium dendrobatidis, elle est aujourd'hui considérée comme la pire maladie infectieuse jamais observée chez des vertébrés, tant en nombre d'espèces infectées (près de 400) qu'en gravité. Elle a ainsi provoqué, en 2006, une mortalité massive de crapauds accoucheurs dans les Pyrénées françaises.
PARASITE DES VERTÉBRÉS
Le B. dendrobatidis appartient aux chytrides, un groupe de champignons ubiquistes et cosmopolites qui vivent principalement dans l'eau et le sol. On en recense près de 1 000 espèces dans le monde, mais celui-ci est le seul connu qui parasite des vertébrés. Il s'attaque à la kératine des amphibiens, avec des conséquences très variables selon les espèces. Certaines, telle la grenouille taureau ou la salamandre tigrée, sont des porteurs sains. D'autres sont à l'inverse fortement sensibles à l'infection, comme la rainette de White, chez qui elle provoque un arrêt cardiaque.
Si les causes exactes de la diffusion de la chytridiomycose restent mal connues, les scientifiques s'accordent à penser qu'elle s'est répandue à travers le monde par l'intermédiaire d'objets ayant été au contact de B.dendrobatidis, d'eaux contenant des zoospores ou d'amphibiens infectés.
"Les activités humaines, dans ou à proximité de sites aquatiques, participent fortement à la dissémination du champignon et représentent un risque majeur pour les populations d'amphibiens", affirme Tony Dejean. Chercheur au Parc naturel régional du Périgord-Limousin, ce spécialiste participe à un programme européen visant à identifier les facteurs naturels et anthropogéniques impliqués dans l'émergence de cette maladie.
En Europe, on connaît à ce jour 27 espèces d'amphibiens porteuses du champignon B.dendrobatidis, dont 21 sont présentes en France.
Catherine Vincent