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Nouara Algérie

ECOLOGIE ET ENVIRONNEMENT EN ALGERIE (Une revue de web de plus de 4500 articles )

Parc naturel de Tikjda-« Entre mobilisation civile et drame écologique » (1/3) Par Karim Tedjani

      Tourisme tout en bêton

       Des projets d'écotourisme plutôt que du tourisme tout-en-béton...(Photo Tedjani K.)

Première journée 

 « A la croisée de toutes les Kabylies… »

Je me suis rendu jeudi dernier dans la wilaya de Bouira afin de passer quelques jours en compagnie des membres de l’association environnementale  THAZEMURT  qui siège dans le chef-lieu de Takerboust. Ce fut pour moi l’occasion de participer à l’inauguration officielle de cette nouvelle ONG, mais aussi de faire un point sur la situation écologique du parc naturel de Tikjda. Un rêve d’écologiste amateur se réalisa ainsi, tant la wilaya de Bouira a toujours  éveillée ma curiosité  ainsi que mon désir de l’explorer.

Un rendez-vous fut fixé avec Djamel Bellal, secrétaire de cette association dont le nom fait référence à l’olivier, arbre emblématique  de la culture Kabyle.

A peine installé à bord du véhicule de M.Bellal,  un commerçant très dynamique et ambitieux  pour son village, la conversation s’engage comme si nous nous connaissions depuis toujours. Il est vrai que nous avions échangé pendant de long mois sur  Facebook avant  cette rencontre « en chair et en os ».

_  Takerboust est aussi grand et peuplé  qu’une petite ville, mais pourtant, administrativement nous demeurons un village de la commune d’Aghabalou. Chez nous, à force d’avoir été quelque peu négligés  par les autorités, une véritable organisation horizontale  s’est mise en branle tout naturellement. Nous nous sommes organisés sans désigner  vraiment de chefs. La solidarité et le respect d’autrui, au regard de la rudesse de notre quotidien,  ainsi que de la promiscuité imposée par la vie en montagne, ne sont pas pour nous  des concepts abstraits,  mais bien les seules options possibles pour bien vivre ensemble. 

Cette mobilisation civile, je l’ai d’ailleurs remarquée dans toutes les régions de Kabylie que j’ai eu le plaisir de visiter. C’est une  seconde nature chez les Kabyles, autant que leur farouche soif de liberté ainsi que  leur  prédisposition à la « chamaillerie » en temps de paix…

_ Bouira est devenue, avec l’autoroute,  un carrefour entre diverses régions d’Algérie. L’explosion de l’urbanisme a été fulgurante. Mais, pour l’instant, nous avons réussi à supporter ce développement  parce que la wilaya est assez pourvue en espaces pour la supporter. Quant à  notre village, bien qu’il héberge plus de 15000 habitants,  qu’il soit  lui-même situé à la croisée de toutes les Kabylies (Bejaia, Tizi Ouzou, Bouira),   son développement n’en a pas été pour le moins anarchique et irresponsable. On aime notre région ainsi que sa nature comme on aime un parent ou son foyer.

 Visite à la Dar Dounia de Bouira 

Il fut convenu, avant mon arrivée,  que pour cette première journée, nous irions  tout d’abord rendre visite à un ami de M.Bellal qui administre la maison de l’environnement (Dar Dounia) de Bouira. Il s'appelle Saïd Mamri .J’avais déjà visité celle d’Annaba, qui fut la première érigée en Algérie, puis assisté à l’inauguration de celle confiée à mon ami Fayçal Chebourou   dans la wilaya d’Ain Temouchent. J’étais donc assez curieux de savoir en quoi celle de Bouira allait, soit ressembler à toutes les autres,  soit  se démarquer.

D’un point de vue architectural, au regard des infrastructures  et des prestations proposées, à vrai dire, rien de nouveau sous  le soleil.  La Dar Dounia de Bouira développe  pour l’instant  surtout le concept des Clubs Verts. Comme  dans toutes les maisons  de l’environnement disséminées  à travers 19 wilayas de notre pays, des ateliers de jardinage, de travaux pratiques et d’activités artistiques ont été  instaurées  sur place ainsi que dans plusieurs établissements scolaires périphériques. Ici aussi, la collaboration avec les associations locales est de rigueur, c’est une des autres missions primordiales des Dar Dounia crées et gérées  à l’échelle nationale par le Centre National des Formations Environnementales.     

Par  contre, à Bouira, sûrement parce qu’il n’y a pas encore assez d’entreprises locales potentiellement concernées,  on   a tardé à mettre  en place un véritable programme de formations des entreprises  aux nouvelles normes environnementales ISO  en rigueur dans notre pays, ainsi qu’à travers de nombreux de pays industrialisés.

La particularité des lieux et de cette institution, je l’ai surtout pressentie dans la nature de son personnel  et plus particulièrement de son manager Saïd, un homme qui a fait de la pondération une véritable politique de management.

_ Il faut toujours aborder les choses sous plusieurs angles. Rien ne peut-être totalement noir ou blanc. A Bouira, nous avons la chance, d’un point de vue écologique,  de ne pas avoir encore de grandes  industries installées. L’agriculture, si elle  occupe une grande place dans l’économie de la wilaya, n’est pas aussi polluante et intensive qu’elle pourrait l’être dans les pays hyper développés, mais elle n’en demeure pas moins sans impacts négatifs environnementaux. Cependant, le problème de la gestion des déchets, dans une région en plein boum urbain, n’est pas  anecdotique  ni  malheureusement, endémique à Bouira. En accord avec la politique nationale du CNFE, nous  nous appliquons  à agir avant tout sur les mentalités des jeunes  afin qu’elles évoluent  et nous permettent d’espérer une Algérie future plus éco citoyenne.

Très vite, ce jeune et sage chef de projet me propose de rencontrer  son équipe et m’invite à leur poser toutes les questions qui me sembleront pertinentes. Nous entamons, sous mon impulsion,  une longue discussion  à propos de la  mentalité des habitants de Bouira, mais aussi  de la Kabylie en général. Mes nombreux voyages à travers le pays m’ont laissé à penser que cette grande  région est  de loin une des plus sensibles à la culture environnementale. Je propose  à mon aimable assemblée un postulat : premièrement, la culture traditionnelle  berbère est encore très vivace autant qu’elle  imprègne  largement le quotidien des Kabyles. Cette matrice culturelle regorge de prescriptions au respect de la nature ainsi qu’à celui de son voisinage ; puis, je reste convaincu que le fait que la plupart des Kabyles soient propriétaires de leurs terres ancestrales, au contraire de beaucoup  de ruraux algériens qui n’en sont que locataires,  leur permet de pouvoir se projeter plus loin que le court terme quand il s’agit d’environnement.

_ Le CNFE envisage d’installer des maisons de l’environnement  dans chacune des 48 wilayas du pays. C’est une bonne chose, mais, j’aurais apprécié que tout  le personnel des Dar Dounia déjà en place  soient consultés afin d’éviter les écueils passés  quant à leurs conception. Ce n’est pas que nous soyons totalement insatisfaits de ce qui a déjà  été crée, mais je suis sûr que l’on peut toujours mieux faire et que l’expérience est forcement  bonne à partager entre  tous les membres d’une même organisation.  Saïd  n’aura de cesse de me  parler de coordination des efforts, de consultation, de management horizontal, preuve, à mon humble avis, qu’il est sur la bonne voie pour faire de cette Dar Dounia un véritable outil performant et utile à la société de Bouira et donc à l’ensemble de l’Algérie.

Je tiens aussi à souligner l’extrême gentillesse et disponibilité de tout le reste du staff, qui m’a consacré plus d’une heure pour  nous entretenir  à propos de nombreux thèmes  locaux et nationaux en corrélation  avec l’environnement et la nature algérienne.

Le tourisme et l’écotourisme comme cheval de bataille

M. Bellal, en organisateur consciencieux de mon séjour, nous invite à finir, moi et Saïd  à prolonger cette conversation tout en déjeunant,  puis, de nous rendre ensuite  tous les deux pour une première visite du parc de Tikjda que je vous invite à partager avec moi à travers un album photo …

Si je devais résumer en quelques phrases mes premières impressions, je dirais que la région est d’une rare beauté et que le tourisme semble petit à petit renaître de ces cendres. Cela sera bon si cette activité est bien encadrée, par des acteurs formés et responsables vis-à-vis de cette magnifique nature qui a fait la renommée de la région.  Mais, pour  l’instant, j’ai surtout vu des projets « tout en bêton » se mettre en branle…

Un gros bémol aussi : des milliers de bouteilles et cannettes de bières jonchées le long de l’autoroute… La rumeur concernant cette wilaya n’était donc pas infondée…  Cela pollue bien des paysages et augmente très sensiblement les risques d’incendies en été.

_ Trop de ces bouteilles, pour des raisons purement économiques, ont été produites avec un verre de très mauvaise qualité, impropre au recyclage… Les dépôts d’alcool ne devraient pas exister, la consommation de spiritueux  devrait  se limiter  avant tout dans des établissements fermés.  Cela serait mieux pour la nature, mais aussi la tranquillité des gens. Nos forêts ne sont pas des bars ou des cabarets à ciel ouvert !  Voilà ce qu’en pense mon ami Djamel. 

Puis, nous rendons visite au président de l’association Thazemurt, Ouchene Samir  qui est également gérant d’un hôtel. Nous prenons le temps, autour d’une bonne tasse de thé chaud, de parler de la possibilité de développer l’écotourisme dans la région. Ce type de villégiature pour ce jeune homme élégant et cultivé, est une des rares opportunités de développement économique pour sa région, si l’on veut éviter qu’elle ne soit défigurée par de grands projets industriels, peu pertinents, de surcroit,  dans une zone aussi montagneuse.  Quand on voit à quel point l’hôtel qu’il manage est bien tenu, quand on sait la longue expérience de ce dernier dans le secteur du tourisme, on ne peut qu’être convaincu de la qualité de l’écotourisme qui sera mis en place par son association si on lui en donne tous les moyens.

Le village dans les nuages

Après une longue journée, je suis fatigué et affamé, l’air de la montagne m’a, certes ouvert bien grand les poumons, mais aussi l’appétit !

Djamel m’informe que  son association à mis à ma disponibilité d’une chambre dans ce bel hôtel qui ne souffre d’aucun défaut de commodités.  Mais, en bon Algérien, il me propose de passer la nuit chez lui. Point de choix cornélien pour moi, il est évident que l’idée de partager le quotidien d’une famille Kabyle me parait de loin la plus attractive. Je sais d’avance que je serais accueilli comme un membre à part entière de la famille et que je vais aussi me régaler d’huile d’olive et de produits des terroirs de la Kabylie.  Le foyer familial des Bellal est typique à bien des égards  est Je ne fus en aucun point déçu et   je suis même tombé « amoureux »  de la charmante maman de Djamel, une septuagénaire  au sourire malicieux  et ses maintes attentions à mon égard  qui m’a traité comme son propre fils. Elle ne parle pas vraiment l’arabe, et du coup s’est toujours adressé à moi en Tamazigh, ce qui m’a permis d’apprendre quelques notions de cette langue qui m’a toujours à la fois intriguée et fascinée.  Je me suis régalé d’un délicieux « Makfoul », un couscous local agrémenté par de nombreuses plantes bénéfiques pour le corps, aussi nourrissant et énergétique que s’il avait été accompagné de viande.

Puis, nous arpentons les ruelles de Takerboust pour nous rendre dans un café afin de rencontrer le reste de l’équipe de Tazermuth.

 Ce qui m’a amusé, c’est de voir à quel point ce vaste village, cette petite ville de montagne  transpirait la nature Kabyle de toutes petits chemins tortueux, de ses pentes abruptes, de ses décors typiques, ses bruits de ruissèlements, ses senteurs de bois de cheminée. L’éclairage public était quasi inexistant, les rues désertes  en cette heure tardive, et pourtant, il émanait  de ces lieux une  atmosphère très paisible. Quel luxe de pouvoir admirer les étoiles en pleine zone urbaine…

La rencontre fut très chaleureuse et amicale, nous avons beaucoup parlé d’écologie mais aussi, souvent, nous nous sommes amusés des clichés  concernant Kabyles et « Arabes ». Tout de suite je suis senti à l’aise  parmi ces jeunes hommes aux parcours professionnels si différents  qui partagent  tous néanmoins la même passion : la nature de leur région.

Il est tard à présent, mais si c’est de bonne fatigue, je ne pense plus qu’à une  seule chose, me coucher. D’autant que la journée de demain s’annonce bien chargée et,  s’amorçant par un réveil  fort matinal! Bien lové dans un mille feuille de couvertures berbères,  je sais qu’elle sera, au moins, aussi enrichissante que ce celle qui s’achève pour moi aujourd’hui …

 

Cliquez sur les titres en bleu pour voir les albums...

A suivre…

 

  Parc National de Tikjda-« Entre mobilisation civile et drame écologique » (2/3) Par Karim Tedjani

Parc National de Tikjda-« Entre mobilisation civile et drame écologique » (3/3) Par Karim Tedjani

 

 

 

 

 

 

 

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